Air : Ma première question, qui n’en est pas une et qui est toujours la même : votre cd est classé chez moi entre Chick on Speed et Chokebore.

Tyler : Je connais le premier mais pas le deuxième, vous dites comment, Chokebore ?

Air : Chokebore, un groupe de Hawaii.

Tyler : De Hawaii ? Je n’en ai jamais entendu parler. J’aimerais l’écouter, j’aimerais bien entendre de la musique de Hawaii.

Air : C’est du classic rock, il n’y a pas de vahinés...

Tyler : (rires) Ah, Chick on Speed fait de la musique intéressante en revanche, j’aime bien.

Air : La première chanson que j’ai entendu de vous, “ Me and Giuliani ” m’a beaucoup étonné, j’ai eu l’impression d’entendre du U2 de la période de « The Joshua Tree », est-ce une influence ?

Tyler : Ce n’est pas à proprement parler une influence directe, mais disons que l’influence vient plutôt de The Edge. On essaie tous les deux de faire la même chose. J’aime donner à ma guitare un effet à retardement important. Nous avons beaucoup de sons, tels que la batterie, beaucoup de guitare, beaucoup de la basse. Mais je ne pensais pas faire comme The Edge, mais je l’aime vraiment, c’est un des meilleurs guitaristes qui soient. Il se trouve qu’on a beaucoup évoqué le groupe sur notre tournée. Nous aimons tous U2, ils sont tellement populaires ; nous sommes de grands fans. Nous aimons beaucoup « The Joshua Tree », ma première référence de U2 à vrai dire. Mais j’aime aussi leur dernier album.

Air : J’ai lu une interview que vous avez donné pour Nameless, vous disiez que vous refusiez les règles en matière d’art. Néanmoins il y a du business, de l’argent en jeu, les majors... Comment réussissez vous à travailler sans règles préétablies, sachant aussi que vos titres sont trop longs pour être diffusés sur les radios ?

Tyler : Oui, c’est difficile. Mais les gros labels ne nous mettent pas tant la pression, parfois oui ils nous disent : “Pourquoi ne faites-vous pas comme ça ou comme ci...”, ils essaient de faire passer leurs suggestions. Mais en ce qui nous concerne, il a seulement été question du nom de notre groupe : Pourquoi ne pas l’écrire CHKCHKCHK ? Et lorsque notre disque est sorti, notre label pensait que nous allions avoir un impact plus important, mais notre titre n’était pas commercial et n’a pas été diffusé sur les ondes. Mais nous n’accepterons pas de compromis, nous ne voulons pas ressembler à un groupe commercial. Nous préférons ne pas suivre de règles et faire de la musique qui nous rend heureux ; et de ce côté-là nous ne ferons jamais de compromis, jamais.

Air : Etes-vous un groupe démocratique. Chacun d’entre vous a-t-il droit à la parole, et chaque voix a-t-elle le même poids ?

Tyler : Nous somme absolument démocratique. Je sais ce n’est pas très commun, d’ailleurs écrire une chanson peut prendre beaucoup de temps, cela peut s’avérer difficile car nous devons accepter les compromis. Certains membres du groupe ont plus d’influence bien sûr ; mais dans la mesure du possible nous écrivons les chansons de manière démocratique. Tout comme Can, nous improvisons, nous jouons tous ensemble et souvent nos titres viennent de là.

Air : A propos de Can, Damo Suzuki, l’ancien chanteur, vient d’initier un nouveau concept : il n’a pas de groupe, il rencontre des musiciens, et ensemble ils font un set, sans même se connaître.

Tyler : On dirait que ça peut donner quelque chose de très bien comme de très mauvais...

Air : Vous étiez aux Transmusicales de Rennes où le public était venu pour un groupe de Hip-hop qui passait juste après vous. Il se trouve que tous ces fans de hip-hop ont vraiment apprécié votre musique, était-ce une surprise pour vous ?

Tyler : Nous aimons l’énergie qu’il peut y avoir entre nous et la foule, plus le public donne, plus nous donnons en retour, la musique nous rassemble et les gens ressentent cela lorsque nous jouons. Nous tenons vraiment notre énergie du public, le meilleur des concerts possibles c’est lorsque les gens sautent, dansent...

Air : Vous disiez donc que sur scène aussi vous n’avez pas vraiment de règle de conduite ?

Tyler : Oui, d’ailleurs cela impressionne beaucoup les gens qui viennent nous voir sur scène, car nous ne restons pas à un endroit donné, je peux très bien lâcher ma guitare, me mettre à danser si j’en ai envie. Nous n’avons pas envie d’avoir de règles pour un concert de rock. Sur certaines chansons une fois j’ai commencé à jouer du bongo alors que je n’en avais jamais fait avant cela. On fait un peu ce qu’on veut.

Air : Tout peut donc arriver ?

Tyler : Exactement, comme pour du punk ! C’est ce qui est si drôle lorsque l’on regarde du Punk, on ne sait jamais ce qui peut se passer, c’est ce que nous avons conservé du punk, puisque nous venons de là .

Air : Vous exprimez aussi des idées politiques dans vos chansons, comment réussissez vous a mêler à la fois énergie, fun, messages politiques...

Tyler : C’est en fait un condensé de tout ce qui retient notre attention. Nous exprimons ce qui se passe dans notre monde par notre art... la façon dont nous voyons les choses, ce qui nous stimule, vous savez, tout ce qui nous entoure quoi. Mais ce n’est pas moi qui écris les paroles, donc je ne peux pas dire exactement, c’est plutôt le domaine de Nick. Mais en gros notre art représente ce qui nous affecte directement ; et il y a des sujets qui nous concernent directement, plus particulièrement parce que nous venons des Etats-Unis.

Air : Que pensez-vous de la tournée entreprise contre Bush par REM et Bruce Springsteen, tournée de 15 concerts juste avant les élections ?

Tyler : C’est bien. Je ne savais pas que Bruce Springsteen y participait aussi.

Air : C’est une des premières fois où il s’engage politiquement.

Tyler : Tout le monde a commencé à se sentir concerné et à mettre des choses en place, et c’est une très bonne chose de savoir que Bruce Springsteen s’est engagé lui aussi. Mais cela va être difficile et nous devons tous faire le maximum.

Air : Pensez-vous que les paroles puissent avoir un impact ?

Tyler : Je pense que le plus de gens possible doivent s’exprimer et dire que c’est possible. C’est une bonne chose. Cependant je ne sais pas l’impact immédiat que cela peut avoir.

Air : Il y a une sort de hype autour de votre groupe, est-ce important sachant que chaque semaine un nouveau groupe est encensé ?

Tyler : Ce n’est pas important. Les gens vous attendent plus par contre, c’est donc plus difficile. Mais d’un autre côté cela nous permet aussi de faire des concerts dans de plus grandes salles. Cela peut aussi produire une certaine anxiété et empêcher la création, mais il faut passer outre, faire de bonnes chansons et de bons concerts.

Air : Néanmoins cette pression ne vient-elle pas freiner votre liberté ?

Tyler : Oui, c’est exactement cela. C’est beaucoup de pression.

Air : Comment voyez-vous l’avenir de !!!?

Tyler : Nous espérons travailler très prochainement à l’enregistrement d’un nouveau disque. Mais aussi, et comme notre disque est très différent de ce que nous produisons sur scène... je crois que nous allons essayer de sortir un live. Et ensuite nous commencerons à jouer pour notre nouvel album, cette perspective est très excitante pour nous tous ; je crois que nous avons un très bon disque en nous.

Mag : La personne de la maison de disque nous a dit que Nick et John répondaient habituellement aux interviews mais il nous a surtout avoué que tu avais horreur de ça...

Tyler : C’est ma première interview ! Mais je trouve ça cool.

(Voix-off : « On a une exclue alors ! »)

Mag : Mais ne penses-tu justement pas que cela te permette aussi de donner ton opinion ?

Tyler : Je suis plutôt quelqu’un de très calme. Cela ne me déplait pas de répondre aux questions mais la plupart du temps c’est toujours un peu la même chose. Et puis comme il y a les chanteurs... Mais on en parle tous ensemble de toutes façons, je sais ce qu’ils disent et nous sommes d’accord.

Air : Je suis moi-même un fan de U2, j’ai eu l’occasion de les interviewer mais pas avec Bono et mon papier s’appelait “Pas de Bono dans cet interview”, pour la première fois le reste du groupe a pu s’exprimer.

Tyler : Ah oui... en ce qui nous concerne Nick, il est très doué pour ça, c’est le meilleur pour les interviews. En plus c’est très bien pour la presse parce qu’ils peuvent faire des citations, Nick est vraiment doué pour ce genre de trucs. Pour ce qui est du reste du groupe, nous avons aussi nos opinions bien sûr, on le fait de temps en temps, mais Nick est vraiment meilleur, et en plus il aime ça, alors...

Propos recueillis par Air.