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publié par Mathilde Vohy le 28/01/21
Cléa Vincent & Kim Giani - "La musique est une matière, il faut la nourrir pour la faire vivre"

Fin octobre, nous avions rencontré les prolifiques Cléa Vincent et Kim Giani au cours de l’un de leurs “concerts déambulatoires”. A l’époque, les bars étaient encore ouverts, et le couvre-feu imposé à partir de 21h. A l’intérieur de ce cadre, les deux artistes innovaient et proposaient deux nouvelles formes de concerts : au petit déjeuner et en déambulatoire, dans les rues de Paris. Puis, quelques jours après notre rencontre, les contours s’étaient de nouveau resserrés avec l’annonce d’un nouveau confinement. La promotion de leurs lives ne faisait plus vraiment sens. Nous avons attendu, dans l’espoir que la nouvelle année améliore la situation, mais elle n’a fait que prolonger le statu-quo. Nous publions donc aujourd’hui cet échange, à la fois comme souvenir de cette courte période de semi-répit, mais également pour retenir, défendre et protéger l’ingéniosité de ce duo iconique de la pop française.

Salut Kim et Cléa ! Ça fait très longtemps que vous faites divers projets ensemble, comment est venue l’idée des petits-déjeuners et des promenades-concerts ?

Kim : Cléa et moi on s’appelle tout le temps pour faire plein de trucs différents. En musique, on a eu l’habitude d’avoir des envies qui étaient pas forcément proposées sur le moment. Sooo Pop [émission consacrée à la pop française présentée par Cléa Vincent ; NDLR] en est l’exemple.

Cléa : C’est assez beau de voir comment une idée naît. L’idée de jouer en déambulation ou en petit dej vient de Kim et à la fois c’est parce qu’il sait qu’ensemble, on peut faire des trucs un peu hors-normes. On cherche souvent à déjouer le système. On déteste attendre !

Kim : Aussi, j’ai confiance en Cléa et je sais que sur ce genre de projet, elle va me suivre ! On s’est dit, tiens, ils mettent un couvre-feu, et si on jouait le matin ?

Cléa : A la rentrée, en réaction à ce blocage, j’ai aussi organisé une tournée dans les jardins. J’ai vu que Kim faisait plein de projets pas non plus “conventionnels”. On ne nous invite pas à le faire, on prend l’initiative. On est un peu leaders dans l’âme, on attend jamais que quelqu’un nous tende la main, on est autonomes et impatients !

C’était une évidence de le faire ensemble du coup ?

Kim : Carrément ! On discutait du couvre-feu et de la fermeture des bars, on s’est dit, allez on joue le matin avec des croissants. On a trouvé le bar Dédé la frite qui était chaud pour nous suivre. Le lieu c’était bon, ensuite s’est posée la question de la rémunération. Parce que notre souci en ce moment c’est que notre métier s’en prend plein la tronche. Les gens ont l’impression qu’on est en vacances mais il faut qu’on joue ! Plein de questions se posaient pour la rémunération parce que la jauge est restreinte et que les gens consomment peu le matin dans un bar. On a joué sur le côté “privé” de l’événement et ça a fonctionné.

Cléa : Quand tu fais payer un petit ticket, même si c’est pas cher, c’est un engagement de la part du public. Les gens sont plus présents et plus mobilisés. Et puis là c’est un peu exceptionnel parce que des concerts avec des artistes qui chantent à 9h du mat’ je peux te dire que c’est pas commun ! (rires)

Et le déambulatoire alors ?

Kim : Les bars allaient fermer donc on a dû réagir ! En plus on bouge donc il n’y a pas de regroupement de personnes. A chaque annonce gouvernementale, hop, on trouve une solution !

On va rentrer dans une période de mauvais temps pendant laquelle il va peut-être être compliqué de jouer dehors. Avez-vous déjà de nouvelles solutions en tête ? Kim j’ai vu que tu proposais de jouer chez les gens pendant la période de couvre-feu ?

Cléa : Oui des concerts-pyjamas !

Kim : Je voulais faire de la musique ambiante au clavier chez eux, mais les gens n’ont pas l’air emballés pour l’instant.

On va chercher un subterfuge alors !

Kim : Oui, puis la musique n’y est pour rien, ce qui pose problème c’est qu’aujourd’hui, notre économie de la musique est basée sur les concerts et sur le regroupement des gens. Ce n’est pas la musique le problème intrinsèque. Il faut trouver d’autres moyens de la faire exister. Même si ça ne marche pas forcément, il faut creuser, expérimenter.

Cléa : C’est un peu dangereux d’abandonner complètement la musique. On perd vite le tempo, et on peut ne pas s’en relever. Ca fait énormément d’années qu’on effectue ce métier dans une totale frénésie, se stopper d’un coup c’est dangereux. C’est comme les gens qui laissent quinze ans entre deux albums. Il y a une apathie qui s’installe, comme un sportif qui ne s’entraînerait plus. Et d’autre part, c’est dangereux pour l’aspect créatif. Il y a un fil qui se déroule avec des idées et c’est fondamental de le cultiver. Abandonner ça c’est comme laisser une plante mourir. Il faut l’arroser. La musique est une matière, il faut la nourrir pour la faire vivre.

Kim : On ne s’était pas rendu compte à quel point les concerts tiraient toute l’économie. Le live, c’est grâce à ça qu’on vend des disques mais aussi des bières, de la nourriture, du transport, du tourisme. Nous on est au milieu de tout ça, un peu comme les passe-plats ! (rires) Aujourd’hui on se rend compte que si on a plus de live, il n’y a plus de musique. Les gens ont du temps et tous les moyens techniques pour acheter des CDs et pourtant les ventes ont pas vraiment décollé depuis mars. C’est complètement fou, non ? Le live a pris le pas depuis la crise du disque sans qu’on s’en rende compte.

Quand on avait discuté de ton EP en mai Cléa, tu m’avais dit que tu voyais plus le confinement comme une opportunité qu’un frein. Est-ce toujours le cas ?

Cléa : C’est pas pour faire celle qui voit toujours le verre à moitié plein mais ça reste une opportunité de se réinventer pour moi. Je me sentais un peu essoufflée avant le confinement et là ça m’a donné une nouvelle énergie. Financièrement, ça ne compense pas le manque à gagner mais à force de se montrer sous toutes les formes avec Kim, j’ai espoir que naisse quelque chose qui me fasse gagner des sous autrement à l’avenir. C’est un labo en fait ! Par exemple, je n’avais jamais fait de concerts en marchant et je trouve ça hyper enthousiasmant. Ca ajoute quelque chose, je nous trouve meilleurs avec Kim dans ce contexte que dans une salle traditionnelle où on est moins en connexion. Et je te dis ça alors que ça ne fait que quatre ou cinq concerts déambulatoires que nous faisons ! Peut-être que nous tirerons d’autres enseignements de ces expériences un peu plus tard...

Ces concerts réinventés ne sont qu’une des bonnes idées de Kim et Cléa. Création d’albums uniques et personnalisés, dessins, lives à la radio... la liste est longue et disponible sur leurs réseaux sociaux.

>> L’Instagram de Kim Giani

>> L’Instagram de Cléa Vincent

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publié par le 28/01/21