S’il est bien une création emblématique d’une certaine Hollywood maintenant disparue, c’est bien celle accouchée par Stallone dans les années 70. A savoir Rocky Balboa, l’alter ego cinématographique de la star du cinéma d’action des années 80. Un personnage que l’on a pu voir revenir plus ou moins régulièrement au cours de cinq décennies maintenant. Aucun acteur ne peut se targuer d’avoir pu personnifier si fortement un héros tel que celui-ci, au point de l’avoir fait vivre aussi longtemps que ça. Et même s’il a pu marquer le cinéma d’action avec d’autres figures héroïques telles que Rambo par exemple, aucune ne peut arriver à la cheville de cette représentation du rêve Américain. D’abord parce que c’était sa création. Et parce qu’en créant ce personnage, il s’est créé lui-même en temps qu’homme et artiste.
Le parcours de Rocky, c’est le parcours de Stallone. Ce n’est même pas une métaphore, c’est un fait. Parti de rien, arrivé au sommet par la seule force de sa volonté, déchu par excès de vanité, puis régulièrement de retour non pour la gloire mais par amour du combat. Afin de rester debout, continuer à avancer en dépit de la douleur causée par la perte de ses proches, en dépit de l’âge et du temps qui passe. Parce que dans la vie on passe par la volonté, par la fierté, et on se doit de finir par la sagesse. Du moins c’est comme ça que l’on peut s’accomplir et se réconcilier avec ses erreurs et ses blessures.
La dernière aventure cinématographique de l’étalon Italien (Rocky Balboa - 2006), résonnait comme l’aboutissement de ce combat mené contre la vie. Rocky y apparaissait résigné à une vie de gloire déchue, presque seul. Mais avec cette étincelle toujours en lui, lui demandant de s’accomplir une dernière fois. Ce qu’il fit de manière si touchante et si catégorique que l’on ne pouvait imaginer un autre film reprendre après ce qui semblait être un dernier baroud d’honneur. D’où la surprise générée par la mise en chantier de ce Creed, vendu comme un spin-off et qui au bout du compte se révèle être tellement plus que ça.
Pour la première fois, l’instigateur du projet n’était pas Stallone mais un jeune duo, le réalisateur et l’acteur du film Fruitvale Station (Grand prix du jury du Festival de Sundance 2013). Ils décident de développer l’histoire du fils d’Apollo Creed, écrivent le scénario, le proposent à Stallone qui accepte de passer le relai et de jouer dans le film. Et c’est là qu’on voit la différence entre une suite motivée par l’envie de deux jeunes artistes/fans d’apporter un film que personne n’espérait et une autre comme le dernier Star Wars, que tout le monde attendait et qui n’est finalement qu’un film voulu par les studios afin de rentabiliser le rachat de la franchise créée par George Lucas.
Car Creed est tout ce que le Réveil de la Force n’est pas. A savoir un film continuant à construire un mythe et non à l’utiliser. Un film témoignant un profond respect envers l’oeuvre originale tout en reprenant le flambeau de manière personnelle. Il n’y a pas de copier/coller, Rocky continue son parcours et ne fait pas office faire valoir. Il fait partie intégrante de l’histoire et son combat personnel (que je ne spoilerai pas) ne fait qu’augmenter d’un cran l’admiration que l’on avait pour lui depuis le dernier film. Toujours debout, touchant dans ses paroles et dans ses décisions, Rocky y est plus émouvant que jamais. Et Stallone aussi par la même occasion.
Et ce film continue à montrer que l’intérêt de cette saga n’était ni la boxe, ni même la victoire mais le combat contre soi-même. Car comme le dit Rocky en face d’un miroir pendant le film, "Ce mec en face, c’est ton adversaire le plus coriace. C’est vrai sur le ring et c’est vrai dans la vie".
Le réalisateur (Ryan Coogler) et l’acteur principal (Michael B. Jordan) nous offrent donc le plus beau cadeau : le film qu’on n’attendait pas. Un élargissement de l’univers développé par Stallone : on y retrouve ses repères, illustrés par la ville, les rues, le gymnase, le cimetière où sont enterrés ses proches. Tout y est intelligemment amené afin de renforcer la filiation. Et le lien entre Adonis Creed et Rocky, se battit émotionnellement en parallèle de leur parcours. Voir ces deux personnages se découvrir et se rendre essentiels l’un à l’autre est l’une des plus belles réussites du film. Car sans l’empathie générée par la relation qui unit les deux boxeurs, personne ne serait bouleversé comme vous allez l’être pendant la "classique" séance d’entrainement sur fond musical, commune à tous les films de la série.
En ces temps de suites/remakes/reboots, ça aurait pu être le film de trop. Et il est finalement indispensable à la série. Car non ça n’est pas un film dérivé. C’est bel et bien le nouvel épisode de Rocky. Pas besoin de faire un gros effort pour voir apparaître un prénom de légende au même nombre de lettres, de consonnes et de voyelles en haut de l’affiche de Creed.
vous pourrez aussi retrouver régulièrement les articles de Nikola sur son blog : Zone de Con(.)fort