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publié par arnaud le 28/10/06
Eurockéennes 2006 - 01/07/2006
Eurockéennes, 2006 — Presqu'île du Malsaucy, Belfort

Futebol

Après une bonne nuit de sommeil nous voilà repartis pour une journée qui s’annonce un peu moins bien chargée que celle de vendredi. En effet, pas grand chose à se mettre sous la dent en dehors des vieilles gloires qui viennent cachetonner (DM et le Moz) et les phénomènes médiatiques qui ont déjà sillonné la France en long et en large durant l’année écoulée (Camille ou Katerine) ! En revanche, dès l’approche de la navette, on sent la plupart des festivaliers déjà dans l’effervescence de la soirée placée sous le signe de la Coupe du Monde de football, et de la rencontre entre la France et le Brésil ! La grande inquiétude d’ailleurs du côté du staff du festival étant de proposer cette rencontre sans prendre en otage tout le site, et en contournant le problème des droits TV qui sont bien trop onéreux, même pour une organisation du calibre des Eurockéennes ! Du coup, ce sont quelques téléviseurs de moins de 51 cm qui diffuseront les images, sans le son, dans quelques buvettes du Malsaucy, la plus courue étant celle de la marque Rivella, boisson chère à nos voisins hélvètes qui a toujours la bonne idée de proposer des dégustations gratuites de son produit sans alcool. Une initiative raffraîchissante et des plus appréciables tant il faut souligner les prix exorbitants de la nourriture sur le festival (hormis les sanwiches à 2 euros, mais aux saveurs pas très variées, de la marque de supermarché du coin !).

Têtes à claques

Retour à la musique sous le Chapiteau avec les Parisiens (d’adoption) de Hushpuppies, dont le premier album commence à se faire un nom et squatter les playlists des radios « jeunes ». Le groupe a parfaitement appris sa leçon de « garage band » tendance costard, et débite ses morceaux à la sauce légèrement psyché, légèrement « mod tête à claques ». Un peu trop de poses et pas beaucoup d’originalité, si ce n’est qu’il s’agit là d’un groupe français et qu’à en croire les médias, ce critère suffit à distinguer une formation, qu’importe son manque de personnalité ou son originalité. Nous passons notre chemin.

Folk féringien

Dans le même ordre d’idée, nous zappons la collaboration entre les pop-rockeurs ibériques, The Sunday Drivers, dont la performance en collaboration avec un orchestre à cordes de la région, semble avoir été une réussite, si l’on se fie aux échos glânés à l’espace presse. En attendant de découvrir les I Love UFO, un groupe français, qui pour la peine est aux antipodes des Hushpuppies, capable de chasser aisément sur les terres anglo-saxonnes, on fait un petit détour par la Plage afin de découvrir le Danois (Féringien pour être plus précis) Teitur, lui aussi accompagné par une ribambelle de cordes issues du conservatoire de Dôle. Difficile pour le nordique de jouer à une heure où le soleil tape encore fort. Mais pendant les deux premiers morceaux, que le chanteur interprète seul, ce sont surtout les jeunes recrues du conservatoire qui souffrent, obligées en attendant leur tour, de réaccorder sans cesse leurs instruments que la chaleur met à mal. Le jeune Danois évolue dans un registre folk discret, tantôt au piano, tantôt à la guitare, dont la douce mélancolie sied parfaitement aux cordes qui l’accompagnent. Ce n’est pas révolutionnaire, mais raffraîchissant, en cette journée caniculaire ! Bonne initiative de la part des Eurockéennes que de s’allier à quelques grands festivals européens (Roskilde au Danemark pour Teitur, ou bien Bénicassim pour les Espagnols des Sunday Drivers) afin de mettre en place une politique d’échange, donnant ainsi l’occasion à quelques artistes locaux de franchir les frontières nationales.

Rendez-vous manqué

Alors que nous reprenons notre chemin en direction de l’espace presse, nous croisons une foule d’anglophones se pressant moins vers la Grande Scène en vue du concert de Morrissey, qu’en direction des buvettes retransmettant le match de la sélection nationale aux prises avec le Portugal ! A ce sujet, on apprend d’ailleurs que ces messieurs de Depeche Mode ont décidé de rester à leur hotel de Bâle et de ne décoller qu’après avoir vu le résultat de la partie et gagner le site des Eurockéennes ! C’est même escortée par la police, que la grosse berline du groupe prendra l’autoroute suisse à toute berzingue, donnant presque l’impression de laisser le trio au pied des marches de la Grande Scène, 30 secondes avant le coup d’envoi de leur concert ! Enfin pour l’heure, nous apprenons que pour cause d’interview avec les fantastiques Animal Collective(l’événement de la journée !), il faudra faire une croix sur I Love UFO. Déception tant les spécialistes semblent s’accorder pour dire qu’il s’agit là d’un groupe singulier qui risque de faire plus parler de lui à l’étranger que dans notre pays. Pensez-vous, leur album Wish, dont la sortie est annoncé pour l’automne, est un condensé de décibels, n’hésitant pas à jouer la carte du psychédélisme lyrique, quelque part entre Comets On Fire et Radiohead ! Un rendez-vous manqué qu’on espère pouvoir réparer plus tard dans l’année.

Man in black

Après une charmante rencontre avec nos Animaux favoris, on ira goûter la nostalgie des Smithssur la Grande Scène, avec un Momo renfrogné, un peu peiné que les ventes de son Ringleader of Tormentorsne décollent pas en France. Le Moz, chemise et pantalon de costume noirs, donnera néanmoins une performance énergique et relativement efficace, revisitant son répertoire et nous gratifiant même de quelques classiques de son ancienne formation de légende, dont un excellent « How Soon Is Now ». Signalons au passage que le Monsieur n’a jamais failli vocalement tout au long de ce concert et qu’en fermant les yeux, on se dit que les années n’ont eu que peu d’emprise sur son bel organe !

Arrêts de jeu

Il faut avouer que les quelques heures qui vont suivre ce concert du Moz sont un peu floues ! Ou du moins n’ont pas grand chose à voir avec le Festival des Eurockéennes tant la fièvre football a contaminé le site ! Assister pour la première fois à un match sans le son, et au beau milieu d’une foule compacte qui scrute un téléviseur minuscule, est une expèrience des plus curieuses, et au demeurant assez jubilatoire.

On lorgne ses voisins pour lire les réactions sur les visages quand l’écran se fait trop petit ; on donne le score aux passants curieux ; on surveille que le contrepoids du banc sur lequel on est debout n’ait pas une subite envie d’aller aux toilettes. Bref, tout ça est peut-être un poil trop courru, mais ce genre d’événement rapproche, même si chacun est conscient qu’au coup de sifflet final, une fois la liesse populaire retombée, tout reviendra à la normal, et on s’ignorera les uns les autres au gré des déplacements sur le site. Qu’importe, pour le moment l’émotion est làet c’est dans cette curieuse ambiance (qui nous a fait oublier d’aller jeter un œil à la collaboration entre Camille et les Pascals) que Depeche Mode prend d’assaut la Grande Scène, pour un show en tous points conformes à celui que nous avions vu en février dernier : décor futuriste, Martin Gore en ange noir à crête synthétique ; Dave Gahan courrant dans tous les sens et zappant pas mal de refrains pour laisser le public chanter, sans pour autant nous épargner de ses cris d’encouragement si particuliers ; et enfin Fletch qui se donne du mal à faire semblant de jouer de ses claviers ! Les classiques sont au rendez-vous de « Personal Jesus » à « Stripped », avec le final chorégraphié habituel sur « Never Let Me Down Again » après que Martin nous a gratifié d’une magnifique version de « Shake The Disease » en acoustique. Mais l’image marquante de ce concert c’est surtout un formidable « Question Of Time » en guise de bande son des arrêts de jeu de France-Brésil ! Un bien drôle de moment en effet.

Onde gigantesque

C’est depuis la Loggia que nous entendrons Gahan et co. remercier le public par un « Vive la France », car nous avons déjà pris place devant la scène qui va accueillir Animal Collective. Entre les délires kitsch bobos de Katerine au Chapiteau et l’intrigant collectif américain, la question ne se posait même pas à vos humbles serviteurs. Le groupe nous confiait plus tôt, ne prendre connaissance de sa setlist, établie par le tour manager, quelques minutes seulement avant d’entrer sur scène, tout en évoquant le grand challenge du live qui consiste pour chacun à trouver en direct les transitions qui vont permettre d’enchaîner les morceaux. Un principe auquel les New Yorkais ne dérogeront pas tout au long de la soirée, construisant une ambiance très particulière, sorte de transe hypnotique, vague sonore lancinante dont s’échapperont de-ci de-là des cris primaux. La passion avec laquelle le groupe interprète ses morceaux est des plus communicatives et ne tarde pas à transformer la salle en une onde gigantesque : impossible de rester de marbre face à ce phénomène. De l’ouverture rampante et atmosphérique de « Banshee Beat » aux hurlements tribaux de « We Tigers », le groupe se nourrit de l’énergie de son public pour se lancer avec encore plus d’ardeur dans la bataille. L’occasion aussi de découvrir quelques nouveaux titresaux ambiances variées : tout le spectre musical d’Animal Collective est balayé, le groupe parvenant à repousser ses limites, tout en se référant à sa propre discographie (ici le versant pop psyché de Spirit They’re Gone, là les explosions noise de Here Comes The Indian). Une soirée conclue magistralement par « Grass », issu de Feels, qui à lui seule, illustre ce formidable et fragile équilibre entre efficacité et expérimentation, accessibilité et refus de la facilité.

A la sortie d’une telle transe, il est facile de comprendre que la prestation froide des Coldcut sur la Grande Scène, ne nous parlait pas : retour au bercail, la tête pleine de souvenirs.

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publié par le 28/10/06