Déjà vu, jamais entendu
Pionnière française du podcast (pardon, "baladodiffusion"), Arte Radio, admirable juke-box web que l’on ne présente plus, est depuis passée maîtresse dans l’art de dealer des délices pour oreilles curieuses. Coutumière du court, qu’il soit docu, fiction ou fantaisie, elle propose depuis le début du mois de février un moyen-métrage (45 minutes) intitulé « Déjà vu », coproduit par la BBC.
Sous-titrée « a franco-english love story » et écrite par la comédienne british Alexis Zegerman (awardée pour son rôle tout en retenue dans le film Happy-go-lucky de Mike Leigh), cette histoire sonore parle à la fois français et english par les voix de Claire et Ahmed, dont on suit la love story entre Paris et Londres. Mené par un couple de comédiens naturels et convaincants (la britannique Caroline Catz et le français Karim Saleh), le récit est servi par une prise de son remarquable doublée d’une réalisation alerte et facétieuse.
Une "mise en ondes" qui parle couramment le langage cinématographique, se baladant sans complexe sur l’échelle des plans, de l’intimité du lit conjugal à l’espace de la ville, des monologues en aparté - où la "caméra" devient subjective - aux champ/contrechamps des dialogues, alternant fondus (la ruée vers la tombe de Jim Morrison au père Lachaise) et travellings sonores (les micro-déplacements en appartement) avec les saisissantes ruptures d’un montage fûté.
Entre éloge de l’ouverture et racisme latent (l’occasion de dépeindre des policiers anglais aussi courtois que leurs homologues français sont rustres), de Belleville à Canary Wharf, de Camus aux Doors, l’ensemble sonne juste et moderne, à mille lieues des antédiluviennes dramatiques que l’on peut encore entendre sur certaines antennes publiques françaises (sans aller jusqu’à se demander pourquoi Radio France est tristement absente du projet, force est de constater que les productions de la "Beeb", tant radio que télé, sont d’une constante et remarquable qualité).
Prenez donc une heure tranquille, allongez-vous dans le noir, chaussez votre plus beau casque stéréo ou mieux, placez-vous devant une excellente chaîne hi-fi, et c’est entre vos tympans que se fera le home cinema. Homme de cinéma, Orson Welles disait d’ailleurs lui préférer la radio, « car l’écran est plus grand ».
> à lire sur le site de la BBC
- Caroline Catz & Karim Saleh © BBC