« During the battle, Rebel spies managed to steal secret plans to the Empire’s ultimate weapon, the Death Star. »
(...ou en bon français « Au cours de la bataille, des espions rebelles ont réussi à dérober les plans secrets de l’arme absolue de l’Empire : l’Etoile de la Mort ». )
Tout Rogue One tient initialement dans ces quelques mots, tirés du générique de début de l’épisode IV de Star Wars. Ce premier film "dérivé" de la saga proposé par Disney (les nouveaux propriétaires de Lucasfilms) se situe chronologiquement juste avant Un Nouvel Espoir et il se propose d’expliquer un élément jusque là peu crédible de la saga : l’existence d’une faille de sécurité énorme dans la conception de l’étoile noire. Comment une arme aussi sophistiquée, lourdement protégée, peut être détruite par une "réaction en chaîne" bien pratique, déclenchée par une seule bombe larguée par un petit chasseur.
Mais au delà de l’objectif louable de restaurer l’honneur des ingénieurs impériaux, fallait-il à partir de l’équivalent d’une note de bas de page, d’un fait héroïque vite mentionné parmi tout ceux de la "grande" histoire, faire un film de presque deux heures ? Voyons voir !
Debout tout seul
On était prévenu à l’avance : Rogue One fait partie de l’univers de Star Wars, mais il ne s’inscrit pas dans la trame principale, c’est un "standalone", il raconte une histoire "indépendante" avec ses propres personnages, même si on y croisera quelques têtes connues. Au centre de l’intrigue, les fameux plans de l’étoile noire et la faille que son concepteur Galen Orso a volontairement ménagée à l’intérieur, tout en faisant croire qu’il était acquis à la cause de l’Empire. Et comme dans Star Wars il est toujours question de famille, l’héroïne c’est sa fille Jyn, qu’il a du abandonner et cacher pour éviter qu’elle soit utilisée contre moyen de pression sur lui.
Quinze ans plus tard Jyn est une franc-tireuse toujours recherchée par l’empire qui croit que son père est vraiment un impérial et l’étoile noire est presque opérationnelle.
Nouaaar c’est plus ou moins Nouaaar
Vous vous doutez que Jyn va découvrir que son père est en fait un gentil et qu’elle va s’assurer que tous les efforts de celui-ci pour aider à détruire l’étoile noire aient un sens, en volant donc les plans lors d’une mission héroïque... et quasi-suicidaire. Sur la route, elle croise le chemin de la Rebellion, dont on apprécie que plutôt qu’une représentation manichéenne du bien et la justice, elle soit montrée plus comme... l’ONU.
Tout le monde est d’accord sur les idéaux mais on est loin de l’unanimité sur la course à tenir, il faut composer avec la peur, les intérêts personnels, les différences culturelles. De la même manière, Rogue One est le premier film où un rebelle émet des doutes, se questionne sur la légitimité des méthodes qu’ils utilisent, sabotages, meurtres, espionnages. De la même manière, les impériaux ne sont plus une masse anonyme maléfique. C’est timidement amorcé mais c’est déjà un énorme pas en avant, même si on est loin des atrocités de la guerre façon Game Of Thrones.
Entrée-plat ou plat-dessert ?
Il y a finalement beaucoup de choses réussies dans Rogue One, que ce soit dans la réalisation, l’univers créé, certains personnages comme le Droïde de guerre au sale caractère ou le moine-guerrier aveugle et globalement les 40 dernières minutes, une bataille spectaculaire qui vous tient en permanence sur les charbons ardents. Mais il y a aussi deux gros problèmes.
Le premier est que pour arriver à ce qui est très bien décrit en deux phrases à l’origine, les scénaristes nous ont encore pondu un scénario compliqué qui nous balade sur trois ou quatres planètes différentes avec des péripéties inutiles et des personnages parfois râtés (Saw Gerrera). C’est l’occasion de s’émerveiller de la diversité des écosystèmes de la galaxie, d’en prendre plein les yeux devant le travail superbe des designers et des artistes qui réussissent à glisser toutes sortes de petits détails qui donnent l’impression que ces endroits ont une histoire et existent vraiment.
Malheureusement ça ne laisse pas le temps aux personnages d’être autre chose que des esquisses. Parfois ça suffit, pour les personnages secondaires, par contre ça ne fonctionne pas vraiment pour Jyn et sa contrepartie masculine le rebelle Cassian Andor. (dont j’ai du googler le prénom pour vous dire à quel point il est mémorable). Ils manquent de substance et c’est à la fois la faute des acteurs, des scénaristes et du réalisateur : quand on y pense, dans l’épisode VII, le personnage de Rey pourrait se résumer aussi à peu de traits mais il prend réellement vie, s’impose dans l’histoire tandis que Jyn semble glisser au travers des évènements sur les rails invisibles du scénario. Ne parlons pas de le début de relation vaguement suggérée entre Cassion et Jyn, ça ne fonctionne pas du tout et le film le paye à la fin.
"Osons"
L’autre problème c’est que les concepteurs ont passé beaucoup de temps à faire en sorte que Rogue One soit un film Star Wars, et en tant que tel il s’apprécie plutôt bien, mais sorti de ce cadre, on ne peut pas dire que ce soit un grand film tout court. C’est d’autant plus dommage qu’avec le statut de "standalone", ils devaient normalement moins sentir le poids de toute la franchise, bénificier d’un peu plus de liberté même par rapport aux attentes des fans.
Il fallait en profiter pour oser des choses plus radicales, pour casser le format et ne pas faire pour la huitième fois plus ou moins le même film. Puisque que le principal intérêt du Rogue One est la bataille finale, pourquoi ne pas avoir construit le scénario uniquement autour de ça, pouquoi ne pas se montrer aussi radical dans le parti-pris qu’un Mad Max 4 avec un décor, une action et le silence plutôt que les dialogues bateau. Rogue One n’est rien de tout ça malheureusement et on a certainement échappé à pire car la fin fonctionnant mal, le studio l’a apparemment beaucoup retravaillée et a rajouté la séquence finale qui apporte beaucoup à l’ensemble et évite de conclure le film sur un moment râté.
Ne pas bouder son plaisir
Au moment de faire l’addition, c’est un peu compliqué pour Rogue One... Prises séparément il y a plein de bonne choses dans ce film, les quarantes dernières minutes sont peut être la meilleure scène d’action de Star Wars depuis la bataille de Hoth ? (dans le retour de Jedi, trop de papotes avec l’empereur). On en ressort donc franchement content si on aime Star Wars, mais avec quand même des regrets, l’impression que ça aurait pu être tellement mieux si l’équipe du film avait osé un peu plus et si les acteurs pourtant sympathiques avaient réussi à mieux donner corps à leurs personnages.