accueil > articles > lives > VA

publié par benoît le 20/08/09
Way Out West 2009 - [14/08/2009,15/08/2009]

Alors qu’une partie de l’équipage suivait cette année encore la traditionnelle route du rock à St-Malo, nous scrutions parallèlement l’ouest sous d’autres latitudes, en l’ocurrence scandinaves, pour Way Out West, jeune et insolent festival suédois qui proposait pour sa seulement troisième édition l’une des plus belles affiches de l’année.

Way Out West, 2009 — Göteborg

En plein coeur de Göteborg, deuxième ville de Suède mais premier port Scandinave, le grand parc Slottskogen (« le bois du château ») accueille la manifestation principale. De château, point, mais un chapiteau et deux gigantesques scènes. La topologie de l’endroit rappelle celle du domaine de Saint-Cloud pendant Rock en Seine. Divers musées, églises ou clubs hébergent une partie des concerts un peu partout dans la ville, qui organise en même temps son festival culturel annuel. Impossible de tout voir, de tout entendre, hélas.

JPEG - 147.6 ko

Vendredi 14 août

J’arrive au moment où s’achèvent les hypnotiques syncopes afro-beat de la clique de Seun Kuti, qui finit torse nu comme à son habitude. La sono est très forte, la bière très tiède, la météo excellente. C’est déjà l’heure de Beirut.

JPEG - 38.7 ko
Beirut

Une scène bien trop grande pour leurs petits instruments et leur immense modestie, mais les fans sont là malgré l’heure précoce, et le show s’envole vite. Moi aussi, à regrets, car je ne veux pas manquer Grizzly Bear.

ça se passe hélas sous le chapiteau, assez bas de plafond et desservi par une sono démesurée. La grâce singulière et le très joli son du groupe s’en trouvent salement altérés, et il faut s’éloigner d’une bonne trentaine de mètres (sortir de la tente, en fait) pour apprécier réellement les fines guitares, l’autoharpe, les harmonies vocales et l’inventivité du batteur sans qu’ils ne soient pourris par le zèle des caissons de basses.

JPEG - 42.3 ko
Grizzly Bear

La programmation étant décidément cruelle, Band of horses se lance au moment où les Grizzly entament leur quatrième morceau, et malgré les 300 bons mètres qui séparent les deux scènes, la pollution sonore est réelle (les enceintes diffusent dans le même axe, face à face...). Les quatre Grizzly Bear jouent presque nonchalamment et parlent peu ; je n’arriverai pas à décider s’ils sont déçus par les conditions dans lesquelles ils se produisent ou simplement timides. A revoir absolument dans un endroit adéquat.

Puisque Band of Horses fait tant de bruit, allons voir. C’est grandiose et pour tout dire un peu prétentieux. C’est peut-être la tronche du chanteur sur écran géant qui veut ça. Les disques me laissaient en tout cas espérer quelque chose de plus classe, de plus mesuré. Mais j’attendrai d’en voir plus, et de plus près, pour porter un jugement péremptoire.

JPEG - 31.3 ko
Robyn

La dernière note de guitare à peine évanouie, les beats de Robyn démarrent derrière moi. Robyn, c’est un peu la Britney Spears suédoise, une poupée dance toujours bien entourée mais aussi interprète courtisée de la scène électro. J’y vais à reculons mais dois bien admettre que la chose est entraînante. La menue blonde est inépuisable, bondit partout entre le tas de claviers et les deux batteries (dont l’une est tenue par Andreas Kleerup). Reprise surprise et subite de Queen (I want to break free) en duo avec Lykke Li. Je réalise alors que les trois voix invitées sur le dernier album de Röyksopp sont présentes sur le site du festival, puisque Fever Ray clôture la soirée. Les deux norvégiens font d’ailleurs leur entrée sur scène pour le morceau suivant, le leur, "the girl and the robot". Et qui c’est qui déboule pour le rappel ? Ce bon vieux Dr Alban, vétéran du ragga suédois, toujours en service (souvenez-vous de "Sing Hallelujah" en... 1994, juste après la déferlante Ace of Base).

JPEG - 49.1 ko

Retour aux guitares avec les excellents Wilco, que je regarderai de loin (chouettes, ces écrans géants) car mes jambes réclament une pause, et une bière tiède s’impose. Particularité suédoise, l’alcool n’est servi qu’en deux endroits ceints du site, dans le but de soustraire les robinets à mousse aux mineurs (contrôles à la clé). On ne ressort du lieu qu’une fois son verre vide et dûment abandonné dans une poubelle, mais on emporte son ébriété avec soi.

JPEG - 28 ko
Antony feat. Göteborgs Symfoniorkester

Instant douceur avec Antony sans les Johnsons mais avec l’orchestre symphonique de Göteborg. A la fois ravi et impressionné d’être là, il s’amuse d’avoir été reconnu la veille dans les rues d’un pays qu’il ne connaît pas. Le public recueilli écoute religieusement, conquis d’avance par une prestation unique et exclusive.

Retour sur terre, battue et rebattue (les belles pelouses de Slottskogen cèdent de plus en plus de terrain, terrassées par des milliers de pieds). Je boude Glasvegas sans états d’âme et file chez Röyksopp. La fidèle Annelie Drecker est au micro. Robyn déboule ensuite, toujours en forme, et nous remet une couche de "the girl and the robot". L’ennui guette malgré les bpm, et je ne suis là que par curiosité pour Karin Dreijer Andersson (a.k.a. Fever Ray), qui est là pour this must be it puis what else is there, bien évidemment grimée, mais je vous laisse décider en quoi :

JPEG - 56.8 ko
Röyksopp feat. Karin Dreijer Andersson

Je me passerai ensuite d’Arctic Monkeys (les copains me raconteront) pour rester avec Fever Ray, grosse attente pour moi, vous l’aurez compris. Comment un disque à l’esthétique aussi radicale va-t-il être présenté en live ?

Noir complet sous le chapiteau, on devine sur scène quelques lampes de chevet, mais c’est un laser vert qui soudain transperce l’atmosphère brumeuse du chapiteau de deux faisceaux parallèles au-dessus du public. Réminiscence pour moi d’un concert de Jean-Michel Jarre au zénith d’Orléans en 1992 (on fait tous des erreurs quand on est gosse). Mais démarre itou la basse hypnotique de "If I had a heart" et monte la voix déformée d’une créature afro-mystique velue et arthropode, immobile en fond de scène. L’ambiance n’est pas à la gaudriole.

JPEG - 49.6 ko
Fever Ray

Le visuel est conforme à ce que l’on peut voir dans la vidéo de "Triange Walks", troisième extrait de l’album.

Fever Ray ’Triangle Walks’

Karin reprend une voix non pitchée à partir du troisième morceau ("Keep the streets empty for me"), et tombe finalement le masque, mais les photographes ont déjà été mis à l’écart manu militari (et on ne discute pas avec un moustachu de 120 kilos).

Le show ne décolle jamais vraiment mais installe le même climat étouffant et fascinant que sur le disque. La foule est mise en cage par le laser vert qui s’écarte en éventail au-dessus d’elle, et littéralement transpercée par les infra-basses. Une électro glaciale et implacable, jouée par d’étranges arlequins dompteurs de Mac Book. Un percussionniste encapuché tabasse ses congas. Tout le monde se demande un peu à quoi il assiste mais personne n’abdique, l’ésotérisme du projet magnétise l’assistance. Certains vivent l’expérience allongés dans la terre - et la bière, d’autres ondulent lentement assis en tailleur, possédés.

Ce soir, on regardera bien sous le lit avant de se coucher, et on laissera probablement une petite lampe allumée.

Samedi 15 août

Le temps est instable en Scandinavie, particulièrement sur la côte ouest. Le samedi, c’est donc plutôt Way août wet (ha ha ha) : la pluie est de la partie, mais la programmation est ensoleillée.

JPEG - 103.5 ko
Vampire Weekend

Les affables Vampire Weekend ironisent : "we were expecting cold and rain, it’s actually sunny ! So here are some summer songs, easy to dance in a rain coat". Et 10 000 capuches bondissent en rythme. Heureusement le tempo est moderato par rapport au disque, et j’ai bien l’impression que le batteur aurait de toute façon du mal à aller plus vite. Mais tout fonctionne aussi à allure nonchalante, sauf peut-être Bryn qui perd son énergie et dont la mélodie enjouée devient presque mélancolique. Tout roule, les chansons fonctionnent comme au premier jour malgré leurs deux ans, et comme on s’approche visiblement d’un deuxième album, ils nous en servent deux extraits en prime. Et ça s’annonce toujours aussi irrésistible.

La pluie redouble et la foule coule jusqu’au chapiteau pour sécher au son d’Olle Ljungström, ravi de l’aubaine.

Les incantations d’Amadou & Mariam amèneront même une timide éclaircie. Capuches rabattues, tout le monde se dandine sur le Mali. Le groupe est redoutable, ça groove sévère, rien à envier à l’afro-beat du fiston Kuti qui jouait la veille au même endroit. Amadou remercie en français - lui a-t-on dit qu’il jouait en Suède ? :)

PNG - 34 ko
JPEG - 37.1 ko

Suivront Basement Jaxx, leurs machines opulentes et leurs divas de forte cylindrée. Show impressionnant, d’une puissance sismique. Peu de gens s’y risquent sans protections auditives. Mais question decibels, les maîtres arrivent : My Bloody Valentine prend le relais sur l’autre scène. Une heure tête dans le guidon avec les amplis à 11. Voix inaudibles, batteur à la ramasse. Plus on avance et plus ça ne ressemble qu’à un gros bruit blanc. L’incrédulité règne. Certains fuient. D’autres vont s’acheter un hot dog. "Please make it stop", supplie à côté de moi une jeune ingénue, mains sur les oreilles (en fait je lis sur ses lèvres car bien sûr je ne peux pas l’entendre). Et d’ailleurs moi non plus, je ne suis pas assez vieux pour les avoir écouté dans la cour du lycée alors, perplexe, je vais me mettre en sécurité à plusieurs centaines de mètres, et attendre peinard la chipie Lily Allen. Tenue transparente en prime, ce soir. Mais toujours clope au bec et vin à la paille. Une parfaite fin de soirée et de festival, sous une lune enfin revenue.

JPEG - 58.7 ko
Lily Allen

J’aurais néanmoins raté Andrew Bird, St-Vincent, First Aid Kit, Loney,Dear, Bon Iver, Calexico, Echo & the bunnymen, El Perro del mar, Vetiver, Woodpigeon...

Partager :

publié par le 20/08/09