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publié par Mickaël Adamadorassy le 04/02/11
Contre toi - Lola Doillon

Contre toi, c’est un film qui parle du syndrome de Stockholm, comme la chanson de Muse, mais on peut quand même espérer qu’il soit meilleur (qu’une chanson de Muse)

Lola Doillon

un brin de people

... pour parler de la réalisatrice, Lola Doillon, que je ne connaissais pas mais donc il s’agit de la demi-soeur de Lou Doillon et c’est même la femme de Cédric Klapisch. Il s’agit de son deuxième film en tant que réalisatrice, après quelques courts et quelques rôles en tant qu’actrice.

Pourquoi je vous parle de tout ça ? Parce qu’au visionnage, je me suis dit que c’était sûrement un premier film, ce qui a tendance à faire ignorer le niveau variable de la réalisation en terme d’image. Ce qui pourrait expliquer que même en voulant bien faire, l’histoire lui échappe un peu et qu’au final, elle comme nous, on passe un peu à côté du film.

Vengeance

Pourtant il y a des arguments pour contre toi, à commencer par Kristin Scott Thomas, qui est plutôt une très bonne actrice. La trame aussi, qui a un potentiel honorable : le syndrome de Stockholm a déjà été traité plusieurs fois au cinéma mais l’originalité de contre toi, c’est que Yann, le preneur d’otage n’a rien d’un bandit ou d’un tortionnaire psychopathe, c’est un jeune homme détruit par la mort de sa femme en couches et Kristin Scott Thomas joue Anna , l’obstétricienne qui a fait (foiré ?) l’opération.

l’erreur médicale

La présence de cette ’erreur médicale aurait d’ailleurs pu être intéressante, on vit dans une société où la tendance est de vouloir de plus en plus criminaliser l’erreur médicale. Et dans contre toi, les choses sont loin d’être claires, très loin du manichéisme même, ici la chirurgienne n’a aucun remords, ne s’est même pas montrée au procès. Malheureusement tout cela n’est qu’entrevu dans le film, la praticienne finissant par faire acte de contrition et oublier toute velléité à se défendre au bout de quelques jours d’enfermement.

Huis-Clos

Cette séquestration représente en gros la première partie du film, un huis-clos avec juste Anna et son ravisseur. Elle, enfermée dans une pièce miteuse dont la fenêtre a été murée, avec juste un lit et un seau. Lui, dehors qui se saoule, écoute de la musique aussi sauvage que son humeur (cliché quand tu nous tiens) et cherche comment faire "casser" son otage.

Après les premiers moments d’incompréhension, de terreur, une relation un peu bizarre s’installe entre les deux personnages, ponctuée par quelques crises de violence. Et le rapport de force de s’inverser au fur et à mesure, car lui réalise qu’il n’est pas vraiment capable de la tuer et en plus de l’empathie qui s’installe avec son ravisseur, va passer du mépris et d’une certitude inébranlable sur sa non-responsabilité aux remords.

Un matin elle se réveille et la porte est ouverte... Commence la deuxième partie du film où l’inversion continue, le traqueur devient le traqué, Anna est libre mais elle se met à chercher son ravisseur, jusqu’à l’obsession. On devine qu’il s’agit à moitié de vengeance, à moitié de volonté d’avoir des réponses, à moitié d’amour ou au moins d’attirance.

Délavé ?

Jusque là vous avez sûrement l’impression qu’en fait ce film est plutôt intéressant mais las si toutes les idées ci-dessus sont là, si tous les évènements narrés ci-dessus sont bien dans le film, je ne vous ai pas encore parlé de tout ce qui ne va pas dans le film.

Commençons par l’image : les premières plans sont moches à faire peur, heureusement ça s’améliore dès qu’on passe au huit-clos mais on note tout de même qu’il n’y a vraiment aucun génie dans la composition, qu’aucune bonne fée ne s’est penché sur l’éclairage.

A tel point, qu’on a l’impression que la réalisatrice a volontairement anesthésié le travail de l’image, refusé de porter la caméra prêt, pour nier tout traitement dramatique façon "américaine" et s’inscrire totalement dans la bonne vieille comédie de sentiments à la française. C’est filmé loin, la profondeur de champ est souvent très grande, les couleurs très délavées.

Et puis il y a des réalisateurs dont on sent qu’ils prennent plaisir à filmer leur actrice, dont la caméra semble saisir les petits moments de grâce, les toutes petits choses qui en disent des tonnes. Malheureusement ce n’est pas le cas ici, en fait Kristin Scott Thomas apparait rarement à son avantage. On peut se dire que dans l’histoire son personnage n’est pas "beau", pas vraiment lumineux mais on peut filmer sans chercher le beau et trouver la consistance.

Par contre l’empathie avec le personnage masculin fonctionne un peu mieux. Et sur la fin du film, on a l’impression que la caméra a enfin décidé de se rapprocher des personnages, l’image prend du contraste.

Dans le texte

Une réalisation, c’est tout à fait subjectif, on pourrait tout à fait me répliquer que tout ce que je n’aime pas ci-dessus, c’est totalement volontaire et c’est là pour servir l’histoire. Pourquoi pas... En fait s’il n’y avait eu que ça, ça n’aurait pas été si grave.

Le plus gros problème du film c’est le flou de son scénario et ses dialogues.

Flou parce qu’au delà de la ligne directrice qu’il a établi, le film peine à convaincre dans les détails, dans les caractères, dans le cheminement des émotions, le renversement du syndrome de Stockholm tel qui est présenté ici semble moyennement crédible et ce qui suit derrière, les errements entre une nouvelle revanche et la possibilité de construire quelque chose, est assez mal amené.

On a là encore l’impression qu’à force de vouloir trop jouer de subtilité "à la française", de cacher la force des sentiments, le propos finalement ne passe pas. Malgré un peu de jeu sur la temporalité au début, le film devient très plat dans sa narration. Alors que son intérêt est dans les sentiments des personnages, les paradoxes dans leur relation, l’incohérence des actions, le choix qui est fait est plutôt de raconter le fait divers de manière presque clinique.

Et pour finir donc les dialogues, on oscille entre le passable un bancal et le franchement mauvais (dans le sens où ça sonne faux) ça plombe le jeu des acteurs et globalement ça plombe tout le film, en énervant même légèrement.

Et pour finir

A la fin, on a évidemment le fameux procédé du "je ne finis pas vraiment et je laisse une situation non résolue", on la sentait venir à des kilomètres... mais même ça ça ne fonctionne pas très bien : on ne lèvera pas un sourcil pour Anna, pas franchement grave si on sait pas ce qui lui arrive, rien à cirer que son état émotionnel soit délicieusement dérangé, on rentre à la maison.

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publié par le 04/02/11