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publié par Renaud de Foville le 21/09/00
dead man ray - révélation de l'année

trap est parti pour être dans la liste des meilleurs albums de l’année. est ce vraiment une coïncidence si l’autre grande révélation de l’année, velma, est aussi un groupe qui ne connaît pas les frontières entre musique, vidéo, peinture, graphisme... ayant écouté leur album toute l’année on était sacrément impatient de rencontrer les dead man ray... c’est avec plaisir que l’on vous fait partager ce petit privilège...

le cargo ! : sur la pochette on lit que trap est le regroupement de plusieurs chansons écrits pour différents projets...

les chansons viennent de trois projets différents. des chansons pour trois films différents. au départ c’était surtout instrumental, puis comme se fatigue vite de ce que l’on fait, j’ai voulu ajouter du chant. c’était improvisé au départ. on a voulu changer ce que les films apportaient. etre en contradiction avec les émotions et dire parfois le contraire de l’image. puis quand on a retravaillé pour trap on a encore changé pour revenir aux films. sur scène, en live, on change pas mal. comme on improvisait beaucoup à l’enregistrement, on ne sait plus qui a joué. on devait à nouveau repartir les rôles. mais aussi le fait qu’il y avait parfois 6 ou 7 pistes de guitares. sur scène, il n’y en a que 3. il faut adapter. ce qui marche sur l’album ne marche pas toujours sur scène.

le cargo ! : je m’attendais à quelque chose de très expérimental et pourtant il y a un fond rock/pop, et même, pour moi, une influence, des années 80... comme peter gabriel ou les talking heads...

talking heads certainement. ce ne sont pas obligatoirement nos influences, mais plutôt la façon de travailler. j’aime bien ce qui vient de cette période, je suis un musicien de pop, dans le bon sens du terme. j’aime ce qui est stylé et simple, utilisant plein de son du quotidien.

le cargo ! : vous avez utilisé des instruments assez étranges...

le caterpillar c’est la bulldozer. il y avait des travaux à coté de chez moi. a chaque fois que l’on commençait à enregistrer on prenait ce son. a un moment j’ai décidé de l’utiliser. on utilise presque tous les déchets, tous les sons. parfois les mauvais contacts sont très beaux. quand tu mets ton dictaphone en marche, il y a une sorte de trou, un clac. tu peux le mettre en boucle et utiliser ça. pour le couteau, parfois... on s’ennuie et on s’amuse avec ce que l’on trouve. rudy a pris un couteau et s’est amusé à enregistrer. beaucoup de ces instruments sont en très mauvais état, tellement que c’est eux qui te dise comment s’en servir. on avait un orgue avec des ressorts, il ne marche plus quand tu joues, mais si tu le pousses, il donne un certain son... intéressant !

le cargo ! : c’est pour ça que c’est assez dur à jouer en live...

oui on a essayé le caterpillar deux ou trois fois sur scène, mais cela ne plait pas souvent aux organisateurs...

le cargo ! : comment construisez vous vos morceaux ?

on travaille d’abord en vertical, on crée une structure, une dizaine de boucles de 10 secondes que tu places et ensuite on travaille sur la verticale. mais c’est beaucoup de travaille à chipoter ! mais comme c’est à la maison, c’est jamais stressant ; il n’y a pas de producteur. c’est un montage de son au départ, puis on ajoute des accords de guitare qui viennent structurer le morceau. on pose à la fin une mélodie. ce n’est qu’à ce moment là qu’on peut parler de chanson. on part de « l’abstract » pour ensuite arriver à une chanson. parfois c’est à la fin que nous aussi on découvre la chanson et que l’on peut la jouer sur une seule guitare.

le cargo ! : "woods" et "tunnel" ont été rajoutés par rapport aux morceaux composés pour les films, pourquoi ? vous en avez beaucoup d’autres en réserve...

oui... on choisit selon les goûts de moment. une semaine sur l’autre, sur une base de quarante chansons, nos choix changent. un moment on arrête notre choix. on va sûrement sortir un ep avec une vingtaine de chansons, certaines font quarante secondes. on a finit certaines chansons quelques jours avant de remettre les bandes, rien n’est vraiment réfléchi...

le cargo ! : pourquoi chantez vous en anglais ?

si tu chantes en flamand tu es cantonné à sortir que chez toi et à faire les bals de la région. ce n’est pas comme la chanson française qui peut sortir un peu de chez elle. j’adore écrire en flamand, mais c’est pour moi. en plus il n’y a plus de mystère et de poésie des mots avec ta langue natale. tu ne vois plus la beauté de ces mots qui sont épuisés. en anglais les mots sont pour moi métaphoriques. ce n’est pas de l’anglais littéraire de toutes façons, c’est ma vision de l’anglais, je juxtapose tous les mots pour créer une certaine atmosphère avec plusieurs interprétations pour ceux qui écoutent.

le cargo ! : vous avez un clip pour l’album ?

on a fait une vidéo pour "toothpaste", en noir et blanc et en dv, un peu pour nous. je l’ai réalisé et le batteur a fait le montage.

le cargo ! : comment travaille tu sur dead man ray entre tes projets solos et ceux de rudy ?

rudy à 5 ou 6 projets, moi j’ai des projets solos. pour travailler ensemble on ne perd pas de temps, si on se voit deux heures, on enregistre deux heures, il n’y a pas une minute qui se perd. on ne joue pas 4 ou 5 fois le morceau avant d’enregistrer.

le cargo ! : où en est ton album solo ?

le 2e album solo, je ne sais pas où il est. ca continue. il y a des nouveaux trucs qui arrivent, d’autres que je jette, je change d’idées tout le temps. cela devient assez space. c’est très année 60, avec beaucoup de basse et de batterie. d’ailleurs il n’y a pas de basse sur trap. il y a le moog bass, un vieux synthé très cheap ; très simple et primitif, mais cela ne remplace pas la basse. comme on était avec trois guitares il n’y avait plus de places pour une basse. si on jouait sur la même fréquence les trois guitares cela n’avait pas d’intérêt, donc c’est vrai qu’il y en une qui joue les notes assez basses. et puis avec une basse on aurait eu un son plus rock, ça l’était déjà assez comme ça. on aurait eu un son plus chaud, et je n’aime pas caler une voix sur un son trop chaud, cela joue trop sur les sentiments et ne laisse plus de choix à celui qui écoute. c’est un peu trop facile. je préfère avoir des morceaux assez froids, comme la pochette et ses tons bleus.

le cargo ! : j’ai lu que tu faisais des musiques de pub...

je dois bien vivre... avant j’étais graphiste, je travaillais dans la pub, donc j’avais tous les contacts. cela me fait trois ou quatre jours de travail par mois - le reste n’est pas du travail, la publicité si . mais j’ai très mauvaise réputation. je n’aime pas du tout changer ce que j’ai fait, ils peuvent toujours demander mais si cela ne leur convient pas, je déteste en discuter. cela peut finir très mal. et puis parfois j’aime beaucoup ce que j’ai fait, et j’ai donc envie que cela finitsse mal avec les commanditaires, pour garder pour moi ce que j’ai enregistré.

le cargo ! : j’ai lu aussi que composer était un vrai besoin pour toi, de tous les jours...

c’est vrai et c’est de pire en pire. cela fait trente ans et plus que je suis tout le temps avec moi même, c’est dur et assez ennuyeux. je suis plus intéressé par ce que je peux faire. comme parfois avec les autres, c’est leur travail qui parle le mieux d’eux, leur musique. parfois la musique est plus forte que les gens, tu te dépasse et donc tu vois des côtés de toi même que tu ne vois pas dans la journée. j’essaie d’écrire plus vite que je ne peux me censurer. cela vient directement de ta tête, presque instinctivement. il y a du travail de réflexion après avoir enregistré, avec dead man ray on essaie de partir dans une direction sans revenir jamais en arrière. ce qui fait que parfois on perd des morceaux ! mais j’aime bien.

le cargo ! : vous avez des installations videos sur scène ?

pour l’instant sur scène il n’y pas de vidéo, il y a juste un oscilloscope. le mixeur envoie n’importe quelle piste la dedans, et tes sons sont projetés sur un écran. cela donne des ondes de lumière, c’est très beau. si tu mets ça sur la voix, tu peux chanter en te tournant vers l’écran et faire les formes que tu veux. l’image influence la version live du morceau. tu peux faire des vagues, des o, tu peux manipuler en restant abstrait. c’est génial en soundcheck car tu peux faire ce que tu veux, tu as les mains libres et donc tu peux chercher des formes. d’ailleurs on fait des nouveaux trucs en soundcheck.

le cargo ! : tu veux faire de la vidéo ?

oui, mais c’est très dur. je crois que je dois faire un nouveau disque avant. j’étais graphiste et maintenant musicien. il me manque toujours l’un des deux. avec la vidéo tu peux tout avoir le son, l’abstrait, l’animation...

le cargo ! : rudy, tom barman et toi vous avez une approche très large de l’image et du son... tout vous intéresse... c’est typique d’une scène belge ?

oui, d’ailleurs tom fait son premier long métrage. mais il faudrait demander à chaque musicien pourquoi il fait de la musique. beaucoup te dirait c’est parce que j’adore la guitare, ou tel instrument... la musique en général. chez nous c’est plutôt une envie de s’exprimer et de créer. la musique est une façon de travailler très proche de l’image et du graphisme. on peut utiliser une couleur ou une police de caractère comme un son, sur dead man ray on construit nos morceaux d’une façon très proche du travail d’un graphiste. c’est une façon de voir les choses comme un tout, un ensemble . mais cela se fait de plus en plus, aussi parce que c’est de plus en plus facile techniquement. aujourd’hui tu fais tout sur le même ordinateur, l’enregistrement du disque, la pochette et même le montage de ton clip...

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publié par le 21/09/00