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publié par Mathilde Vohy le 11/11/20
Baptiste Ventadour - "Cet EP parle de deux sujets qui me font peur : le réchauffement climatique et le temps qui passe"

Il y a d’abord eu le titre "Nature’s Majesty" dont la mélodie jouée à la guitare 12 cordes a immédiatemment capté notre attention et nous a rappelé "Ocean" de John Butler. Attirer un regard, ou une oreille, Baptiste Ventadour sait le faire. La preuve ? En deux ans, il est passé des concerts dans les rues de Dordogne et d’Auvergne à la sortie d’un premier EP éponyme chez le label parisien Play Two. Il faut dire qu’une voix aussi atypique, on ne la laisse passer. Du haut de ses 21 ans, Baptiste Ventadour présente en effet un timbre rocailleux et éraillé dont il se sert pour délivrer des messages puissants au sujet de l’écologie ou du temps qui passe. Alors, bad rocker ou gueule d’ange ? Baptiste a répondu à nos questions.

Salut Baptiste, ton premier EP est sorti le 25/09, peux-tu nous le présenter ?

Mon premier EP est un condensé des couleurs qu’aura mon futur premier album. On peut notamment y découvrir le son du bois et des cordes acoustiques. Les chansons de l’EP montrent le plus possible ce que je veux montrer dans ma musique et dans le projet. Par exemple, le premier single est un sujet dont j’ai vraiment envie de parler : l’enjeu climatique. Je parle aussi beaucoup du temps qui passe parce que c’est quelque chose qui me fait peur.

Ton futur premier album est déjà prêt ou tu as seulement quelques maquettes ?

Nous avons plein de chansons sur lesquelles nous sommes en train de travailler mais j’écris toujours donc il y a encore un peu de travail.

Si on revient un peu sur ton parcours, tu es rapidement passé de concerts dans la rue à une signature en label et la sortie d’un premier EP. As-tu l’impression d’avoir travaillé d’arrache-pied pour arriver là où tu es aujourd’hui ?

On va dire que ça fait deux ans que je vis vraiment de la musique. Il y a deux ans je me suis retrouvé à jouer dans la rue parce que j’avais envie d’être indépendant et que je m’étais fait virer d’un magasin de vêtements où je travaillais. Je trouvais que c’était le bon moment pour se lancer. Ca a plutôt bien marché dans la rue et ca m’a donné vachement d’espoir. Je me suis mis à faire d’autres chansons, à me dire que je pouvais en vivre et que je pourrais construire un vrai projet. Là il est en train de se construire mais ce n’est pas fini ! Je l’espère en tout cas !

Y a-t-il des chansons que tu jouais à l’époque dans la rue qui sont arrivées dans ton EP ?

Oui il y a « Que reste-t-il ? », c’est une des premières chansons que j’ai écrites en français. J’avais la mélodie, et je ne sais pas pourquoi, quand j’ai une mélodie j’ai déjà envie que ça parle d’un truc précis. La mélodie de « Que reste-t-il ? » m’a directement évoqué l’écologie. Entre temps j’avais rencontré Kalune sur la tournée de Soan et j’avais très envie que ses mots soient sur cette chanson. Je lui ai envoyé la mélodie et il l’a écrite hyper vite, ça a été très naturel.

Est-ce que, hormis Kalune, tu as fait des rencontres marquantes, qui t’ont aidé et guidé dans ton parcours ?

Oui il y a tellement de gens que j’ai rencontrés et qui m’ont aidé ! Jean Fauque déjà, le parolier de Bashung. Soan, Claudio Capéo, et Cabrel pour l’écriture aussi. Mais il y a trop de gens qui m’ont appris artistiquement comme humainement, c’est impossible de tous les citer.

Le passage entre la rue où on est complètement indépendant et le label et les grandes scènes a-t-il été simple à gérer ?

C’est plus confortable d’être avec une équipe dans le sens où, quand tu es seul, tu dois t’occuper de tout. Quand on joue dans la rue, il faut tout penser tout seul, c’est la démerde quoi ! (rires) Quand on est en équipe il y a un certain confort de travail. Chacun se concentre sur sa tâche et va plus en profondeur. Entre la scène et la rue la différence c’est aussi que sur scène les gens viennent pour voir de la musique et pour aucune autre raison contrairement à la rue. C’est beaucoup plus simple de capter leur attention.

Penses-tu que plus on est jeune, plus c’est important d’avoir une équipe derrière soi ?

Tout à fait, je suis arrivé dans ce milieu sans vraiment savoir comment ca se passait alors j’ai de la chance d’être tombé sur une équipe avec qui je m’entends vachement bien. Je peux leur parler de mes doutes et les interroger sur des choses que j’aurais pas forcément osé demander.

Malgré ta signature dans un label parisien, tu habites toujours à Clermont Ferrand, est-ce pour conserver l’aspect “chanson de village” de tes morceaux ?

C’est pas particulièrement pour ma musique que j’ai fait ce choix ! (rires) C’est un truc purement matériel, je préfère largement les petites villes et les villages que la capitale ! Je suis vraiment un mec de la campagne, je me sens pas chez moi à Paris. Je ne sais pas si ca se ressent dans ma musique, tu trouves que je suis loin de la musique parisienne ?

On parlait tout à l’heure de « Que reste-t-il ? », single de cet EP dans lequel tu demandes pardon à la Terre. Comment as-tu été sensibilisé à la cause écologique ?

Je ne sais pas trop comment c’est venu. J’y ai été sensibilisé dans mon éducation mais je pense que ca vient vraiment d’une peur. J’ai peur d’une fin du monde. Pour beaucoup, on a la chance d’être bien et de manger à notre faim. Cette chance il faut en avoir conscience. J’ai peur que ce confort de vie change surtout que j’adore la nature, c’est là où je me sens bien. J’ai peur de perdre tout cela un jour juste parce qu’on a fait de la merde.

Penses-tu que l’art et particulièrement la musique sont un levier efficace d’engagement et de sensibilisation ?

Oui, la culture est un excellent moyen de communiquer sur ces sujets. Après je ne sais pas si on peut éveiller des consciences. Si quelqu’un n’est pas du tout sensible à ces sujets, il ne va pas changer d’avis en écoutant juste une chanson ! (rires) Mais je pense que plus on en parle plus c’est commun et plus ça va être ancré dans la tête des gens.

Il faut crédibiliser la cause en fait ?

Oui ! Il faut en parler, communiquer via l’art pour que de plus en plus de gens s’y intéressent. Le végétarisme en est la preuve même. C’était un truc marginal au début et maintenant c’est rentré dans les moeurs. La manière d’en parler importe beaucoup aussi. Les actes violents et extrêmes ne font pas avancer la cause selon moi, au contraire. Il faut se mettre à la place des gens qui s’en foutent et se demander ce qui va vraiment les toucher.

Est-il facile de concilier engagement écologique et carrière dans la musique ?

Non ce n’est pas facile du tout ! (rires) Mais il y a quand même des solutions, sur l’éclairage ou les transports par exemple. Après évidemment il faut un minimum d’électricité généralement ! C’est impossible d’être irréprochable malheureusement. Vivre, c’est consommer. Maintenant le but c’est de consommer le moins possible.

Si on revient un peu sur tes chansons, je trouve que ce qui est étonnant chez toi c’est que ta voix fait super mature par rapport à ton âge, tu n’as vraiment jamais pris de cours de chant ?

Merci déjà ! Et non je n’ai jamais pris de cours de chant. Quand j’avais 14-15 ans j’ai juste fait un an de “souffle”, ça avait rapport au chant mais on chantait pas vraiment. Sinon c’est vraiment à force de faire des concerts et de jouer que j’ai trouvé ma voix.

D’ailleurs j’ai lu dans ta bio que ton timbre éraillé était venu en imitant Kurt Cobain ou Louis Armstrong, c’est vrai ? Ta voix n’était pas comme ça initialement ?

Non, ado, j’étais ultra fan de grunge des 90’s comme 70% des gens de mon âge qui faisaient de la guitare. J’ai saigné tous ces groupes de rock, je voulais trop être comme eux. Je voulais être un rocker tu vois ! A force d’écouter et de vouloir imiter c’est devenu un truc naturel. Maintenant je ne peux plus chanter sans ce grain un peu pété.

On parlait des concerts, un des seuls que tu aies pu faire dernièrement c’était les Inouïs du Printemps de Bourges. Malgré le format un peu particulier, y as-tu appris ce que tu espérais ?

Oui c’était hyper chouette ! J’ai fait de belles rencontres et j’ai eu plaisir à rejouer devant des gens ! Après j’ai fait quelques concerts dernièrement. J’ai joué en première partie d’Eiffel en Alsace et j’ai quelques dates qui arrivent avec notamment un Café de la Danse le 10 décembre à Paris.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

J’en sais rien, je ne sais jamais répondre à cette question ! Je dois dire d’être beau, grand, intelligent et plein de succès ? (rires) Non mais en vrai je suis super heureux, j’espère juste que ça va marcher et que je pourrais jouer devant le plus de gens possible.

P.-S.

Merci à Baptiste et Anne-Laure !

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publié par le 11/11/20