bal
C’est aux norvégiens de Kaizers Orchestra que revient l’honneur d’ouvrir le bal sur la grande scène devant un public encore clairsemé. Le groupe revendique une filiation aux Bad Seeds ou à Tom Waits, un rock & roll noir et habité dont certains passages lorgnent vers l’indus ou le folklore d’Europe de l’Est. Mais même si sur scène les musiciens se donnent au maximum (on remarque surtout l’organiste portant un masque à gaz), les morceaux peinent à faire impression et sont assez éloignés de la noirceur annoncée. On pensera plutôt au No Smoking Band de Kusturica ou aux mélodies de Kurt Weil. L’ensemble sonne plutôt festif et la prestation sera vite oubliée.
cocorosie
Nous filons rapidement vers la Loggia où nous attendent Bianca et Sierra Casady alias CocoRosie, l’une des sensations scéniques de l’année 2004. Déjà sous le charme des morceaux de Noah’s Ark (sortie prévue pour le 12/09), et impatients de les coincer entre quatre yeux (enfin six... ou plus selon la présence où non de Spleen et Ardzen, leurs collaborateurs français) en interview pour en apprendre un peu plus sur ce nouvel album, ce concert était pour nous l’un des moments les plus attendus du festival. Quelle déconvenue ! Au moment où les sœurs Casady et leurs deux compères montent sur scène pour entamer “K-Hole”, morceau d’introduction du prochain disque, on comprend que le son ne sera jamais à la hauteur. CocoRosie ne parvient pas à imposer son univers si particulier (pourtant agrémenté ce soir-là de projections de Bisounours et des beats impressionnants dispensés par la bouche de Spleen) et à l’image des quelques mètres qui séparent la scène des barrières, on les sent distantes, isolées, mal à l’aise et au final perdues sur une scène bien trop grande pour leur coffre à jouets et les quelques instruments de bric et de broc qu’elles charrient avec elles. La plupart du temps les chansons semblent vides, comme si tout était téléphoné, prévisible (à l’image du rap aux rimes pauvres d’Ardzen sur Bisounours), et le moindre écart de la régie enfonce encore plus le clou et décuple la gêne sur scène. Lors de quelques rares moments, le larsen laissera passer des rayons d’espoir (sur “Terrible Angel” par exemple) mais malheureusement quand Sierra et Bianca commencent à tutoyer la grâce (sur le magnifique “Tekno Love Song”), les Queens Of The Stone Age ont déjà pris d’assaut la grande scène et noient les New-Yorkaises dans un flot de décibels qui auront raison de leur set. Rendez-vous manqué donc. Un peu piquées au vif les deux frangines annulent toutes les interviews et écourtent leur conférence de presse... Tant pis pour nous.
queens of the stone age
à l’espace presse un peu plus tôt, Josh Homme, entouré de sa bande, confiait qu’il se sentait assez proche de la musique blues, et qu’il en donnait une version white trash électrifiée, à mille lieues de la version « claptonisée » qui pullule sur les ondes des radios américaines (sic). En effet, sur scène, rien à voir avec l’insipide guitar-hero des 70’s. Et même si le charismatique Mark Lanegan n’est pas de la partie, les Queens Of The Stone Age nouvelle mouture convainquent en donnant dans l’efficace, distillant leur stoner rock avec un effort particulier misé sur le chant. Le public est aux anges et la fosse ressemble par moments à une mer agitée. Le groupe enquille les chansons en faisant la part belle aux tubes comme les récents “In My Head” ou “Tangled Up In Plaid” ou les classiques “Once He Giveth” et “No One Knows” (dans une version rallongée pendant laquelle Homme descend saluer les premiers rangs). Seul bémol : le son sur la grande scène prend parfois les allures de bouillie infâme à cause du vent tournant (et ce avec ou sans bouchons...). Nous avons ensuite rendez-vous avec les Anglaises d’Electrelane afin de connaître leurs impressions avant de monter sur scène plus tard dans la nuit... Mais après l’annulation de CocoRosie, nous avons un peu l’impression d’être maudits : voilà que les organisateurs sont incapables de remettre la main sur le groupe !
nine inch nails
Tant pis puisque du coup nous pourrons assister à la prestation de Nine Inch Nails dans son intégralité. Et il aurait été vraiment rageant d’en manquer une miette tant ce show mettra tout le public d’accord. Après avoir offert un set titanesque 10 jours auparavant dans un Zénith transformé en sauna, Reznor et son gang remettent le couvert de la plus belle des façons, faisant oublier la tiédeur de leur [With_Teeth] paru en mai dernier. Prenant tous les spectateurs à revers en balançant un curieux “Beside You In Time” instrumental en guise d’introduction (vraisemblablement l’un des morceaux les plus originaux du dernier album), les rangs se resserrent en slalomant entre les quelques gouttes de pluie qui se sont invitées momentanément à la fête. C’est sous un ciel de plomb que retentissent les accords de “The Frail”, la tension est palpable et quand la batterie reptilienne de Jerome Dillon fait son entrée, on sent que la moindre étincelle pourrait mettre le feu aux poudres, sur scène comme dans le ciel. Les classiques “Wish” et “March Of The Pigs” frappent fort d’entrée de jeu : Reznor est déchaîné, grimpant sur le dos de son guitariste Aaron North, crachant de l’eau à la face de l’impassible Jeordie « Twiggy Ramirez » White, envoyant valser les pieds de micros dont un ira exploser un projecteur devant lui. Après l’insupportable chaleur parisienne, l’humidité et la fraîcheur belfortaine donnent une autre dimension aux chansons. “Something I Can Never Have”, morceau avorté au Zénith, fait frissonner les corps baignés dans une lumière rose pâle, “With Teeth” ou “The Big Comedown” font une apparition remarquée, et même si les rappels sont plus ou moins similaires et qu’on a encore droit ce soir à une Telecaster explosée, la performance demeure de haute voltige. Reznor prouve qu’il est une bête de scène, un animal en cage qui n’attend que d’être lâché au milieu du cirque pour mordre toutes dents dehors tout ce qui passe à sa portée. Impressionnant.
interpol
Dur dur d’enchainer avec les New-Yorkais d’Interpol, dont le dernier album, Antics, a du mal à souffrir la comparaison avec leur fougueux Turn On The Bright Lights paru il y a trois ans. Englués dans la promo à tout va et bien peu inspirés sur scène depuis quelques mois on s’attend au pire ce soir. Raison de plus pour s’inquiéter, Carlos D., unique attraction scénique du groupe, est grippé et complètement assommé par la fièvre (il devra même s’asseoir plusieurs fois entre les chansons). Le reste de la formation tient à peu près la route, Paul Banks parvient à assurer ses parties guitares et son chant, mais sans dégager le moindre enthousiasme. On est ici en présence d’un groupe au bout du rouleau, qui aurait besoin d’un peu de repos... à cent lieues de la horde sauvage qui vient de mettre le feu à la Grande Scène... C’est un peu triste que nous quittons le Chapiteau avec le sentiment de voir encore un groupe talentueux s’éteindre devant nous...
the faint
Direction la Plage, pire scène du Festival question son, où les Américains de The Faint sont en train d’exploser les tympans du public à grands coups d’infrabasses. Leur electro-punk groovy montre ses limites une fois qu’on a compris les gimmicks des morceaux et les mimiques-tics du chanteur... Nous attendons bien gentiment que le groupe laisse la place à Conor Oberst.
bright eyes
Enfin laisser la place est un grand mot puisque le jeune songwriter du Nebraska est accompagné par les musiciens de The Faint et Gretta Cohn, violoncelliste au sein de Cursive. Bright Eyes propose un set puissant... bien trop puissant ! Le son est dramatique et monopolise toute notre attention... Dommage. Parfois quelques très bonnes mélodies ressortent du magma mais pas assez souvent pour convaincre, et même si Oberst en fait des tonnes, jamais il ne parviendra à reprendre réellement le contrôle de son concert...
electrelane
La Plage se vide et on commence à fatiguer : c’est décidé nous attendrons les Electrelane sur place ! Enfin si elles daignent réapparaître ! C’est la charmante Ros qui la première vient installer son ampli de guitare sur la droite de la scène, rapidement rejointe par ses acolytes, quatre silhouettes fragiles dans la nuit fraîche. Le ciel est maintenant bien dégagé, alors que les filles font leur balance, dans une ambiance toujours aussi confuse que pour les précédents concerts... Il est près de 3 heures du matin lorsque commence leur prestation devant une petite centaine de courageux, qui s’agglutinent les uns aux autres pour braver les courants d’air en provenance du plan d’eau tout proche. Faisant honneur à leur récent Axes, les quatre Anglaises se lancent dans une suite de morceaux hypnotiques à très fort volume, mais qui curieusement se révèlent bien plus supportables et enthousiasmants que ceux de leurs prédécesseurs. Les notes du Farfissa enveloppent, les lignes de basses soutiennent quand la grosse caisse et la guitare poussent et soulèvent : Electrelane prend possession des corps de chacun des rescapés de cette première journée et ce sont des applaudissements nourris qui viendront remercier le groupe pour ce moment unique, sensoriel et terriblement sensuel.
Nous quittons le site dans une balle de coton, les jambes lourdes mais déjà impatients de voir ce que demain nous réserve.
(suite la semaine prochaine - n’oubliez pas de jeter un oeil aux photos du Cargo)