Dee Dee Bridgewater fait partie de ces artistes pour lesquels Jazz à Vienne est une seconde maison : elle s’y est produit pas moins de 11 fois depuis sa première prestation en 1984, avec des projets très différents (adaptation jazz de Carmen, exploration des liens entre musique malienne et jazz, musiques latines, réinterprétation jazz des compositions de Kurt Weill, soul ou encore jazz de la Nouvelle Orléans) qui illustrent l’étendue de sa palette musicale et de sa curiosité artistique.

Cette année, la plus française des chanteuses américaines revisitait le songbook de la légendaire Ella Fitzgerald en compagnie du bouillonnant Amazing Keystone Big Band dirigé par son co-fondateur Fred Nardin [1], une rencontre explosive qui a fait vibrer le Théâtre Antique en clôture de la première soirée du festival.

De "Oh, Lady Be Good !" à "Cotton Tail" en passant par "Basin Street Blues", ou "Sometimes I’m Happy (Sometimes I’m Blue)", Dee Dee est impériale et, comme à son habitude, facétieuse et joueuse comme une gamine (de 73 ans, quand même, mais c’est difficile à croire !).

Sa maîtrise vocale est telle qu’elle peut donner libre cours à l’interprétation et à l’émotion, donnant aux paroles un relief qui les met particulièrement en valeur et ravissant les oreilles du public.

Gonflé à bloc, l’Amazing Keystone sonne magnifiquement et renvoie avec brio la balle à Dee Dee, laquelle n’hésite pas à imiter trombone ou trompette pour dialoguer avec les musiciens.

"(If You Can’t Sing It) You’ll Have to Swing It (Mr. Paganini)" restera ainsi longtemps dans les mémoires des festivaliers, avec ses scats magistraux et ses paroles chantées avec gourmandise et humour.

Dee Dee Bridgewater et l’Amazing Keystone Big Band sont parmi ce qui se fait de mieux actuellement dans leur domaine, et cela s’entend à chaque note : on est en présence de grands du jazz, qui savent faire vivre les morceaux dont Ella Fitzgerald a fait des standards et qui restent tout aussi pertinents en 2023 qu’ils ne l’étaient à leur création.