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publié par Emmanuelle Nemoz le 18/09/19
Cosmojazz Festival 2019

Cette année marquait la dixième édition du Cosmojazz Festival, créé par le pianiste André Manoukian pour faire dialoguer la musique avec la montagne à travers des concerts gratuits en altitude dans différents sites des vallées de Chamonix et de Trient (dans le Valais Suisse voisin), et un matelot photographe du Cargo ! était présent (tout en sachant qu’il est déconseillé d’essayer de naviguer sur la Mer de Glace).

En guise de scène, de l’herbe ou des cailloux, voire de la neige, et pour toile de fond les sommets alpins : une expérience unique pour les artistes comme pour le public, qui se prête au jeu de la petite randonnée pour accéder aux sites et s’installe entre rhododendrons et plants de myrtilles pour écouter du jazz au sens le plus large, tant par les styles que par la géographie.

Des exemples ? Le flûtiste Joce Mienniel et son projet Babel, qui suit en musique les routes de la soie depuis l’Inde jusqu’à l’Europe, avec des musiciens pakistanais, syrien et macédonien, installés à deux pas de la Mer de Glace, ou encore le pianiste américain Joachim Horsley, qui revisite Mozart, Schubert et Beethoven sur le mode cubain avec deux percussionnistes sur fond de massif du Mont-Blanc, ou encore le trompettiste Erik Truffaz et le saxophoniste Thomas de Pourquery accompagnés notamment de cors des Alpes pour une création originale jouée au bord d’un lac utilisé comme ampli naturel.

Le soir, le festival se poursuit "en ville", avec des concerts dans l’amphithéâtre naturel du parc Couttet, un "off", des DJ sets et des jams sessions dans les bars et restaurants de Chamonix.

Pour marquer cette dixième édition, le festival s’est même transporté au pied du barrage du Vieux-Emosson, côté Suisse, pour un spectacle inédit : six danseurs-acrobates de la Compagnie Neo ont descendu la paroi du barrage en rappel sur une musique originale d’André Manoukian dont le quartet, augmenté de la chanteuse Audrey Kessedjian et du duduk de Rostom Khachikian, était également accompagné par rien moins que 100 choristes. Au-delà de la performance, ce sont la poésie et l’émotion créés par l’association de la chorégraphie et des mélodies et harmonies jazzy teintées d’Orient (origines arméniennes et percussionniste indien oblige) qui l’ont emporté.

Au-delà de ce morceau de bravoure, la programmation était, comme à l’habitude, de haute volée, puisant dans le vivier des nombreux talents de la scène jazz/world music, qui a pour point commun d’ignorer les genres musicaux et les frontières géographiques et gagnerait à notre avis à être mieux connue de ceux dont les oreilles ne se contentent pas de la musique mainstream.

En altitude, l’atypique quartet franco-israélo-allemand Sun Dew et ses compositions aux confins du jazz, du classique et de la pop a ouvert le bal, suivi par le groove funky et cuivré de Cotonete, le tango revisité par la trompette d’Airelle Besson, le violoncelle de Vincent Segal et l’accordéon de Lionel Suarez réunis en Trio Gardel, la création originale d’Erik Truffaz et Thomas de Pourquery, le Babel de Joce Mienniel, le dialogue entre le piano de Dorantes et la contrebasse de Renaud Garcia-Fons sur des thèmes espagnols et les classiques "cubanisés" de Joachim Horsley (voir nos articles dédiés à venir).

On peut maudire la météo de nous avoir privé du jazz méditerranéen de Nes au pied du glacier d’Argentière et des trois oud palestiniens du Trio Joubran sur le balcon face au Mont-Blanc de Planpraz, mais leurs prestations à l’abri de la salle Olca des Houches resteront dans les mémoires (voir notre article à venir sur le Trio Joubran).

La jeune génération était bien représentée au parc Couttet avec le jazz aux accents africains et malgaches du Julien Marga Quartet, lauréat du tremplin organisé chaque année par le festival et la Sacem, la guitare virtuose et sensible d’Anthony Jambon et les compositions ultramodernes aux claviers et batterie des ados Domi et JD Beck, sans oublier une excellente version contemporaine de l’oud et du saz associés à la batterie découverte au bord du lac des Chavants avec le Trio Abozekrys.

Une pépite se cachait également au fond d’un bar, tard le soir comme il se doit, avec l’hommage du prodige des claviers Laurent Coulondre à Michel Petrucciani en avant-première de la sortie en septembre de son album Michel On My Mind.

Les soirées du parc c’était aussi le groove, avec les claviers survitaminés de Delvon Lamarr, la fanfare hip-hop des 8 frères (mais oui !) d’Hypnotic Brass Ensemble (toutefois moins sauvages que lors de leur mémorable première prestation au festival en 2014) et la trompette de Theo Croker, l’afrobeat de Guts et les Akaras de Scoville, de Kokoroko (bizarrement très en retrait, comme s’ils n’avaient pas eu envie de jouer ce soir-là) et d’Antibalas, ou encore les rythmes endiablés des cubains d’El Comité, que nous étions ravis de retrouver après les avoir découverts à Annecy au printemps (voir notre article : El Comité feat. Ibrahim Maalouf + Yilian Cañizares) et qui ont réussis à faire danser le public sous la pluie !

Après le parc, on pouvait terminer la soirée avec un DJ set funky de Sly Johnson ou de Souleance et des jams en version électro-jazz avec Bakos ou free-jazz avec Laurent David et David Robilliard, rejoints par la fratrie d’Hypnotic Brass Ensemble et les infatigables cubains d’El Comité pour des improvisations mémorables sur la petite scène de la Maison des Artistes.

Et puis il y a eu le Supersonic de Thomas de Pourquery. La découverte de ce Cosmojazz Festival pour votre matelot, une expérience hallucinée et hallucinante sur laquelle nous reviendrons bien entendu dans un article dédié.

En attendant, premier aperçu en images d’une dixième édition très réussie qui fait attendre avec impatience les 10 ans l’année prochaine.

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