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publié par Mathilde Vohy le 27/04/21
Clio - "Mes chansons sont plus tournées vers ce que je pourrais ressentir que sur ce que j'observe des autres"

Nous avions rendez-vous cet après-midi là au Pavillon des Canaux, dans le 19ème arrondissement de Paris, pour une session acoustique et une interview. Après un rapide tour du propriétaire, c’est la cuisine et la salle de bain de cette jolie maison qui sont finalement choisies pour tourner. Nous profitons donc de la mise en place de la session pour nous éclipser dans une tierce pièce et discuter avec Clio de la sortie de son troisième album, L’amour hélas.

Hello Clio ! Il ne s’est passé qu’un an et huit mois entre Déjà Venise et ce nouvel album. C’est l’arrêt du live qui t’a donné envie de passer à autre chose ?

Nous étions en fin de tournée donc finalement nous n’avons pas été trop embêtés par cette histoire. J’ai surtout eu plein de temps chez moi avec mon piano, ce qui m’a permis d’écrire beaucoup de nouvelles chansons. Et donc comme les chansons étaient là il était temps de sortir un disque !

L’amour hélas s’inscrit dans la même lignée que Déjà Venise avec une chanson française tendant vers des mélodies pop. As-tu travaillé avec la même équipe ?

Oui, j’ai travaillé avec Augustin Parsi, Florian Monchartre et Paul Roman, qui nous a rejoints. Il était déjà avec nous sur scène mais n’était pas là sur l’enregistrement du deuxième disque. On était tous les quatre c’était une super équipe et on est également les mêmes quatre sur scène.

« L’amour hélas » c’est le début d’une citation de Gainsbourg (« Amour hélas, ne prend qu’un seul M, autre de frappe, et on écrit haine pour aime »). Choisir ce titre, c’était un moyen de réaffirmer tes attaches à la chanson française ?

Zut je ne savais même pas ! Elle est super la citation mais du coup c’est un hasard total ! (Rires) Ça aurait tout à fait pu être prémédité mais pour le coup le titre est venu par hasard. Il reflétait bien l’ensemble du disque alors on l’a gardé. Merci pour l’info en tout cas !

Dans cet album, tu parles beaucoup d’amour, et notamment de chagrins d’amour. J’imagine que tu ne les as pas tous vécus. Peut-on donc dire que tu es plus dans l’observation que dans l’introspection ?

Je ne crois pas vraiment car je ne raconte pas non plus les histoires des autres. J’imagine des histoires qui pourraient m’arriver. C’est plus tourné vers ce que je pourrais ressentir moi que sur ce que j’observe des autres.

D’ailleurs, tu évoques souvent Paris dans tes chansons. Est-ce une ville qui t’inspire ?

Oui Paris est une grande source d’inspiration, c’est d’ailleurs pour ça que je n’avais pas du tout envie de la quitter. J’aime beaucoup cette ville j’y ai passé énormément de temps à l’arpenter. Ses rues sont un des endroits où ma tête se nourrit de choses qui arrivent ensuite dans les chansons.

Est-ce que le fait de l’avoir quittée influe sur ton inspiration ?

En fait c’est assez agréable d’y revenir via les chansons. Je m’y promène en chanson disons. Mais je trouve ça bien d’en être partie. Pour écrire, c’est tellement mieux d’être ailleurs que dans un petit appartement parisien. J’y reviens sans subir les choses un peu pénibles d’ici.

D’ailleurs, est-ce que le fait d’être confinée a altéré ton inspiration ?

J’aurais tout à fait pensé que oui mais en fait pas du tout. J’ai écrit énormément de chansons pendant le confinement. Il y avait tellement rien d’autre qui venait habiter la vie que j’étais parfaitement libre d’écrire tout le temps. Je pense que ça peut paralyser mais moi ça n’a pas été le cas.

Il y a quelque chose d’autre qui m’a marquée dans cet album, c’est la manière dont tu joues avec la sonorité des mots. Comme dans les chansons « La belle affaire » ou « L’amour hélas » par exemple. Tu as volontairement essayé d’insister sur ce point ?

Peut-être que ça s’entendait moins avant mais j’ai toujours essayé de faire ce travail. J’essaye toujours d’utiliser les mots pour ce qu’ils disent mais aussi pour leur son. Mais je tente évidemment de toujours faire passer le sens du mot avant son son et sa musicalité.

En parlant des mots, tes deux premiers albums étaient très littéraires et étaient composés de mini-histoires. J’ai l’impression que ce troisième disque prend en plus de cela une dimension cinématographique, notamment avec la chanson « Quelqu’un quelque part » où tu décris carrément une scène de cinéma ?

Le monde de l’image et du cinéma est un monde qui m’attire beaucoup et qui me plaît. Généralement je suis très sensible aux images et j’essaye de les utiliser pour écrire. Ça a toujours compté pour moi. Je suis ravie si ça se ressent encore plus dans cet album.

Je trouve que la dimension cinématographique prend vraiment tout son sens avec le clip de « Ai-je perdu le nord ? », réalisé par Isabelle Morel. Comment l’as-tu rencontrée ?

L’année dernière elle avait écrit un film et elle voulait que j’écrive des chansons pour ce dernier. Elle était venue me voir en concert et on avait discuté. Son message était très touchant. Je crois que nous sommes très compatibles d’un point de vue sensibilité. C’est vraiment une super rencontre. Les deux autres clips de l’album sont aussi réalisés par elle. Je pense que l’on va continuer de travailler ensemble !

Et donc, tu écris des chansons pour un de ses films ? Tu peux nous en parler ?

Ce n’est pas encore fait ! C’est un projet à venir, c’est en cours de construction.

C’est marrant que la rencontre se soit faite dans ce sens et que ce ne soit pas toi qui l’aies démarchée.

Oui j’étais très heureuse de collaborer avec quelqu’un qui aimait vraiment ce que je faisais. C’est une grande chance.

L’autre rencontre marquante de cet album, j’imagine que c’est celle avec Iggy Pop ? Sur votre duo nommé « L’appartement » vos deux voix sont à une tessiture totalement opposée. La sienne très grave et la tienne très aiguë, voire plus aiguë que sur les autres chansons j’ai l’impression. As-tu écrit la chanson avec lui ?

C’est vrai que je suis au plus haut de ma voix ! Et non, par contre, j’avais déjà écrit la chanson, en sachant d’ailleurs que ce serait un duo. J’imaginais et reproduisais déjà les deux voix donc je me forçais à insister sur les graves d’une part et les aiguës de l’autre. J’imaginais déjà une voix d’homme avec un accent anglais. Une voix grave comme celle-ci en fait. Je n’avais étonnamment pas pensé à Iggy Pop. Enfin, c’est surtout que je n’avais pas osé penser à lui ! (Rires) C’est mon manager qui l’a contacté. D’abord j’ai beaucoup rigolé face à la demande et finalement cela s’est fait. C’était une surprise incroyable. Mon seul regret c’est que l’on ne se soit pas encore rencontrés dans la vraie vie.

Est-ce que cette rencontre t’a appris quelque chose de nouveau ?

Pour la petite histoire, ce sont les garçons qui avaient enregistré la voix d’Iggy pour qu’il ait un est un aperçu de ce qu’il devait chanter. Ils avaient déjà beaucoup de mal à chanter aussi grave. Mais il s’est trouvé que pour lui, leurs voix étaient beaucoup trop hautes ! (Rires) En réalité il a chanté un octave plus bas que les garçons. On imaginait même pas que l’on pouvait chanter aussi bas. Donc ce que nos ordinateurs ont appris c’est qu’il existait des notes aussi graves ! Je me suis aussi rendue compte que c’était quelqu’un de très simple et généreux !

J’ai l’impression que le disque s’ouvre avec une pop très coloré avec « Ai-je perdu le nord ? » et se ferme avec des morceaux peut-être un peu plus mélancoliques. J’ai lu dans ta bio que tu avais tendance à « aller vers des choses graves ». Est-ce que l’ordre de ces chansons est donc un effet voulu ?

Non, je ne me m’étais pas rendue compte de cette circulaire. Après, par exemple, « Tes nuits berlinoises » je ne trouve pas que ce soit une chanson triste. C’est une chanson plus anecdotique qu’autre chose. Après il est certain que j’ai du mal à écrire des chansons où l’on saute au plafond !

Est-ce que cette difficulté s’est décuplée avec la période actuelle ?

Je n’ai pas l’impression d’écrire des choses vraiment dramatiques. Ce n’est pas vraiment tragique c’est plutôt parfois teinté de nostalgie ou de mélancolie. Et comme je n’ai pas forcément mal vécu cette période cela ne m’a pas tiré vers le bas, non.

Si j’ai bien compris tu écrivais bien avant de faire des chansons. Est-ce que le format chanson a modifié ta manière d’écrire ?

Bien sûr, parce que la chanson a des contraintes très précises. L’idée de raconter quelque chose en si peu de temps nécessite d’être extrêmement précise et concise. On n’en écrit des tartines et on doit ensuite resserrer. J’adore ce travail d’ailleurs !

Aimerais-tu moins couper pour aller sur un format plus long type nouvelles ?

Oui je pense que cela me plairait. J’ai plein de petits trucs écrits par-ci par-là qui pourraient être autre chose qu’une chanson mais je ne suis encore jamais allé au bout d’une autre écriture.

P.-S.

Crédit photo ©Mélanie Elbaz

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publié par le 27/04/21