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publié par arnaud le 26/10/06
Eurockéennes 2006 - 30/06/2006
Eurockéennes, 2006 — Presqu'île du Malsaucy, Belfort

Alors que la canicule du mois de juillet s’était déjà fait sentir tout le long du trajet, c’est pourtant sous quelques gouttes de pluie que les premiers spectateurs prenaient d’assaut la presqu’île du Malsaucy ce vendredi 30 juin 2006. C’est toujours la même impression à l’approche du site des Eurockéennes, avant que ne débarquent les hordes du public : une espèce de tranquilité fragile, de calme avant la tempête, comme si l’endroit vivait ses dernier moments paisibles avant d’être soumis aux assauts des festivaliers.

JUPE

Début des hostilités plutôt calme, les spectateurs semblant ne pas être pressés de rejoindre le Chapiteau. C’est donc devant un public éparse que Venus débarque sur scène au son d’un extrait du « BBFIII » de Godspeed You !Black Emperor : une entrée qui en impose presque plus que le concert lui-même tant Marc Huygens, qui a beau arborer une jupe du plus bel effet, peine à imposer son groupe. C’est toujours le problème lorsqu’on ouvre le bal aux Eurockéennes, on fait souvent face à un public cueilli à froid, à peine remis des heures de bus pour rallier Belfort, ou de l’épreuve du montage de tente au camping. Mais pour l’heure, les Belges doivent affronter un autre problème de taille. Comme chaque année, le festival a suggéré des collaborations (Camille et les Pascals spécialement venus du Japon), ou proposé à quelques artistes des créations originales en compagnie d’orchestre classiques de la région. C’est le cas pour Venus qui est accompagné pour l’occasion par l’orchestre du Conservatoire de Besançon. Malheureusement, le mélange, de prime abord plutôt alléchant, a bien du mal à prendre tant la balance entre les différents instruments semble aléatoire. Tantôt les guitares étouffent les cordes, tantôt on ne sait plus bien qui fait quoi. On essaie tant bien que mal de se laisser porter par les compos récentes du réussi Red Room, et les classiques du groupe tels Beautiful Day mais c’est tout de même un peu perplexes que nous quittons le Chapiteau pour aller explorer le reste du site.

SHORTS

Déjà une foule impressionante commence à se masser devant la grande scène, alors que le soleil est revenu. Curieux mélange de fans des Deftones, tout heureux d’assister au retour des Californiens avant la sortie de leur Saturday Night Wristprévue pour la fin octobre, et d’un auditoire hétéroclite venu en masse pour voir Anaïs donner son premier concert dans un gros festival. C’est donc le soleil de pleine face, devant un cortège de jeunes amateurs de metal en shorts et baggy, que l’on retrouve la demoiselle, affairée à ses balances. Tatillonne, Anaïs passera presque 30 minutes à régler le volume et l’égalisation de sa pédale sampler... L’air angoissé, elle est tantôt joueuse à l’adresse du public, tantôt excédée par les ingés sons du festival qui tentent de répondre à ses attentes. Une fois le coup d’envoi donné, la Grenobloise fait son show, et joue son rôle d’entertainer à la perfection. Le public est acquis d’avance, trop heureux d’écouter les succès de The Cheap Show, son premier album, un live qui lui a même valu une nomination aux Victoires de la Musique. Malheureusement, on sent la chanteuse un peu trop se reposer sur ses acquis. Anaïs s’amuse ; Anaïs fait du metal sur « La plus belle chose au monde », poussant des hurlements de damnée ; Anaïs fait la human-beatbox et se la joue hiphop ; Anais fait du blues ; Anaïs fait du folk celte, Anaïs... Anaïs... Jusqu’à saturation. Tout ça aurait besoin de se renouveller, et il serait intéressant de découvrir l’artiste débarassé d’un certain systématisme, et de ses portraits, certes efficaces et hauts en couleurs, mais un peu usés.

CHAUSSETTES

Pas le temps d’aller jeter une oreille sur le « fils de » numéro 1, Seun Kuti (suivra plus tard Damian Marley, fils de qui vous savez...), ni d’aller voir de plus près qui se cache derrière les déflagrations stoner de Jack The Bearded Fisherman, dont la Loggia inonde les stands alentours : il faut déjà ménager son espace vital à proximité de la Grande Scène pour accueillir le gang de Chino Moreno. Des Deftones en France, on garde un souvenir plus que mitigé. D’abord avec l’album éponyme, et dernier effort discographique de la formation de Sacramento, long format au goût d’inachevé, bien loin des sommets de White Pony ou d’Around The Fur. Ensuite, ces prestations scéniques du groupe qui ramènent en mémoire la silhouette empâtée de son leader, ses approximations vocales, une bouillie sonore en guise d’accompagnement, et l’impression d’assister à un naufrage en direct. C’est donc avec une appréhension légitime que nous abordions cette prestation. Une crainte que ne viendront pas dissiper les premières notes de « Feiticeira ». Moreno, chaussettes remontées jusqu’aux genoux et short baggy laissant apparaître la plus grande partie de son caleçon, couine plus qu’il ne hurle et fait parfois peine à regarder : comme si chaque note le faisait terriblement souffrir. Il a beau sauter dans tous les coins, monter sur l’espèce de tremplin metalique qui surplombe ses retours, scruter la foule et haranguer les fans, rien n’y fait. Le groupe semble épuisé, les mines sont bouffies et vieillies (Chi Cheng à la basse, a bien pris 10 ans !), et quand Moreno attaque le refrain de « Passenger » (dont la version studio est un duo avec Maynard James Keenan), il faut faire preuve d’une grande maitrise de soi pour ne pas partir en courant, tant la partie vocale du chanteur de Tool est ici massacrée. Et pourtant, on restera jusqu’au bout malgré le son toujours aussi mauvais que par le passé, occupant les quelques coups de mou des Californiens en observant, perplexes, les allées et venues des slammeurs et leurs échanges musclés avec la sécurité. Néanmoins, il serait injuste de passer sous silence la très efficace interprétation de « Change (In The House Of Flies) », ou la bonne impression laissée par les nouvelles compositions du groupe, avec un Chino plus impliqué musicalement (sur plusieurs passages il joue de sa Fender Jaguar pour densifier le son des parties guitares de Stephen Carpenter), et des structures originales. Gageons que sur album, nous serons plus à-mêmes de juger où en sont vraiment les Deftones !

MARCEL

Mais déjà la foule s’est déplacée vers le Chapiteau, pour y suivre le pérégrinations scéniques du plus gros buzz venu d’outre-Manche depuis Franz Ferdinand, à savoir les Arctic Monkeys. Pas la peine que le groupe monte sur scène pour savoir que depuis la fosse, le concert est déjà une tuerie, dans tous les sens du terme : des vagues humaines ont déjà pris forme et on sent que le jeune public des Anglais n’attendra pas plus d’une mesure pour lancer les hostilités et transformer l’endroit en pogo géant. C’est bien le problème avec nos singes : il se passe souvent plus de choses dans la fosse que sur scène ! Ce retour d’un rock prolo briton - et joué en marcel ! - certes bien ficelé, doit avant tout son succès à une surmédiatisation, comme un alibi de certains labels pour démontrer qu’Internet ne fait pas que tuer la musique. En effet, c’est avant tout en mettant leurs titres en téléchargement gratos sur la toile que la groupe s’est fait un nom et surtout un public fidèle. Rien à redire sur le reste : le son est correct, les morceaux efficaces et n’ont aucune autre prétention que de faire bouger le public. Mission accomplie.

CRAVATE

C’est un peu la course sur le site du Malsaucy, on laisse bien vite les Two Gallants, et leur blues-rock mal dégrossi, pour butiner la new-wave post-punk des Poni Hoax à la Loggia, et ensuite observer « LE » phénomène metal français, Gojira, mettre à genoux un public acquis d’avance sur la scène de la Plage. Au carrefour de nos longues marches, on jette un œil distrait sur les Dionysosqui oeuvrent sur la Grande Scène, en compagnie de la Synfonietta, pour un show grandiloquent, dont les quelques instants glânés laissent penser que le mélange prend mieux que lors de la prestation de Venus un peu plus tôt dans l’après-midi (et ce en dépit d’un vilain problème technique privant le public de son en façade pendant deux interminables minutes où les artistes continuent de jouer...). Matthias fait son show, chemise rouge et cravate noire rayée de rigueur, ne faillissant pas à sa réputation de pile montée sur ressorts ! Et l’on reprend notre chemin, l’occasion aussi de croiser tous les types de public, car c’est aussi cela les Eurockéennes : un mélange de sons et de couleurs qui va à cent à l’heure !

COMBINAISONS

Et en terme de vitesse, les Japonais de Polysicssemblent imbattables ! Véritable surprise de ce premier jour, le groupe sorti tout droit d’un manga, bondit dans tous les coins de la Loggia ! En combinaisons oranges et lunettes noires futuristes, Hayashi et sa troupe distillent un rock barré dans la plus pure tradition de leurs idoles Devo. A la gauche, du chanteur, Kayo, derrière ses synthés, fait parfois office de pom-pom girl, répondant aux chorégraphies robotiques de la bassiste, Fumi. De Yano, batteur métronymique, on ne devinera que l’ombre en retrait, tant les trois autres occupent l’espace scénique de manière exagérée. Cris de kamikazes et punk rock furibard : l’énergie des Polysics fait plaisir à voir et c’est avec la banane que nous les quittons après 40 minutes surdynamitées !

PERFECTO

Rien à voir avec le show que nous découvrons ensuite sur la Grande Scène où pendant une petite heure, les New Yorkais des Strokesvont réciter leurs morceaux sans aucune passion. Julian Casablancas en perfecto, fait le poseur mais faillit à convaincre vocalement, quant à Albert Hammond Jr., on le sentait plus à l’aise à l’espace VIP au bras de la sculpturale Catherine Pierce (de The Pierces) qu’armé de sa Stratocaster blanche. Les tubes défilent sans conviction, mais le public ne semble même pas s’en soucier : ses boys sont là, c’est le principal. Même si nous n’attendions rien de ce concert, la déception est tout de même palpable, tant sur disque The Strokesse révèle souvent comme une mine de mélodies avec toujours ce qu’il faut d’agressivité pour enrober ses pépites poprock. Pas grand chose à voir avec le show présenté à Belfort ce soir là, malheureusement.

COLLANTS

C’est sous le Chapiteau qu’il faudra se réfugier pour en prendre plein les mirettes, et plein les oreilles par la même occasion ! Si The Gossip n’avait guère convaincu sur le récent Standing In The Way Of Control, le groupe de Beth Ditto est autrement plus efficace sur scène ! Il y a d’abord ce personnage, petit bout de femme qui revendique ses kilos en trop et ses orientations sexuelles, jouant l’exhib et la provoc dès que possible (elle passera une partie du show à se moquer des Daft Punk, l’autre à relever ses collants et réajuster sa robe « faite maison »). Et puis cette voix, l’énergie etla chaleur qu’elle dégage, touche de soul pour rock rugueux, s’allient à merveille aux lignes de guitares crades de Brace Paine (une peu dans le même esprit que ce que construit Hotel chez The Kills), et à la frappe agressive d’Hannah Blilie. Beth met le feu au Chapiteau, criant bien fort son « glad to be fat », sans pour autant s’économiser physiquement : elle finira le concert en arpentant le crash à saluer les premiers rangs !

CASQUES

C’est un peu sur les rotules que l’on décidera de faire l’impasse sur le show des Daft Punk. Au delà de l’événement médiatique célébrant le grand retour du duo parisien, et des décors pharaoniques (dans tous les sens du terme, puisque outre la débauche de lumières, nos deux robots casqués siègent devant une gigantesque pyramide !) venus orner la Grande Scène, cette date sentait un peu le factice... D’où les réactions mitigées parmi les pros autant qu’au sein du public. Sans même essayer de savoir si les deux compères jouaient vraiment ou ne faisaient que passer des disques, on pourra dire que musicalement, les Daft Punkauront divisé : d’un côté, une foule enthousiaste groovant au son des tubes ultra mélodiques du groupe, de l’autre les quelques sceptiques lui reprochant justement ce côté grandiloquent et trop accessible. Après les Chemical, ou Moby, les Eurockeennes perpétue la tradition de l’electro festive de masse. A quoi bon le leur reprocher ? C’est sans regret que nous évitons de rentrer dans ce débat et regagnons notre navette, tout content d’éviter la bousculade de fin de soirée et la file d’attente interminable.

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publié par le 26/10/06