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publié par arnaud le 01/04/06
Animal Collective
- Feels
Feels

Tourette

L’an dernier, Animal Collective franchissait un pas décisif en choisissant de structurer le chaos développé sur Here Comes The Indian, en lui donnant une forme folk acoustique prône aux dérapages psychédéliques. A peine remis de leur tournée que débarque le successeur de Sung Tongs, intitulé Feels, album qui emprunte les mêmes sentiers, mais privilégiant cette fois, la guitare électrique, tout en ménageant une place plus importante pour les collages électroniques en guise de fonds sonores, à la manière de ce que faisait le duo Panda Bear/ Avey Tare sur le séminal Spirit They’ve Gone, Spirit They’ve Vanished (ici sur l’apaisé Daffy Duck ou en filigrane sur la fin de Purple Bottle). Le disque commence sur des rires d’enfants, papillonant de droite à gauche, comme pour rappeller qu’Animal Collective bouillonne de vie, toujours prêt à exploser, battre son tambour frénétiquement, éructer un cri furieux, comme s’il souffrait du syndrome de Gilles de la Tourette ! Did You See The Words utilise ces rythmiques hypnotiques et minimales, ces voix qui prennent le pas sur les instruments, équilibrant de la plus parfaite manière mélodies et expérimentations vocales, donnant parfois l’impression que les Beach Boys de Heroes Villains sont de retour après un séjour en camp de vacances psychiatrique...

Prose hallucinée

Si en 2004, Who Could Win A Rabbit ?, figurait comme un tube en puissance, que dire aujourd’hui de Grass qui pousse les choses bien plus loin, offrant des cascades de guitares en écho appuyées par cette éternelle rythmique, rabougrie mais enveloppée de reverbs, pour laisser les voix s’épancher dans une prose hallucinée, que nos Indiens imaginaires transforment en danse du scalp. Dans un style tout aussi jouissif, c’est sûrement Purple Bottle, chanson d’amour effervescente et euphorisante, qui impressionne le plus de par ces attributs mélodiques et sa construction gigogne d’une richesse incroyable. On tient là pour sûr, l’un des meilleurs morceaux du groupe, qui prouve sur Feels, qu’il est à prendre au sérieux sur le terrain du songwriting, avec une écriture surréaliste ( "I wear a coat of feelings and they are loud") du plus bel effet, s’autorisant même quelques clins d’oeils (ici un pont qui fait écho au I Just Called To Say... de Stevie Wonder).

Cuisine exotique

Pourtant quand on s’attache à décomposer la musique du groupe, rien ne laisserait présager qu’avec de tels ingrédients l’ on puisse parvenir à servir une cuisine aussi riche et exotique. On ne peut qu’être estomaqué devant tant de simplicité, et surtout devant cette manière de sonner, ce mélange touffu et complexe. Animal Collective tire parti de la superposition des couches de sons (le crescendo au milieu de Daffy Duck, ou bien la seconde partie de Turn Into Something avec ses voix reverbérées qui visent presque le mur de son) , et, suivant ce modèle, parvient même à écrire des pop songs imparables en s’appuyant sur une batterie de fortune (on notera l’utilisation sporadique mais si pertinente des cymbales) ou en faisant bien souvent l’impasse sur la basse...

Primal

Même si ce sont les titres les plus enlevés qui marquent de suite les esprits, on ne manquera pas de souligner la qualité des ambiances de pistes d’apparences plus discrètes. Ainsi Loch Raven, pièce délicate aux chants énigmatiques, s’appuie sur un clavier qu’essaie de bousculer un tom nerveux, le tout largement noyé dans une vague électronique tournoyante qui rappelle l’ouverture de Spirit They’ve Vanished (dans des fréquences plus supportables ceci dit !). Ou encore Banshee Beat qui impose son beat envoûtant de manière insidieuse, exploitant à fond le delay sur la guitare et les inflexions primales des vocalises. Sur le bouquet final que constitue Turn Into Something, titre foisonnant de pistes de voix, l’album s’éteint dans une transe abstraite.

Butiner

Turn into something... turn into... Tout est histoire de transformation chez nos animaux... Feels célèbre un groupe au sommet de son art, parvenu à se sublimer, à pousser sa démarche, déjà singulière, encore plus loin. Animal Collective est quelque part à cheval entre l’expérimentation d’un Black Dice, mais moins tapageur et plus volontiers rêveur, et une tradition pop noble, celle des Beatles et des Beach Boys, irresistiblement accessible : c’est tout ce qui fait son charme. Quelquefois bavards, quelquefois silencieux, Animal Collective continue de butiner le vaste bouquet de la pop-music, pour notre plus grand bonheur. Alleluia !!!

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publié par le 01/04/06