Georges LAURENT (Daniel AUTEUIL) est présentateur d’une émission littéraire à la télévision, marié à Anne (Juliette BINOCHE), et père d’un fils de 12 ans. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’à la réception d’une K7 vidéo anonyme filmant leur maison, leurs allers et venues, leur quotidien.
Prix de la mise en scène.
Un plan fixe. Celui de la maison de la famille Laurent. Voilà comment s’ouvre le huitième film de Michael HANEKE. Mais ce n’est qu’au bout de quelques minutes que l’on comprend alors que ce n’est qu’une bande vidéo, que regardent les protagonistes, à la manière de l’ouverture de Benny’s video (1993). Dès cette première image, HANEKE nous associe avec ses acteurs comme les simples spectateurs d’un film dont il est le seul maître, le metteur en scène, dont les interrogations vont se porter sur la représentation du réel, sur le rôle de l’image dans la société actuelle, de l’impact que peut susciter un simple plan fixe. En faisant de Georges LAURENT, un présentateur TV, il le définit comme un homme que l’on regarde, dont la présence passe par l’image, mais il le montre aussi lui-même metteur en scène lors de la séquence où il monte sa propre émission, décidant ainsi du contenu de ce que les téléspectateurs vont voir, une certaine réalité qui est la sienne. Comment réagir alors lorsque l’on vous montre à votre insu dans un simple plan fixe sans aucun artifice de montage, comment en quelques images et dessins, vont resurgir des secrets et des mensonges refoulés depuis l’enfance. On pense bien sûr à Lost Highway (1997) de David LYNCH et aux même images vidéo qui venaient s’immiscer dans la vie du couple Madison, le nom de Georges LAURENT (aux deux prénoms, significatif d’un homme double) serait-il à associer à Dick LAURENT/Mr Eddy, homme double et manipulateur ?
Hors-champ.
Comment ne pas voir une caméra vidéo alors que l’on passe à quelques centimètres de celle-ci ? Est-ce que celle-ci existe bien réellement ? HANEKE sème le trouble dans l’esprit de Georges LAURENT, autant que dans celui du spectateur, sans jamais dévoiler l’auteur de ses images, s’imposant alors simplement lui-même comme auteur de celles-ci. L’utilisation de la vidéo numérique HD ne fait qu’accentuer cette sensation, les images de nos protagonistes sont de même nature que celles qu’ils regardent. Confusions des genres. L’omniprésence du hors champ et en même temps sa lourde absence créent un véritable malaise, désagréable et fascinant, accentué par les rares contre champ que nous montre HANEKE (la rue vide en face des chez les LAURENT, le couloir vide d’un immeuble,...). HANEKE nous emmène là où il veut, il nous montre en un peu moins de deux heures, le pouvoir des images, du montage, du hors champ, en bref, de la mise en scène. Fascinant.