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publié par arnaud le 30/10/06
Eurockéennes 2006 - 02/07/2006
Eurockéennes, 2006 — Presqu'île du Malsaucy, Belfort

C’est un peu fatigués, mais motivés, que nous abordons cette dernière journée, qui s’annonce bien remplie ! Cette année les Eurockéennes ont choisi de mettre la ville de Montréal à l’honneur, en présentant un plateau coloré couvrant la large palette sonore de l’effervescente scène québecoise. De quoi nous donner encore plus de cœur à l’ouvrage, même si les seuls noms de Mogwai, Sigur Rós ou Cult Of Luna suffisaient déjà à notre plaisir !

Retour de licorne

Alors que certains curieux, attirés par un patronyme fleuri, sont allés découvrir la musique quelque peu “chargée” des My Baby Wants To Eat Your Pussy, nous avons préféré squatter le Chapiteau (dans un état de plus en plus délabré en ce troisième jour, et ce en dépit du travail efficace des équipes de nettoyage : certains détritus sont tout bonnement incrustés dans le sol !) pour y voir les Islands. Fondé sur les cendres des Unicorns, le groupe, originaire de l’ouest du Canada, a posé en 2003 ses valises sur les rives du St Laurent, conscient du potentiel artistique de la métropole francophile. C’est tout vêtu de blanc que les huit musiciens passent en revue les titres de leur récent premier album éponyme, dans une ambiance légère et bon enfant. Peut-être un peu trop justement, car en dépit des efforts de Nick Diamonds, qui reçoit même le renfort d’un fabuleux pied de micro terminé par une main de mannequin, les morceaux d’Islands caressent sans jamais aller plus loin : une musique de l’instant qui manque de profondeur dans son interprétation scénique. Dommage.

Mère-perruche

Rien à voir avec le spectacle qui se met en place à la Plage, où Annie-Claude, chanteuse-hurleuse des Duchess Says se met en condition pour prendre d’assaut le petit groupe de curieux amassés devant la scène, en vidant sur sa tête le contenu d’une canette de bière ! On a du mal à imaginer que dans le civil, cette sauvageonne est secrétaire médicale dans une maison de retraite ! Au son d’une basse saturée, de ligne de clavier cradingues (un critère récurrent chez ces groupes montréalais), et d’une rythmique qui castagne, la jeune femme sort ses tripes, sautant d’un côté à l’autre, proie à d’inquiétants spasmes : une version bien plus effrayante et noisy que ce que le groupe avait déjà proposé sur un premier EP, sorti en début d’année, intitulé Noviçiat Mère-Perruche (car toute cette troupe de frappadingue se réclame de la Sainte église de la Mère Perruche... tout un programme !). Les influences sont à chercher du côté de Suicide, de Sonic Youth, ou d’une scène noise-indus de la fin des 80’s. Grosse claque de cette troisième journée, la prestation de Duchess Says impressionne autant pour le charisme et la folie de sa chanteuse (les pieds nus, en guenilles, et qui ne pourra pas se retenir de plonger dans la foule pour un crowd-surfing d’anthologie !), que pour la puissance de ses compositions. La déflagration sonore des vrombissements de distorsion, fluctuant au grè des pépins techniques (un clavier récup’ transformé en guitare et dont les touches tombent en miettes !), crée une impression de chaos sombre qui tranche avec l’atmosphère ensoleillée et caniculaire de ce dimanche après-midi. Le sable de la Plage se transforme en curieux dancefloor, car à l’instar d’un groupe comme Le Tigre, les Duchess Says savent comment faire groover la foule à grand coup de mélodies synthétiques sur beats hypnotiques. On pense à leurs compères des Georges Leningrad qui auraient laissé de côté l’attirail kitsch pour privilégier le terrorisme sonore sans pour autant négliger le potentiel tubesque des chansons. Sans compter que le quatuor ne se repose pas uniquement sur ses machines : quand Ismael ne triture pas son clavier Moog, il nous laisse admirer son t-shirt Van Halen en empoignant une Gibson SG dont il laisse sortir des sons tout aussi efficaces. Vraiment, le groupe s’impose comme l’une des révelations de ces Eurockéennes 2006, et c’est avec impatience que l’on attend leur album à paraître l’an prochain !

Oiseaux courageux

La furie bruyante du combo québecois à peine quittée, qu’il faut déjà accélérer le pas histoire de ne pas rater le début du concert de Dominique A. Et même si l’on ne s’attend pas à en prendre plein la tête comme lors de ces 50 dernières minutes, c’est avec une certaine impatience que l’on guette la venue de M.Ané. En effet, son Tout sera comme avant avait déçu les amateurs de la face sombre et plutôt aride du chanteur, en privilégiant les arrangements grandiloquents de Gecko (responsable des cordes chez les récents Bashung). C’est donc avec quelques réserves que nous avions abordé son successeur, L’Horizon, débarqué en début d’année. Mais dès l’ouverture du disque, sur un magnifique titre éponyme, les réserves étaient oubliées, peut-être grâce aux formidables guitares d’Olivier Mellano (fidèle complice sur la route et homme du projet musical Mobiil). C’est d’ailleurs en sa compagnie que le grand Dominique débarque sur la scène du chapiteau (on remarque aussi Jérôme Bensoussan à l’arrière plan, à la clarinette, musicien déjà aperçu aux côtés de Superflu ou Miossec) et entâme sa prestation sur un impeccable enchaînement de « La Pleureuse » et d’une version musclée de « La Peau ». Globalement, le concert confirme la tendance plus rock de ce dernier album, en témoigne une formidable relecture bruitiste du célèbre « Courage des oiseaux ». Hésitant entre la bonne humeur (jovial « Dans un camion ») et la mélancolie (sublime « Le Commerce de l’eau »), Dominique A nous aura comblés avec une prestation certes ramassée (une petite heure) mais executée avec une grande classe en dépit des relents de soundsystem qui venaient couvrir parfois, les passages les plus calmes du set.

Top of the Pops

Pas le temps de voir M.Argos, rasé de près, et son Art Brut entrer sur scène au son d’AC/DC, ni de rester pour subir la pop molassonne des écossais d’Aberfeldy, car nous sommes attendus par Miss Hardy et son batteur, venus donner un unique concert français de Giant Drag. Une petite demi-heure à rire avec ces deux Américains, à les voir les premiers étonnés du petit succès que rencontre le groupe en ce moment, et à savourer les commentaire salaces d’Annie, que nous voilà repartis pour le Chapiteau, histoire de retrouver Mogwai, trois mois après un concert décevant donné à Clermont-Ferrand. C’est au son du « Bad Weekend » d’Art Brut que nous nous frayons un chemin : « Art Brut ? Top of the Pops ! Archive ? Top of the Pops ! Mogwai ? Top of the Pops ! » etc... On a beau dire ce que l’on veut de ce groupe, que musicalement il ne va pas chercher bien loin, que ses membres ne savent pas s’habiller, ou bien qu’il compte quand même le cousin du leader de feu-Stiltskin dans ses rangs : qu’importe, Eddie Argos écrit des chansons à mourir de rire et fait preuve sur scène d’un humour communicatif !

Diaboliques

En avril dernier, nos Glaswegians favoris avaient présenté leur dernier né Mr Beast sur quelques scènes françaises. Nous avions apprécié la démarche du groupe qui, sur toute la tournée, avait largement passé en revue son répertoire, les récents « Friend Of The Night » ou « Glasgow Mega Snake » côtoyant les classiques de Mogwai, tels « Summer » ou « Mogwai Fear Satan ». Malheureusement, certains arrangements (trop de claviers, voix très approximatives), une présence scénique des plus passives (on se souvient de Stuart Braithwaite qui à une époque, pas si lointaine, semblait possédé par ses déluges de larsens, et victime de convulsions menaçantes), et un ingé son sans saveur (moins d’aggressivité certes, mais aucun relief : le comble pour une telle musique !) nous avaient laissés perplexes. C’est dans des conditions différentes que nous découvrons ce soir le groupe, alors que le soleil descend doucement sur le Malsaucy, et que le chapiteau est plutôt bien rempli. Moins bien placé qu’à l’accoutumée, on ne pourra se concentrer cette fois-ci que sur la musique. Que demander de mieux qu’un set qui commence par « New Paths To Helicon (pt I) » ? Les moments les plus calmes obligent à tendre l’oreille - ou à être excédé par ses voisins trop peu attentifs - , les passages plus bruyants prennent des allures d’apocalypse ! Le choix des titres jouent pour beaucoup dans l’appréciation de la prestation du combo écossais : d’un côté les singles récents inoffensifs (« Hunted By A Freak », « Travel Is Dangerous » avec Barry Burns au chant), de l’autre les brûlots post-rock que sont « Ithica 27phi9 », « Mogwai Fear Satan » ou l’emblématique « Summer ». Comble du culot, le groupe s’autorise un rappel, alors qu’il ne reste qu’une poignée de minutes à l’horloge pour boucler le concert, pour mettre le Chapiteau K.O. debout avec un « My Father, My King » d’anthologie ! 20 diaboliques minutes répétitives (dont 5 de pure folie noisy !) qui font tanguer la salle comme un immense bateau à la dérive. Enorme ! On quitte la salle en titubant, heureux d’avoir retrouvé le Mogwai d’antan,au sommet de sa forme.

Gâchis

Les quelques notes d’Archive glânées sur le trajet entre le Chapiteau et la Plage nous conforte dans l’idée que ce groupe n’a plus grand chose à offrir : l’époque Londinium semble bien loin. Car même si sur scène les nouvelles voix du groupe tentent de se réapproprier son répertoire, rien n’y fait : entre arrangements patauds et chant approximatif, le groupe n’est plus que l’ombre de lui-même. Subsiste les morceaux plus récents qui pour leur part, peinent déjà à convaincre sur disques, et que la sono gigantesque ne met guère à leur avantage. Un gâchis insipide.

Robotique

A la Plage, les Montréalais We Are Wolves sont tout juste en train de terminer leur concert, qui rend justice à leur sous-estimé Non-stop je te plie en deux, paru l’an dernier, à ceci près que les morceaux semblent un poil plus agressifs en live. Suivent les Georges Leningrad, dont le nouvel album, Sangue Puro (à paraître à l’automne chez Tomlab), néglige la facette electro-kitsch de la musique du trio, pour en donner une relecture plus volontiers agressive et robotique. Sur scène Poney P, cheveux dans les yeux, robe blanche à pois noirs et bottines, s’en donne à cœur joie ! Vraisemblablement le groupe le plus décalé de cette édition, les Georges ne s’économisent pas : en témoigne Bobo Boutin, à la batterie, qui bat la mesure dans une cadence frénétique. Malheureusement pour nous, il faut laisser le groupe après quelques titres, pour gagner la Loggia à l’autre bout du site, qui à ce moment là, connaît pas mal d’embouteillages dûs à l’arrivée massive des fans de Muse, massés près de la Grande Scène.

Cornélien

Choix cornélien : Sigur Rós ou Giant Drag ? Les récentes déceptions live procurés par des Islandais un peu trop enclin à se reposer sur leurs acquis (cf ici) nous poussent à aller découvrir le show des auteurs du très réussi Hearts Unicorns. Annie Hardy (26 années au compteur, mais en paraît dix de moins !), accompagnée du fidèle Micah Calabrese à la batterie (qui assure aussi toutes les parties basses sur son synthé de poche) est autant influencée par My Bloody Valentine que par Nirvana ou P.J. Harvey, et s’amuse à reprendre Chris Isaak ou Jesus & Mary Chain ! Malheureusement, entamé par la fatigue, le groupe ne parviendra pas à complètement recréer la magie de son album, et ne convaincra que partiellement. Peut-être la faute à certains fans britanniques un peu trop expansifs, s’extasiant bruyamment à chaque phrase de la chanteuse, rappellant sa popularité outre-Manche où elle jouit d’une réputation sulfureuse dans les pages du NME. Un concert court qui nous laisse donc sur notre faim. L’avenir nous dira s’il s’agissait d’une contre-performance passagère... Dans notre malheur nous évitons déjà les décibels du braillard Bellamy, dont le groupe n’a pas encore pris en otage le Malsaucy... mais ça ne saurait tarder !

Mugissements

Après avoir pu suivre la fin du concert de Sigur Rós, avec pour changer Popplagiðen guise de dessert (toujours aussi efficace, mais Dieu que tant de systématisme est désarmant), nous approchons de la Plage, pour ce qui s’avère être pour nous l’ultime performance de ces Eurockéennes 2006 : les Suédois de Cult Of Luna. Mais alors que le groupe est affairé à balancer (en à peine dix minutes chrono, pour un son nickel, comme à leur habitude), un mugissement fend le ciel belfortin ! Musea donc décidé d’ennuyer le site dans sa totalité ! Selon les quelques personnes autour de moi, on a rarement connu sono aussi puissante pendant le festival. Chaque respiration agaçante de Matthew Bellamy vous file la chair de poule ! On se demande comment Cult Of Luna, qui joue pourtant à l’opposé de la Grande Scène, va pouvoir s’en tirer, et même avec nos bouchons vissés aux tympans, le stadium-prog-rock-metal de pacotille des Anglais est encore perceptible ! Qu’importe. Klas Rydberg, de retour au chant après avoir déclaré forfait pour cause de paternité durant la tournée printanière du groupe, entame « Finland » depuis l’arrière de la scène, comme pour laisser ses acolytes encore mieux installer les ambiances à la fois graves et aériennes que distille Cult Of Lunade la meilleure manière. Révendiquant autant des influences doom metal que post-rock, la formation n’a pas renié non plus l’importance de disques plus mainstream, et admet sans aucun complexe son admiration pour les albums de Radiohead. Une conception de la musique qui n’est pas si éloignée de celle prônée par les Américains d’Isis, que nous avions eu l’occasion de croiser ici-même l’an dernier. Pendant une petite heure, les sept musiciens vont faire oublier le tintamare Muse en nous plongeant dans leur univers, tiraillés entre les mélodies aériennes que tissent parfois les guitares, soutenues par les nappes épaisses des claviers d’Anders Teglund, et la pesanteur, l’énergie tellurique, des hurlements de Rydberg et des nombreuses parties distordues. Une ambiance que relèvent parfaitement les lumières de la Plage. Sans doute, l’une des réussites de ces Eurockéennes, qui, compte tenu d’une assistance très moyennement fournie, aura pris des allures de secret le mieux gardé du festival ! Tant mieux pour les curieux qui auront su prendre les sentiers moins fréquentés, fuyant peut-être le cataclysme de la Grande Scène.

Bilan

En quittant le site, on se dit qu’on échappe déjà à la vague de départs qui marquera la fin du concert de Muse. Que nenni. Il nous faudra faire plus d’une heure de queue pour prendre une navette. Mais après tout, c’est un peu la même chose chaque année. Seul véritable carton rouge adressé à l’organisation : le parking. Car ce dernier soir, il faut croire que plus aucun membre du staff n’était disponible pour organiser correctement la sortie du parking (sur l’aérodrome de Chaux). Résultat des courses : des voitures dans tous les sens, et près de 45 minutes d’embouteillages qui auraient pu être évités en organisant la sortie de la même manière que l’entrée, c’est à dire avec méthode !

Au delà de cet aspect logistique, le bilan musical est plutôt positif, même si comme chaque année, il faut un peu faire le tri dans la programmation... Après l’édition 2005, les Eurockéennes avaient promis de revenir à une édition plus humaine, avec moins de groupes. Pas certain que ce fut vraiment le cas cette saison, encore moins concernant l’horaire de certaines performances, sans même parler de l’organisation au village presse, où les entrevues avec les petits groupes sont parfois bien compliquées à gérer si l’on n’a pas soi-même des contacts... Nous verrons si l’avenir s’annonce sous de meilleures auspices. Et si la prog’ suit, à l’année prochaine !

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publié par le 30/10/06