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publié par Mickaël Adamadorassy le 24/04/12
Dionysos
- Bird'N'Roll
Bird'N'Roll

Au moment où Brutus s’apprête à poignarder César, il se rappelle... Comment celui-ci lui est littéralement passé sur le corps au New Morning. Comment lui-même ne s’est pas privé de généreusement le palper en portant son corps par dessus la foule à de si nombreuses reprises. Il se rappelle ces moments de folie dans des fosses qui donnent le mal de mer, il se rappelle que lui non plus ne sait pas conduire, pas même un cerf-volant. Et puis la trahison, le ukulélé qui pousse la chansonnette, tous les tics rigolos de la voix en live qui sont couchés sur disque mais surtout les mots qui ne sonnent plus et la mécanique qui se casse.

Vous l’avez sûrement deviné, dans la tragédie qui va se jouer, je suis Brutus et cet article va être essentiellement à charge contre Mathias Malzieu.

Born to be live

Dionysos pour beaucoup de gens c’est d’abord un groupe de live et il est évident dès les premières secondes d’un « Bird’N’Roll » sautillant au possible qu’il y a là le potentiel de secouer une énième fois toutes les fosses de France du premier au dernier rang. Autres bons candidats pour déclencher la liesse populaire : « June Carter en slim », « Cloudman »,« Platini(s) ». Des riffs efficaces, un groove qui donne envie de se remuer et le groupe qui joue très très bien (depuis Western, Dionysos n’a plus grand chose à prouver à ce niveau de tout façon) .

Retro Rock

On a un peu peur quand même au début avec un Bird’N’Roll rockabilly et les sonorités très vintage des morceaux qui suivent : Dionysos au ukélélé ça fait mauvaise folk française mais Dionysos avec les sons des 70’s c’était potentiellement variet’ française à se tirer une balle. Heureusement l’écueil est évité, avec beaucoup d’élégance d’ailleurs : le disque est globalement très bien produit, très bien joué et assez varié dans ce qu’il essaye de faire : rock en mode 60’s ou en déclinaison plus moderne, roots ou carrément épique, folk, bidouillages synthétiques, galops de cheval... là c’est un bon fail mais donnons-leur un bon point pour avoir essayer. Après tout les sifflements d’oiseaux harmonisés sont eux une réussite admirable... Impossible de lister toutes les petites trouvailles sonores du groupe mais donc tout au long du disque, on ne se lasse pas, en tout cas pas de la musique...

Tics tocs

Mathias Malzieu a toujours eu l’habitude en live d’accentuer volontairement son accent français, de déformer un peu l’interprétation façon faux-crooner en s’appuyant sur des graves où il n’est franchement pas très bon mais sur disque que ce soit sur western ou haiku, il s’appliquait sur le chant, ne reprenait pas ses "trucs" qui passent bien en concert mais depuis 3 ou 4 albums, le disque est devenu comme le live et les petits tics sont devenus un maniérisme pénible. Et quand le fond n’y est plus difficile de supporter ces vices de forme...

Les mots en panne

Avant même qu’il ne me passe sur le corps, Mathias m’avait ensemencé, de la poésie étrange d’un ciel en sauce, avec un wet complètement déjanté, c’était un rock français fascinant et excitant qui se dessinait, haiku et western en guise d’apogée. A l’époque, "I feel like John Mc Enroe", ça avait un petit quelque chose de magique, je ne sais pas pourquoi mais ça avait du sens. Aujourd’hui "Transformez moi en mi, en Michel Platini", je trouve ça poussif et un peu ridicule. La vieille même recette dans l’assiette mais avec des ingrédients fades.

Et partout on retrouve ses associations de mots, ses idées qui se télescopent mais avant ça faisait des étincelles, c’était beau et complètement barré cette poésie façon John McEnroe. Aujourd’hui la lune de June Carter ou les petits platinis j’ai vraiment du mal à y trouver une quelconque saveur.

Ironiquement ...

On s’aperçoit vers la fin du disque que Bird’N’Roll est quasiment un album-concept, comme « la mécanique du coeur » et on y retrouve d’ailleurs le personnage de Jack qui crée le bird’n’roll comme soin palliatif pour les « grands brûlés du cœur ». En 3 albums et 3 romans, chapeau quand même à Mathias Malzieu pour le soin porté à la construction de son univers très personnel, ici pour pousser la chose au paroxysme, il a collaboré avec la chorégraphe Johanna Hilaire pour créer de vrais pas de danse pour son Bird’nRoll.

Pour en revenir à Jack ou plutôt au « retour de Jack l’Inventeur, » si ce morceau ne parvient pas à donner du sens a posteriori à tous les autres, il est peut être le seul à conjuguer le chant (enfin le parlé), la musique et le texte, Mathias est parfait en narrateur et les variations d’intensité dans la musique sont parfaitement gérés, de l’accompagnement soft au rouleau compresseur. Et surtout la voix pour la première depuis très longtemps qui donne enfin l’impression de cracher ses tripes. Ça ne sera pas le morceau qui fera danser le plus les gens mais artistiquement c’est sûrement la plus grande réussite de l’album.

Près du K.O.

La première fois que j’ai écouté ce disque je me suis dit "mais quelle grosse daube", après deux ou trois écoutes, le constat s’est modéré, après une dizaine, j’ai retrouvé le sautillant, le son de guitare si particulier, l’inventivité des arrangements du groupe que j’aime (que j’aimais ?) , dommage qu’il manque si souvent une âme et des mots qui feraient vraiment mouche.

Ecouter ce disque sur Deezer  : http://www.deezer.com/fr/music/dion... et sur Spotify  : http://open.spotify.com/album/4uB2Z...

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publié par le 24/04/12
Derniers commentaires
Vincent - le 06/05/14 à 10:45
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Tellement d’accord avec cette chronique ! Ca fait du bien.
J’étais fan de la première heure également ... Mais tout a changé à partir de Monsters In Love où pour moi Malzieu est devenu insupportable (par sa mégalomanie et surtout par ses manières vocales qui parasitaient désormais les disques, et surtout par la baisse de la qualité d’écriture !). La simplicité, l’humilité et le talent des début s’est à jamais évaporé ... Même si cet album est moins pire que les 2 précédents.

Encore merci pour cette chronique.

Informations

Sortie : 2012
Label : Barclay