Buried tient en une idée tout simple mais cauchemardesque, c’est l’histoire d’un homme qui se retrouve enterré vivant dans un cercueil. Ce n’est pas nouveau, on peut citer par exemple une séquence de ce genre dans Kill Bill et des téléfilms plutôt foireux sur le même thème. Mais ce qui m’a poussé à aller le voir c’est la promesse hautement acrobatique et risquée de la réalisation : à savoir ne jamais casser le huis-clos, présenter le point de vue de l’enterré uniquement, ce qui veut dire faire un film d’1h30 dans la quasi-obscurité et pour seul décor un cercueil en bois. J’avoue que j’étais curieux de voir ce que le réalisateur (inconnu au bataillon) pouvait faire d’un parti-pris aussi extrême.
Enterré vivant
Paul est un chauffeur de camion travaillant pour une de ces fameuses sociétés privées que l’armée américaine utilise en Irak. Il se réveille donc enfermé dans un cercueil, sans trop comprendre ce qu’il lui arrive. Passée la phase d’affolement (notons au passage que l’acteur principal s’en sort plutôt bien tout au long du film, heureusement car il est le seul acteur filmé en fait...) et avec la mémoire qui revient, il reconstitue le fil des évènements : le convoi dont il faisait partie a été attaqué, il a reçu un coup à la tête et ses ravisseurs l’ont donc enfermé dans un cercueil et enterré dans le sable irakien.
You are not alone
A ce moment-là, la problématique du personnage parait insoluble, il n’est pas the bride, il n’a pas reçu l’enseignement d’un vieux maître chinois qui lui permettrait tel un lazare camionneur de sortir de sa tombe.
Tout comme la problématique du scénariste : comment créer une action avec un personnage totalement impuissant, coincé sous terre ?. Heureusement nous sommes au 21ème siècle, là où le héros du siècle dernier n’aurait eu que ces yeux pour pleurer et ces muscles pour lutter en vain, notre Paul trouve lui des accessoires très utiles dans ses poches : un stylo et surtout un téléphone portable, pas de chance, un petit farceur l’a réglé en arabe mais bon il capte quand même sous terre et il va donc pouvoir passer plein de coups de fil...
Phone Game
Une vraie pipelette ce Paul tout d’un coup... il appelle sa femme, la collègue de sa femme, le 911, le FBI, le département d’état, la firme qui l’emploie. A la fin, il trouve même le numéro de ses ravisseurs, qui avec un parler caricatural mais rigolo lui explique qu’il doit verser une rançon sinon ils vont le laisser mourir dans son cercueil (ils ont l’esprit pratique ces ravisseurs), s’en suit une course (immobile) contre la mort, que je ne vais pas vous raconter, sinon y a plus trop d’intérêt à regarder le film non ?
Parlons technique
Sur ce plan, il y a à la fois du bon et du mauvais : c’est très appréciable que le huis-clos promis soit totalement respecté : on m’a vendu 1h30 avec un mec dans un cercueil, là dessus il n’y a pas tromperie sur la marchandise et le scénariste a trouvé l’astuce qui va bien pour que ça marche (le téléphone). Visuellement il y a quelques très beaux plans, des images très saturées produites par l’éclairage à la torche ou avec les "barres lumineuses" qui sont vraiment très belles aussi.
A côté de ça, si l’idée de "dilater" l’espace (le cercueil ne fait pas toujours la même taille, la caméra a parfois des mouvements impossibles si elle était vraiment "dedans") est en théorie assez géniale, son exploitation manque énormément de panache et d’inventivité : la réalisation ne s’en sert que pour de lents travellings arrière, la technique ultra-classique pour marquer l’isolement et l’abattement d’un personnage.
le sens de l’histoire
L’autre problème du film est la manière dont les personnages que Paul a au téléphone se comportent, difficile d’en dire plus sans spoiler mais ce qu’essaie de vendre le scénariste est un peu caricatural et pas vraiment crédible.
la fin est un peu dans la même veine, une sorte de pied de nez qui fait un peu pétard mouillé, on se dit que soit le scénariste a fait ce film en ayant cette fin là en tête, auquel cas elle est mal amenée et c’est dommage. Mais même réussi, ça aurait été un exercice un peu vain.. Soit il savait pas trop comment finir son histoire et a voulu s’en sortir avec une dernière pirouette. Et là on se dit que ça aurait mérité une meilleure conclusion.
Brouiller les pistes
Parce qu’il y avait des possibilités plus intéressantes, des détours que l’histoire aurait pu prendre et qui l’aurait transcendée. Mais au final,on n’a qu’un fait divers monté en épingle avec l’impression d’avoir en filigrane une critique mollassonne des états-unis en Irak.
C’est d’autant plus dommage que le pari initial est plutôt réussi : rendre intéressant un film d’1h30 se passant exclusivement dans un cercueil n’avait rien d’évident et là à part quelques passages, la tension ne retombe pas donc là dessus on ne peut que louer le travail de l’équipe du film.
On regrettera qu’elle n’ait pas eu la vision ou le génie de pousser au delà de l’exercice de style, pour donner de la profondeur ou du mystère à l’histoire. Dommage aussi qu’elle n’ait pas poussé plus encore ce principe de dilation de l’espace pour nous faire éprouver encore plus le calvaire psychologique que peut représenter une telle situation.
Au final, on passe un bon moment mais on est loin d’un grand film.