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publié par Mickaël Adamadorassy le 18/04/11
De la Méta-psychose -
De la Méta-psychose

Je scrobble donc je suis

Vous connaissez peut-être l’excellent site last.fm ? Il s’agit d’un site qui tient à la fois de la radio, comme son nom l’indique et du moteur de suggestions, qui se base sur la musique que vous écoutez (ou scrobblez dans la terminologie last.fm), que le site récupère via votre logiciel de lecture de musique préféré (on regrette d’ailleurs que contrairement à Spotify, Deezer n’intègre pas le scrobbling).

Le site vous donne aussi des statistiques sur ce que vous écoutez. Par exemple, je sais que j’écoute beaucoup stars, exsonvaldes et death cab for cutie mais de voir les chiffres exacts parfois on a des surprises et on se dit qu’on devrait peut être varier un peu ses écoutes mais là on jette un œil sur le nombre d’artistes différents qu’on écoute et on se dit que finalement on est pas si monomaniaque que ça (et merci à l’abonnement à Spotify)

Mais...

Venus in furs

Mais il y a quelque chose de méchamment pourri dans ce tableau idyllique, quelque chose qui pour parler clairement me pète grave les couilles avec Last.fm : A chaque fois, que je vais sur mon profil, je vois dans mes artistes préférés, en face de Venus la photo de 3 bimbos horribles au lieu de celle du génial groupe belge. Et pourquoi une telle infamie ? A cause des métadonnées (ouh qu’elle fut longue à mettre en place cette introduction)

Des données sur les données

Pour comprendre le problème, il faut regarder un peu comment fonctionne last.fm et au travers de last.fm tout le business de la musique en général : Quand vous écoutez un titre dans winamp, itunes ou autre, le plugin last.fm va regarder dans les tags id3 ou autre le nom du morceau et l’artiste.

Qu’est-ce qu’un tag id3  ? quelques informations dans le fichier informatique, en plus des données qui constituent la musique en elle-même et c’est cela qu’on appelle des méta-données, des données sur des données, qui permettent de classifier, trier, identifier un morceau de musique, un livre, un page web même....

Le problème de last.fm, au delà des tags foireux ou mal orthographiés, c’est la manière dont ces métadonnées sont constituées : il sait que je viens d’écouter "Venus" car c’est ce que contient la méta-donnée "artiste" mais comme il existe au minimum deux groupes qui portent ce nom, last.fm est incapable de dire lequel des deux j’ai écouté et sur la page de Venus, on retrouve donc les photos et les morceaux des deux groupes et des fans en colère qui se battent pour ne plus voir afficher la photo de l’autre groupe.

De l’identité

On voit donc que ce n’est pas tout d’avoir des métadonnées et d’être capable de les récupérer. Il faut aussi qu’elles soient vraiment utilisables et qu’on puisse identifier les objets qu’elles représentent de manière unique.

C’est une problématique ultra-classique en informatique et qu’on résout très facilement en attribuant à chaque chose un identifiant unique  : comme votre numéro insee ou votre numéro de carte d’identité qui sont garantis uniques parce que délivrés par un seul organisme et qui vous permettent d’être sûr quand vous vous inscrivez quelque part que le monsieur François Dupont qui sera inscrit est bien vous et non l’un des 135 français qui portent ce nom, dont 1 habite par hasard dans le même immeuble que vous.

Cas pratique où c’est pas automatique

Bref l’identifiant unique c’est bien et ça marche alors on pourrait croire que dans la musique, c’est en place depuis longtemps... eh bien non : quand vous remplissez votre déclaration Sacem et si comme moi votre groupe a fait une reprise de Venus (le groupe belge, pas les bimbos, si on avait un identifiant unique j’aurais dit BEROCK92017-VENUS et vous auriez compris tout de suite... euh ou pas...), vous allez inscrire sur le formulaire "Venus" en toutes lettres et "kallenovsky" comme titre et un fonctionnaire de la sacem va avoir la charge de retrouver le morceau dont il s’agit et verser des sous à Marc Huyghens, compositeur du morceau en question.

Imaginons que les trois bimbos qui s’appellent aussi Venus aient aussi un morceau du même nom... notre fonctionnaire aurait été bien embêté, il aurait eu à me contacter pour éclaircir l’ambiguïté et que de temps et d’efforts perdus. Efforts et temps bien entendus facturés par la Sacem et ponctionnés comme frais de fonctionnement sur ce qui revient aux artistes. (Notons quand même que la Sacem a une base de données des morceaux de son répertoire avec des identifiants uniques mais le problème a besoin d’une solution globale )

A wind of change

Heureusement et comme à chaque fois qu’il y a de l’argent en jeu les choses sont en train de changer : création d’une base unique des interprètes, de formats et de base de données normées exploitables par toutes les plateformes liées à la musique, on y vient enfin.

Actuellement il existe plusieurs solutions propriétaires ou libres référençant les œuvres musicales et capables de les identifier mais ce n’est qu’avec les plateformes de téléchargement qu’on a commencé à essayer de les faire communiquer entre elles et qu’on s’est posé la question d’un identifiant unique pour les morceaux et les artistes.

Le problème c’est que tout ça est encore à l’étude et qu’on annonce pour certaines de ces initiatives un délai de 5 ans, pire encore, on a des initiatives concurrentes (on nous dit qu’ils se parlent mais dans ce cas, ils pourraient faire mieux que ça et fusionner leurs projets), des projets connexes gérés par d’autres organismes, des initiatives nationales, européennes, mondiales.

Et pour finir un peu d’humour avec Pascal

Bref de quoi me faire bouillir en arrivant sur ma page last.fm encore pendant un bon moment et rire grassement quand ce comique de Pascal Nègre toujours super fier de sa pomme vient déclarer sur LCI ce dimanche que la musique est maintenant à la pointe par rapport au livre ou au cinéma, deux mediums qui ont depuis longtemps des identifiants uniques...

Je vous conseille pour finir de lire ce très bon article de l’IRMA si vous voulez avoir tous les détails sur cette "affaire".

Une question technique intéressante à laquelle je n’ai pas de réponse serait aussi de savoir quel est l’état de l’art sur les technologies d’identification de la musique : car c’est bien d’avoir des métadonnées de qualité, personne n’oblige pour autant les particuliers qui rippent leurs cds à les intégrer dans leurs fichiers pour que les maisons de disque fassent tranquillement leur comptes du piratage, sans compter les milliards de mp3s légaux ou pas déjà dans la nature, qui n’ont donc pas d’identifiants tout court.

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publié par le 18/04/11
Derniers commentaires
gab - le 19/04/11 à 18:01

Quel langage, je suis choqué ;-p
En même temps franchement, quel est l’intérêt d’avoir un logiciel qui regarde par dessus ton épaule ce que t’écoutes ? J’ai jamais vraiment compris, à part peut-être pour faire ses tops en fin d’année (et encore) ou pour les gens atteints de la maladie d’Alzheimer.
Par contre pour répondre ta question, faut faire comme les constructeurs de voiture, faut rappeler tous les modèles défectueux. Allez, tout le monde rend ses petits mp3s siouplait, et plus vite que ça !

micky - le 20/04/11 à 09:01

gab > deux intérêts potentiels : 1 - le moteur de suggestions qui se base sur ce que t’écoutes : last.fm te crée "ta" radio personnalisée et ça peut être intéressant... parfois // 2 - C’est le même intérêt que certains éprouvent à interpréter des chiffres si tu vois ce que je veux dire :)