rencontre avec les belges de deus à la mi-temps. leur troisième album the ideal crash est sorti il y a alors quelques mois puis ils ont enchaîné promotion et concerts à un rythme de fous, constatant de plus ou moins près, la ferveur du public, l’appui médiatique et la reconnaissance critique. avant de reprendre la route pour une série de dates qui viendra finalement à bout d’eux (cf festival de st nollf) on fait plus ou moins le bilan sur leur parcours captivant et jamais à tendance rectiligne...

le cargo ! : ca va, vous n’êtes pas trop crevé ?

jules : non non, ça va.

le cargo ! : c’est la reprise de la nouvelle tournée aujourd’hui.

jules : on a commencé en février, un truc comme ça.

le cargo ! : le bilan de la première tournée, vous en pensez quoi ?

jules : c’est bien. surtout la france. on a rempli la cigale, c’est déjà quelque chose.

le cargo ! : le concert de la cigale était assez hallucinant.

jules : l’atmosphère était bonne ce soir là. vous étiez là ?

le cargo ! : oui, oui ! on va vraiment commencer l’interview. est-ce que vous pourriez vous présenter personnellement puisqu’on connaît surtout tom barman.

jules : je suis jules, je m’appelle jules et je suis le batteur...

le cargo ! : comment deus est perçu en belgique ? on sait que vous avez fait trois concerts de suite en mars à bruxelles, c’était complet tous les soirs.

jules : en belgique on est un peu au plafond. j’ai l’impression. pour la musique rock. tous les gens sont vraiment très aimables, la presse est toujours bonne. le public vient en masse. je crois que si on voulait faire, par exemple, un show par soir, nous aurions peut être 10 000 personnes. ca marche bien. tous nos disques sont "morts" en deux semaines.

le cargo ! : le son de the ideal crash est très différent des deux premiers albums. c’est plus calme, plus posé, la structure des chansons est plus classiques. est ce que c’était un choix délibéré dès le début des scèances d’enregistrement ou est ce que au fur et à mesure ça c’est imposé ?

jules : c’était un choix et c’était pas un choix, car d’abord il a stef et rudy qui sont partis. donc on a commencé avec danny le nouveau bassiste et craig, donc ça donne un autre son, car craig par exemple est plutôt mélodique, plus que l’était rudy. on a tourné ensemble depuis un an et demi avant d’entrer en studio. ca fait aussi que le son paraît "très ensemble" et on voulait un album cette fois qui sonnait pareil dès la première à la dernière chanson, avec la même atmosphère. pas comme avec in a bar under the sea.

le cargo ! : vous avez enregistré the ideal crash en grande partie en espagne, à ronda. il y a de plus en plus de groupes qui vont enregistrer dans le sud de la france ou en espagne. au soleil. pourquoi ?

jules : c’est parce qu’il y a le soleil, c’est tout.

le cargo ! : mais ça change vraiment quelque chose par rapport à la belgique par exemple.

jules : si on travaille en belgique, ça nous emmerde un peu parce que d’abord il n’y a pas le soleil et puis il y a tout le temps des amis ou la presse, tout le temps de gens qui veulent savoir quelque chose et qui passent en studio et c’est pas tranquille. et là en espagne on était vraiment en quarantaine.

le cargo ! : en belgique vous rentrez chez vous le soir, vous êtes peut être moins concentrés sur l’album.

jules : oui, voilà. en espagne on était tout le temps vraiment fixé sur le travail. et c’est bon je trouve.

le cargo ! : mais il n’y a pas aussi le problème d’être en vacances, au soleil ?

jules : c’est un drôle de problème. l’album est un peu tranquille, et c’est peut être ça a aussi. c’était tous les jours les terrasses, manger les tapas dehors. c’était un rêve.

le cargo ! : ca donne envie de faire un album plus tranquille, après les terrasses et les tapas, enregistrer pendant la digestion ?

jules : bah peut être on va faire le prochain album en suède, dans le froid.

le cargo ! : une question pour danny. c’est le troisième album de deus. le troisième album est souvent décisif pour un groupe. est ce que vous avez eu la même impression avec celui-ci ?

danny : (un temps) hummmm, je ne sais pas ! (rires général).

le cargo ! : bonne réponse. comment fait on pour maintenir une unité dans un groupe au sein duquel il a de fréquents changements de musiciens ?

jules : quand quelqu’un arrive dans un groupe, en fait ça commence de nouveau. c’est une nouvelle aventure. le son change, l’atmosphère change. moi j’ai plutôt l’impression que le groupe s’arrête et recommence. l’atmosphère change tout le temps. on en garde pas la même.

le cargo ! : (question en anglais à danny qui en fait n’avait pas tout compris de la précédente question, trop longue et trop rapide). est ce spécialement difficile pour un groupe belge de percer en angleterre ?

danny : oui c’est sûr, c’est plus dur pour un groupe belge.

jules : oui, chaque pays traite mieux ses propres groupes que les groupes étrangers. quand tu viens d’un pays étranger tu dois être beaucoup plus fort, et beaucoup plus impressionnant. et l’angleterre est un pays très différent, très difficile d’y achever quelque chose.

le cargo ! : en angleterre, par exemple, le rock français n’est pas pris au sérieux la plupart du temps.

jules : moi je trouve aussi qu’il n’y a pas grand chose en france. je ne parle pas de chanson française mais vraiment de rock. (le nouveau guitariste tim n’est pas d’accord avec lui et proteste vivement, jules continue). j’ai l’impression qu’ils font toujours une copie de ce qui existe déjà en angleterre et c’est une faute des français. et puis ils essaient de chanter en anglais et là il y a le problème de l’accent. a la télé tous les films passent en français, même les films américains. c’est difficile pour les français d’apprendre l’anglais.

le cargo ! : tim, tu as dû lire dans journaux des critiques du nouvel album. est-ce qu’il y en a une qui selon toi a particulièrement bien cerné l’album ?

tim : non, je ne sais pas. je n’ai pas vraiment lu les journaux.

le cargo ! : un concert comme ce soir, au mcm café, pour la télévision, est ce que c’est plutôt une obligation professionnelle ou bien une chance.

tim : c’est quelque chose comme ça !

le cargo ! : c’est moins amusant qu’à la cigale ?

tim : oui, oui c’est ça.

jules : c’est du boulot.

le cargo ! : jules, la set-list est plus rigide qu’avant. il y avait des changements tous les soirs lors des tournées précédentes. c’est dû à la pression, au fait que ça commence à vraiment bien marcher ?

jules : non, c’est parce que c’est plus compliqué qu’avant. plus compliqué, c’est à dire qu’il y a des samples, il y a klaas par exemple qui joue du synthétiseur et il doit toujours faire des trucs pour que ça marche et si c’est pas préparé à l’avance, il faudrait attendre dix minutes entre les chansons. c’est pour une raison pratique, et puis peut être tu nous a vu deux ou trois fois et si c’est à peu près la même set list... ca change petit à petit quand même.

le cargo ! : tim tu peux nous raconter comment tu as atterri dans deus.

tim : on a fait une tournée il y a quelques années. j’étais dans un autre groupe, evil superstar. c’était très bien. et après pour le nouvel album, tommy (tom barman) m’a demandé de jouer avec eux et comme c’est un groupe très fort j’ai joué avec eux.

le cargo ! : combien de fois par semaine vous vous demandez qu’est ce que je fous dans ce groupe ?

jules : chaque jour (rire général). pas tout le temps quand même mais surtout à la fin des tournées par ce qu’on est crevé et qu’on attend queça finisse. il y a des moments où quand tu vois la foule, toutes les filles par exemple, et tu te dis qu’est ce que je fais ici sur scène, je devrais être là-bas ! !

le cargo ! : est-ce qu’il y a des chansons que vous aimez particulièrement jouer pendant cette tournée ?

jules : moi ça me surprend toujours, on joue tout le temps "suds and soda" par exemple (chanson du premier album worst case scenario) et ça m’étonne un peu que même maintenant alors que c’est vieux, ça date d’il y a cinq ans, et toujours j’éprouve du plaisir à jouer cette chanson. ca m’étonne...

le cargo ! : tim et toi ? je me souviens qu’à la black session pendant "suds and soda" tu étais déchaîné.

tim : oui, oui c’est vrai. ca dépend. parfois j’aime cette chanson, parfois une autre. actuellement j’aime "put the freaks up front" et "let’s see who goes down first", ces chansons un peu bizarres. je n’aime pas les chansons un peu "émotionnelles".

danny : "instant street", c’est du soft pop.

tim : soft pop rock.

le cargo ! : comment vous voyez la suite, parce que vous revenez en octobre au bataclan, il y a une nouvelle tournée ?

tim (qui découvre apparemment qu’ils sont en tournée en octobre) : hein ? c’est une blague

jules rit gentiment.

le cargo ! : ca ne ferait pas rire tout le monde.

jules rigole.

tim : en octobre, à la cigale ?

le cargo ! : le 24 octobre.

tim : le 24.

jules : non c’est le 16 ou le 14, un truc comme ça.

le cargo ! : oui, c’est ça, en tout cas c’est au bataclan.

tim : danny et moi nous allons en afrique en octobre. c’est vrai. nous allons enregistrer un album avec....

jules : avec des nanas !

tim : avec des africaines...

rires

danny : avec des bongos aussi, hein !

jules : on va jouer jusqu’à la fin octobre puis on va prendre des vacances, 3, 4 ou 5 mois peut être. et puis un nouvel album.

le cargo ! : un nouvel album sûr.

jules : oui.

tim : cinq mois... quoi ?!

tout le monde : de vacances !!!

tim (rassuré) : ha bon.

le cargo ! : pas cinq mois de tournée, t’imagine encore cinq mois de tournée... ?

tim : non, quoi ?!?

jules : encore cinq mois ?? arghhhh !!!

le cargo ! : le prochain album alors ?

jules : il sera là en 2001. on commencera en avril ou juin 2000. ca prend un an pour l’enregistrer.

le cargo ! : quand vous arrivez en studio, c’est déjà avec des choses en tête, des choses écrites.

jules : oui des choses, des idées. mais il y a aussi des trucs qui sont écrits en studio même. donc ça dépend. si quelqu’un a une idée il arrive avec et il dit "voilà j’ai ça, j’ai ça". et on commence à travailler dessus.

le cargo ! : comme dans tous les groupes il y a un membre qui est particulièrement mis en avant. c’est tom barman chez deus. est-ce que vous le considérez vraiment comme un leader ou est ce que vous prenez toutes les décisions ?

jules : on prend tous les décisions mais c’est lui qui pousse. il a commencé le groupe et c’est lui qui tire un peu tout, c’est vrai. mais bon s’il y a des problèmes il y a toujours des discussions, sur les chansons par exemple. c’est une démocratie quand même.

tim : c’est aussi parce qu’il a un très grand nez... c’est pour ça.

le cargo ! : il y a une personne qu’on voit dans deux clips de deus, dans "roses" et "instant street", qui est déguisé en femme avec une grande robe. et qui est aussi sur la pochette de l’album si on ne se trompe pas. (nous sortons la pochette de the ideal crash pour leur montrer la photo de derrière).

jules : oui, oui c’est lui. c’est un danseur qui habite à gand je crois. il danse dans une compagnie qui s’appelle la compagnie de danse de bai (? ?). ils sont très connus, même en france j’ai l’impression. ils font de la danse expérimentale. beaucoup d’acrobatie et de trucs comme ça. c’est un copain.

le cargo ! : et la photo est prise où exactement ? elle est vraiment hallucinante, on dirait un festival.

jules : au festival torhout/werchter en belgique. a werchter plus précisément.

le cargo ! : en 1996.

jules : il y a deux ans.

le cargo ! : je vous ai vu là-bas quand vous avez joué pour la première fois. c’était assez court.

jules : c’était le début de journée. maintenant, pour notre dernier passage, on a "fermé" torhout/werchter (sur la seconde scène). on était les derniers à jouer. pas vraiment les derniers car après ous il y avait des danseurs, on avait pris une surprise pour le groupe.

le cargo ! : jules est ce que tu as déjà vu zita zwoon, le nouveau groupe de stef, en concert ?

jules : oui !

le cargo ! : tu aimes ou pas ?

jules : euh.. oui, ouais. je trouve toujours qu’il est en train de chercher quelque chose car tu sais il a commencé comme une copie de tom waits et j’ai l’impression qu’il y a une évolution dedans maintenant. mais bon, oui je l’aime bien. on a joué avec eux dans un festival...

le cargo ! : le printemps de bourges.

jules : oui c’est ça... c’était rigolo !

le cargo ! : c’est très différent de jouer en festival ?

jules : c’est plus à l’aise, parce qu’on joue une demi-heure ou 45 minutes, donc c’est vraiment plus à l’aise. les festivals c’est moins bien car il y a toujours les barricades, la sécurité tout le temps alors que dans les salles il ya un contact direct avec le public.

le cargo ! : et un groupe comme k’s choice, vous en pensez quoi. ca marche un peu mieux que votre groupe mais ils font de la musique commerciale...

tim : ah k’s choice... aïe ; aïe, aïe !!!

klaas : c’est interdit de parler de k’s choice dans deus !

jules : dans la scène musicale c’est toujours les groupes qui sont pas bien qui vendent beaucoup !

rires

le cargo ! : c’est pas un peu énervant quand même ?

jules : bah c’est comme ça. quand je vois des trucs comme alanis morissette par exemple, je déteste. mais bon ça marche. c’est toujours le cas.

le cargo ! : on a interviewé des groupes qui nous ont dit "on veut faire ce qui nous plaît mais on veut aussi gagner notre vie. on doit donc trouver un compromis."

jules : faut pas vraiment vendre beaucoup de cd pour en vivre, si tu as un contrat avec une maison de disques, parce qu’autrement c’est vraiment difficile. donc on ne se pose pas vraiment la question. mais on veut bien avoir un jour un de nous qui vend vraiment beaucoup. mais on écrit pas en pensant gagner de l’argent.

le cargo ! : mais le nouvel album marche bien.

jules : oui, il marche mieux que les autres, parce que c’est plus accessible.

le cargo ! : est ce que vous utilisez les sound check pour composer de nouvelles chansons ?

jules : pendant les tournées, si on compose quelque chose c’est pendant les sound check.

le cargo : en ce moment ?

jules : c’est pas encore arrivé (rires). on a pas beaucoup de temps pour faire les sound check pendant cette tournée. je ne sais pas pourquoi.

le cargo ! : tous les groupes disent que le public est très différent selon les pays visités. est ce que vous voyez vraiment une différence entre les publics ?

jules : j’ai l’impression que ça change. tu sais au début les gens ne connaissaient pas la musique donc ils se demandaient un peu ce qui va se passer. dès que tu es un peu connu ils connaissent les singles, tu vois là l’atmosphère s’améliore et donc ils font "ah, quand même le public français est différent !!". mais est ce qu’il y a vraiment une différence, je ne sais pas. si, dans le sud de l’europe, espagne, italie, sud de la france, les gens viennent plus pour faire la fête. dans le nord c’est plutôt pour la musique. ils viennent pour écouter.