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publié par Mickaël Adamadorassy le 30/12/19
Coldplay
- Everyday life
Everyday life

Au delà des moqueries sur leurs préoccupations écologiques ("ah bin moi aussi je vais limiter aussi mon empreinte carbone et même pas l’écouter l’album de Coldplay... hahaha... trop drôle"), il n’a pas tellement fait causer le nouvel album de Coldplay. Oh nul doute qu’il va cartonner comme les précédents et que si le groupe en fait le choix, il remplira encore moult stades et "Arena" géantes et déshumanisées. Mais pour ce qui est du contenu artistique, cela fait bien longtemps qu’on a lâché l’affaire, grosso modo depuis le deuxième album en fait. Mais bon... parce que Parachutes et leur premier EP sont de sacrément bons disques, qui ont accompagné les débuts du Cargo !, à chaque sortie des anglais, on fait l’effort d’écouter. Et voilà que la bande à Chris nous annonce que ce nouvel album sera plus "expérimental". On a été tellement déçus auparavant qu’on n’ose pas trop y croire mais l’espoir s’accroche. Everyday Life marquerait-il enfin le retour du Chris prodige ?

Différent

Dès la première écoute, une chose est sûre en tout cas, on n’ira pas jusqu’à qualifier Everyday Life d’ "expérimental", ça serait injuste pour les groupes qui font vraiment bouger les frontières, pour les compositeurs contemporains, pour les vrais expérimentateurs sonores. Par contre, par rapport à leur production précédente, la plupart des morceaux essaient des choses différentes, sortent du carcan de la pop joyeuse de stade, légèrement ou carrément écœurante sur les disques précédents, entrecoupée de ballades moyennes mettant cruellement en avant le manque d’inspiration de Chris Martin (le dernier morceau correct de Coldplay pour nous est "Speed of Sound" sur X&Y depuis ça va plutôt de plus en plus mal, A Head Full of Dreams culminant haut dans l’insipide).

Face A

Dès la première piste, "Sunrise", un instrumental pour cordes, on retrouve les recettes Coldplay, la recherche de l’émotion, pas réelle mais comme si on était dans une comédie romantique hollywodienne, mais avec une certaine modestie comparé à leurs forfaits passés. Bon pour l’instant aucun membre du groupe n’a joué une note mais c’est un début plaisant.

Sur la suivante "Church", on retourne à la pop très lisse auquel le groupe nous a habitué. Aucune mélodie forte mais il y a un côté aérien, moins chargé que leurs méfaits passés et un long final instrumental rempli juste comme il faut d’un petit arpège agréable et d’une "voix orientale féminine", on leur pardonnera le côté très cliché de la chose car à défaut de révolutionner quoi que ce soit voilà un morceau qui a finalement un peu d’âme, un peu de capacité à rêver.

"Trouble in Town" nous donne l’espoir d’un tournant où le disque nous interpelle vraiment. Le morceau commence avec des percussions assez soft, la guitare en retrait, un chant tout en retenu mais très bien travaillé, c’est tout doux, atmosphérique et puis tout d’un coup une conversion samplée où des gens se disputent et le morceau part totalement ailleurs, les guitares électriques arrivent, la batterie se lâche aussi tandis que les synthés calent l’atmosphère dramatique et c’est partie pour 3 minutes d’un Coldplay énervé, rock, excitant comme on avait pas vu depuis des années.

Malheureusement cette inspiration géniale ne dure que le temps d’un morceau, le reste du disque ressemble à une compilation des faces B où l’idée semble être de décliner du Coldplay à toutes les sauces : une sorte de gospel plutôt convenu ("Broken") mais y a du groove, pas désagréable on va dire... une démo acoustique de Chris en solo ("WOTW/POTP") qui pourrait fonctionner s’il était Noel Gallagher, Glen Hansard, Damien Rice ou Fran Healey ou le Chris de Parachutes. "Daddy", une jolie balade acoustique au piano, qui est quand même pas si mal, bien chantée, efficace à défaut d’être originale. "When I Need a Friend" qui clôture cette "face A", on ne comprend même pas l’intérêt de l’exercice : un ensemble vocal qui chante avec Chris un air pas particulièrement réussi , appuyé par quelques notes de piano. L’ensemble vocal donne une ampleur et parfois une émotion à l’ensemble mais musicalement ça ne nous titille pas plus que ça. Il n’y a qu’"Arabesque" qui réveille un peu notre enthousiasme avec sa guitare et ses cuivres qui groovent, la montée progressive vers un final vraiment massif et puissant.

Face B

On est à la moitié du disque et le bilan est plutôt moyen. On reconnait volontiers que le groupe essaie quelque chose de différent et c’est à son honneur mais l’intérêt artistique c’est autre chose : on a vraiment une impression de fourre-tout, de morceaux qui ressemblent à des démos ou des versions alternatives qu’à un résultat cohérent et abouti.

Le début de la face B n’arrange pas les choses : "Guns" est une folkerie où là encore les limites du songwriting de Chris se font cruellement sentir et toujours cet effet "j’essaie de faire un morceau à la X". Tout le contraire d’ "Orphans" qui est un titre pop 100% Coldplay, avec une grosse prod et un gros son bien moderne, des chœurs de partout, une basse qui groove bien et une petite guitare en son clair emprunté aux Vampire Weekend etc... A mon corps défendant, je dois avoir l’honnêteté de reconnaître que ça fonctionne vraiment bien, jusqu’au jour où ces "houhous" deviendront horripilants ?

Le reste de l’album continue avec cette idée de changer de style à chaque morceau, parfois pour du bon ("Eko" la chanson folk la plus correcte du disque) souvent pour le... "ouais bof" (presque toute les autres) et pour assurer les ventes avec des singles facilement exploitables, on refait un morceau à l’ancienne ("Champion of the World", contrairement à Orphans, là on accroche pas du tout, la mélodie principale est particulièrement agaçante )

Le dernier titre "Everyday Life" achève de détruire nos espoirs d’un futur glorieux pour Coldplay : on est à nouveau dans une comédie romantique avec les cordes indigestes et tout ce qu’on aime pas chez eux. Mais au moins celui-là on ne se dit pas c’est Coldplay à la manière de quelqu’un d’autre, c’est Coldplay tout court, pour le pire et le meilleur.

Fastidieux

Quand Coldplay a annoncé faire un disque plus "expérimental", ils ont manifestement confondu avec autre chose, ils ont mélangé moyens et finalités : on n’est pas expérimental en jouant chaque chanson dans un style différent, qui existe déjà. Et à jouer la différence pour la différence, on n’est finalement plus soi-même. S’il n’y a pas de concept, de recherche, d’intellectualisation derrière une démarche, que le talent d’écriture ne suffit pas à le compenser, on est très vite déçu par le résultat.

Néanmoins tout n’est pas à jeter dans ce disque : il est quand même traversé d’un état d’esprit plus modeste, d’atmosphères lumineuses, aériennes réussies, il affiche une cohérence sonore qui ne se reflète pas dans les styles hétéroclites abordés mais qui est bien réelle. Pas beaucoup de chansons à sauver mais il y en a quelques unes et par rapport aux albums précédents, l’écoute en entier du disque n’est pas désagréable, ce qui est déjà en soi un grand progrès.

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publié par le 30/12/19