Cela peut paraître étrange pour quelqu’un qui passe beaucoup trop de temps à écouter Pink Floyd mais je ne suis pas fan de musique psychédélique, ou plus exactement le revival du genre m’agace facilement, quand les groupes sonnent comme un vinyl d’époque et n’ont rien de nouveau ou de très personnel à proposer. C’était donc loin d’être gagné pour les bordelais de Bootchy Temple. Non content d’être clairement dans la mouvance psychédélique, ils se revendiquent en plus d’un obscur courant né dans les années 80, le Paisley Underground, dont je n’avais jamais entendu parlé. Une niche dans la niche en somme.
Mais en fait ces étiquettes n’ont que peu d’importance, la raison qui me pousse à écrire ses lignes c’est que Glimpses, le deuxième album du groupe est tout simplement un bon disque, j’irai même jusqu’à dire que leur « Mare’s Nest » est une pure merveille de mélancolie et de pop rêveuse, à coup sûr une de mes chansons préférées de l’année. Et ce n’est pas la seule pépite du disque, « The Box (We are Inside) » ou « Nail’s Ward » sont aussi très bien. Que vous aimiez ou pas le genre psychédélique, Glimpses vous fera passer un bon moment, tendrement enveloppé dans de formidables parties de guitares majoritairement en son clair ou légèrement crunch qui s’entrelacent, bercé par une belle voix masculine, typique indie, avec un petit air de Thurston Moore on va dire. Mais attention pas question de vous endormir, Bootchy Temple sait varier les grooves, les intentions et monter le tempo.
L’instrumentation ne nous impose les éternels orgues et claviers analogiques partout tout le temps mais en fait un usage parcimonieux qui les rend d’autant plus intéressants (le son très pur, cristallin de « The Playground Project » ). On remarque aussi un piano électrique saturé, discret parfois jusqu’au fantomatique mais qui excelle à compléter le travail des guitare, une batterie simple mais efficace sur les titres lents, ce qui n’est pas si simple pour un batteur, une basse qui sait se mettre sur le devant et marteler la pulsation sur les titres rapides (le presque dansant « Lady Sunshine », « The Man With The Cane »).
Côté effets et de la reverb en particulier, la sobriété est de mise aussi .. tant mieux l’abus transforme trop souvent les titres psychédéliques en une sorte de magma sonore confus. Chez Bootchy Temple, cet écueil est évité sans problème, qu’ils soient dans un registre pop, folk ou plutôt rock, on sent les dynamiques différentes, et le son typé ne gomme les nuances, au contraire il apporte plutôt une unité d’ambiance. Le Paisley Underground se caractérise par la collision entre le psychédélique et un rock à guitares plus classique, un peu plus "terroir américain". On retrouve bien sur Glimpses ce côté lancinant, une certaine lenteur, une mélancolie qui rappelle Wilco ou certains titres du dernier Iron & Wine.
Au final, on a pas grand chose à reprocher à Glimpses ou alors ce sont les défauts qu’on pourrait trouver à tout disque "de genre" : malgré la sobriété évoquée précédemment, il y a un certaine ressemblance dans les morceaux, dans le son qui fait que surtout aux premières écoutes, c’est dur de différencier les titres, de se les rappeler comme des chansons et non comme un tout. Le problème pour eux va être le prochain disque : comment se renouveler, dire quelque chose de nouveau quand on est dans une niche aussi spécifique que le Paisley Underground. Comment inventer un vrai psychédélique du XXIème siècle ? En attendant d’avoir la réponse, Bootchy Temple nous redonne en peu foi dans le LSD euh la musique psychédélique pardon !