décousus
relevant autant de l’initiative " sociale " - dans tout ce qui reste de noble dans ce domaine -que du travail artistique on se dit que l’on ne peut sûrement pas chroniquer trop de peine(s) en silence comme les autres cd que l’on trouve sur notre cargo. mais cela serait la pire insulte, le plus grand mépris que l’on pourrait infliger à cet album, résultat du travail de l’association pulsart avec une vingtaine d’adolescents incarcérés à la maison d’arrêt de bois d’arcy. quand en plus on sait que sont venus travailler sur cet album des artistes comme serge teyssot gay et jean paul roy de noir désir - pas de commentaires foireux sur le fait qu’ils sont venus repérer les lieux, théo hakola, rodolphe burger, sergent garcia, les têtes raides ou encore les hurleurs ou amadou et mariam, il n’y a plus aucun doute. passé l’admiration que peut susciter une telle initiative et l’évidence d’y retrouver certains noms - en fait, on aurait presque été déçu de ne pas voir dans ce genre d’initiative un teyssot-gay ou un burger - il reste... l’album. un cd à poser sur notre platine comme les dizaines d’autres qui défilent chaque semaine, à écouter avec les mêmes oreilles - c’était assez compliqué d’en changer, je ne rentrerai pas dans les détails, à juger comme un autre. vous pouvez, en plus, être sûr que les musiciens qui sont venus jouer sur cet album ne sont pas juste des noms-cautions pour une entreprise tout ce qu’il y a de plus louable... ce sont des compositeurs, des musiciens et des chanteurs exigeants qui sont venus travailler avec des amateurs éclairés. si vous écoutez l’album sans regarder dans un premier temps les crédits vous pourrez même, assez facilement, savoir qui a contribué à quel morceau. mais trop de peine(s) en silence n’est pas non plus un patchwork de morceaux décousus ou chacun serait venu avec sa guitare ou sa basse poser quelques riffs et distiller des conseils de vieux pro, sages mais emmerdants. cet album est le fruit d’un long travail, d’une réflexion qui crée une unité impressionnante qui tout au long des 17 morceaux imposent un univers unique et envoûtant provenant de gens tellement différents que l’on se demande quel alchimiste mystérieux est venu mettre son grain de sable dans cette mécanique musicale pour consolider et faire vivre le tout.
frénésie
hier, pris dans une frénésie de chroniquer des albums, comme, heureusement, cela ne m’arrive que peu dans l’année, j’écoutais themroc, présenté par leur label comme le rencontre de la dance et du rock. on a quand même le droit de rester perplexe devant le résultat qui relève quand même plus d’un bon disque d’électro que du vrai melting-pot innovateur et mélangeur de genres. trop de peine(s) en silence a pris un risque. un pari comme on aimerait en voir plus souvent dans un milieu musical souvent très fileux. la vingtaine de jeunes qui ont travaillé sur cet album baignent depuis leur enfance - pas si lointaine ! - dans le rap. la tentation aurait pu être grande de faire venir quelques noms plus ou moins intéressants du rap commercialisé français pour travailler avec eux. quelle lumineuse idée l’association pulsart a eu de ne pas tomber dans cette facilité, mais plutôt d’aller chercher des univers différents - et jamais opposés, car on parle tout simplement musique - des jeunes qui devaient écrire les textes et les dire sur les différents morceaux. le rock, la musique africaine traditionnelle, l’amérique du sud, la " tradition française " sont venus sans artifice, sans a-priori pour une rencontre... car la première, la grande qualité de cet album c’est la rencontre. rencontres d’univers, de talents, de connaissances, de musiques, de visions, de vécus, d’idées... trop de peine(s) en silence est une réussite incroyable. le pari était plus que risqué, l’équilibre précaire, c’est le moins que l’on puisse dire, mais tout cela est vite oublié pour faire place à la musique... aux morceaux, aux textes, aux ambiances, à l’esprit qui court le long de ces 17 morceaux. un thème " imposé ", l’amour ! tout et rien en même temps pour ainsi dire. certains textes sont parfois un peu justes, pas franchement caricaturaux mais parfois un peu facile ou trop classique, certaines paroles auraient pu être plus exigeantes - comme on aurait pu éviter quelques tics de phrasés, on aurait pu éviter certaines facilités que l’on trouve trop souvent dans le rap, mais à quelques exceptions près l’émotion est là, la justesse des mots est étonnante, ils frappent souvent juste, avec une force et une intransigeance qui vous laissent sans voix. peu de leçons, jamais d’apitoiement sur son sort, mais de l’amour, beaucoup d’amour, maladroit, fort, brisé, perdu, honteux, regretté mais vivant et beau !
gratin
pour accompagner ces mots, ces textes, ces phrases, cette vie, cette poésie urbaine et libre il fallait une musique, un univers musical qui sache relever le défi. la plus grosse erreur qu’auraient pu commettrent les musiciens invités par l’éphémère collectif b-zéro aurait été d’essayer de s’adapter à l’univers de j.p.b, amadou ou encore laurent - pour ne citer que ceux qui à la première écoute démontrent une maîtrise et un talent sans failles - de se " rapiser " et donc de se ridiculiser et de saborder le projet. pour qu’une rencontre soit réussie il faut que chacun puisse avancer vers l’autre en gardant son univers, sa personnalité tout en sachant se mettre à l’écoute de l’autre. ce n’est pas la première fois que l’on essaie de sortir quelque chose d’un melting-pot musical. souvent expérience sans aucun intérêt on peut quand même citer une bande originale d’un film américain, judgement night, qui avait réuni le temps d’une bof le gratin du rap us et quelques uns des meilleurs groupes rock indé des années 90... une des rares réussites du genre. aussi fou que cela puisse paraître il faudra désormais se dire que b-zéro et son trop de peine(s) en silence aura réussi ce pari de marier amateur et professionnel, venant d’horizons tellement différents qu’on se demande même comment ils ont trouvé l’entente parfaite pour nous offrir des morceaux aussi émouvants que "la peur de l’amour" ou envoûtant comme "24/24".
prison
en reposant l’album sur la platine on oublie tout ce qu’il y a derrière ce projet, le travail, les rencontres, la prison, qui est qui, qui a fait quoi, pour qui, pour quoi et on écoute... tout simplement l’un des albums les plus étonnants depuis longtemps.