accueil > blog’notes > Celui où les matelots

publié par Mélanie Fazi le 03/06/08
Celui où les matelots étaient de bon conseil

Pourquoi une entrée de blog plutôt qu’un live report en bonne et due forme ? D’abord parce que je ne suis jamais très à l’aise pour parler sur le Cargo de groupes ou d’artistes que je découvre à peine. Ensuite parce que ce n’est pas évident de consacrer un article détaillé à un concert quand les impressions qui vous tournent dans la tête en sortant se résument en gros à : waouh. Un peu court pour remplir les pages du webzine. Noircissons donc celles du blog.

Maxime du jour : les matelots du Cargo sont toujours de bon conseil. On ne le répétera jamais assez. Tout commence donc lorsque notre camarade Sfar, samedi dernier, attire mon attention sur le cas de Laetitia Shériff dont l’album Games over lui a fait forte impression. Laetitia Shériff, je la connaissais de nom mais j’étais passée à côté de son premier album – disons plutôt que je n’en avais rien entendu. La curiosité me conduit donc sur MySpace, histoire de me faire une idée plus précise de sa musique. Après avoir ramassé ma mâchoire qui vient de tomber sur le plancher avec un bruit sec, je passe une bonne heure à m’écouter en boucle les extraits disponibles sur cette page. Bluffée par l’énergie de cette voix, par ces riffs teigneux et ces lignes de basse obsédantes, et immédiatement conquise par le tube en puissance qu’est "Hullabaloo" (dont la ligne de basse, justement, m’a rappelé ma découverte du génial "Pauline" d’Eleni Mandell il y a quelques années).

Pour vous donner une idée de l’impact, il faut que je précise un détail : je traverse actuellement une période d’allergie à la production française chantée en anglais. Pas pour des questions de principe, de défense de la langue ou que sais-je encore, plutôt parce que j’adore la langue anglaise et que je trouve rarement le résultat convaincant. Ce n’est pas tant une question d’accent que d’affinité, de complicité nécessaire avec la langue dans laquelle on chante. Pour un Jack the Ripper ou un 21 Love Hotel qui paraissent parfaitement à l’aise avec l’anglais, j’ai entendu trop de groupes qui donnent l’impression de « faire semblant » : paroles simplistes et/ou chant hésitant, comme si la barrière de la langue empêchait les voix de donner leur pleine mesure. Contrairement à beaucoup, je trouve que la rock et la langue française peuvent se marier magnifiquement. J’étais donc plongée depuis cinq bonnes minutes dans l’écoute de ces chansons de Laetitia Shériff quand j’ai pris conscience du miracle qui s’opérait : à aucun moment je n’ai été gênée par cette histoire de langue. Cette complicité avec l’anglais, elle l’a indéniablement. À aucun moment l’énergie de la voix ne paraît bridée par le passage à une langue étrangère. Ce qui ne la rend que plus impressionnante. (NB : la théorie ci-dessus m’est entièrement personnelle et n’implique en rien les autres membres du Cargo – qui, dans l’ensemble, ne partagent d’ailleurs pas mon avis sur le sujet).

L’étape suivante, après avoir passé quelques heures à faire des bonds partout au son de cette musique, consistait forcément à aller redécouvrir ces chansons sur scène. Coup de chance : un concert avait lieu à la Boule noire deux jours plus tard. Une Boule noire surchauffée et survoltée où j’ai croisé pas mal de connaissances, de photographes et deux autres camarades du Cargo – me confirmant avant même le début du concert que j’étais passée jusque là à côté d’un truc énorme et qu’il était encore temps de rattraper mon retard.

En un mot comme en cent : waouh (je me répète). Je m’étais attendue à un concert intense et énergique, mais pas à ce point. À en croire les commentaires entendus après le concert, même ceux qui avaient déjà vu Laetitia Shériff sur scène ont été sidérés par la pêche incroyable de ce set. Sur les titres plus lents, elle arrive déjà à imposer une tension assez impressionnante avec très peu d’effets. Mais les plus énergiques vous électrisent carrément. C’était court, beaucoup trop court, mais parfait de bout en bout. Jusque dans la façon de gérer les problèmes techniques sur un des derniers morceaux – détail intéressant qui permet toujours de prendre la mesure d’un groupe, et dont celui-ci s’est tiré haut la main. On regrettera juste de ne pas avoir entendu la blague promise alors par une Laetitia un peu gênée mais souriante (j’ai cru comprendre que la blague en question était un élément récurrent de ses concerts). Je n’aime pas les comparaisons hâtives dont la presse musicale a tendance à abuser. Mais j’ai songé hier que parmi les centaines de filles à guitare qu’on a inévitablement comparées à PJ Harvey, c’est sans doute l’une des rares pour qui la comparaison ait un tant soit peu un sens. L’impression venait peut-être d’une très vague ressemblance physique (grands yeux sombres et cheveux noirs), mais plus certainement d’une manière de faire naître une incroyable tension rien qu’avec sa voix et quelques notes de guitare. En tout cas, la version survitaminée de "Hullabaloo" entendue hier soir fait d’ores et déjà partie de mes meilleurs souvenirs live de l’année. Cette chanson est une tuerie. "Let’s party" est terrible aussi, dans le genre.

À en juger par l’accueil chaleureux du public et les sourires béats qu’affichaient les gens à la sortie du concert, l’électrochoc a été le même pour tous. On n’attend plus désormais qu’un nouveau concert pour revivre l’expérience (j’ai quelques années de retard à rattraper). En attendant, Games over acheté hier soir vient de rejoindre le Midnight boom des Kills et le Weather’s coming de Phoebe Killdeer & The Short Straws sur la pile des disques énergisants pour matins difficiles. Je n’ai pas encore assez écouté Laetitia Shériff pour vous en parler en détail sur le Cargo. Mais je ne saurais trop remercier Sfar pour cette découverte.

(Voir ici les photos prises hier soir par Vinciane.)  

Partager :