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publié par Nausica Zaballos le 02/05/05
Dig - Ondi Timoner
Ondi Timoner

Dig est un documentaire aussi édifiant que tragique sur la descente aux enfers d’un groupe les Brian Jonestown Massacre au leader incandescent Anton Newcombe, prophète rock paranoïaque et l’ascension quasi fulgurante de son rival, les Dandy Warhols que l’on ne présente plus.

7 ans

Dig suit l’évolution des deux groupes sur sept ans. Au départ, la réalisatrice de clips Ondi Timoner avait prévu de filmer une dizaine de groupes de la scène alternative. Puis, elle s’attache aux Brian JonesTown Massacre, bande de doux-dingues (nettement plus violents par la suite) qui semblent tout droit sortis de la fin des années 70. Visiblement perturbé par une enfance assez chaotique, hanté par son héritage familial -père alcoolique schizophrène, mère peu présente qui laisse les flics l’embarquer au centre de détentions pour mineurs- il utilise la musique pour exorciser ses démons et exprimer poétiquement ou rageusement son rejet d’une société qui broie les originaux et marginaux qui ne supportent pas le conformisme ambiant.

Combattre le système

Doté d’un réel charisme et d’un sens musical inné - presque un don du ciel-, Anton veut initier une révolution pour combattre le système. Sa petite amie et mère de son fils -duquel il n’a aujourd’hui plus le droit de s’approcher-, Sara affirme que seule la lutte peut le maintenir en vie. Une lutte qui le conduira à faire exploser son groupe, à transformer ses concerts en émeutes et à ruiner toutes ses chances de signer un juteux contrat avec des maisons de disque qui malgré leur rapacité ont reconnu le talent de Anton. Une des scènes les plus pathétiques est celle du Viper Room, célèbre club de LA où River Phoenix trouva la mort. Presque toutes les majors et maisons indés sont là et Anton se met à donner des coups de pieds à ses musiciens dès la moindre fausse note. C’est le début de la fin. Anton, à la personnalité narcissique, ne supporte pas la contradiction. Il se brouille avec presque tous les membres du groupe, excepté Joël, Mr Tambourine Man, poupon joufflu qui porte des lunettes blanches qui lui donnent l’air d’une abeille qui est chargé de signer le contrat tant espéré à sa place, la maison de disque craignant qu’il fasse tout capoter.

Auto-destruction

On suit les Brian Jonestown Massacre en tournée et là encore, les galères s’accumulent. Arrêt pour détention de marijuana -sur son site, Anton Newcombe affirme que c’est la réalisatrice qui en détenait et que cela a été coupé au montage- dans un des états les plus réacs de tous les USA : la Georgie. Un peu plus tard, le documentaire montrera les Dandys se faire houspiller par deux flics français lors de leur méga tournée en Europe. L’affaire sera réglée par une amende s’élevant au montant de 4 tee-shirts du groupe. Dig met en avant les ravages de la drogue et la tragédie d’un chanteur qui par ses aspects auto-destructeurs n’est pas sans rappeler Kurt Cobain.

Faux frères

Mais, c’est surtout le rapport tumultueux entre deux artistes, Courtney Taylor des Dandys et Anton. Les deux frères ennemis s’inspirent mutuellement et se répondent par chansons interposées. Un rapport qui tourne à la tragi-comédie lorsqu’Anton ne supportant pas le succès des Dandys avec qui il a joué, partagé des scènes, des apparts, des virées, se met à les harceler. Déguisé en Elvis avec un fourrure sur la tête, il débarque à une convention pour distribuer son titre satirique, « Not if you were the last Dandy on Earth ». Courtney montre à la réalisatrice un colis envoyé d’Inde qui contient des cartouches de pistolet et des messages d’amitié dignes de Jack, le serial-killer de la série Profiler. Anton consomme de plus en plus d’héroïne et le film se termine sur une image illustrant la déchéance totale du personnage : dans une petite salle miteuse, le public, visiblement venu pour se moquer d’Anton dans un jeu de massacre mesquin, lance des fruits au leader et à son ex-compagne Sara venu l’accompagner pour une ultime ode à l’amour. On ne peut s’empêcher de lui trouver de la grâce et une certaine pureté de cœur qui fait totalement défaut à Courtney, coiffé d’une crête d’iroquois, et à Zia, chanteuse des Dandys qui jouent aux artistes détachés en insistant sur leur côté équilibré avec mariages de membres du groupe à l’appui.

Addicts

Il va sans dire que les Dandys ont succombé aux mêmes tentations que les Brian Jonestown, la drogue est omniprésente. Mais, si pour les uns il s’agit d’un usage récréatif, Anton y trouve d’abord un stimulant créatif, puis un stimulant tout court et enfin le seul moyen de faire prévaloir sa réalité psychotique à la réalité tout court. Enfin, les Dandys ont eu la chance de rencontrer le succès en Europe -la foule est déchaînée au festival de Reading- alors que les BJM, excepté un fabuleux concert au Japon, n’ont jamais percé en dehors des USA, n’étant pas assez clean pour jouer correctement.

Courtney Taylor reconnaît qu’Anton est musicalement et artistiquement supérieur à lui. Mais, il aura eu l’intelligence de savoir user du système tant décrié par Anton. En attendant le prochain album des Dandys -toujours sympathiques pour se déhancher- vous pouvez essayer de vous procurer les albums, notamment « Thank God for Mental Illness » du très prolifique Anton Newcombe chez le label Bomp ! Peut-être deviendra-t-il culte et finira par entrer dans la légende, à moins que l’on ne souvienne surtout de lui comme du junkie paranoïaque ex-ami des Dandys.

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publié par le 02/05/05