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publié par Mélanie Fazi le 17/02/14
American Horror Story - Saison 3 - Coven
Saison 3 - Coven

La première saison d’American Horror Story, baptisée Murder House, avait été une très bonne surprise, une fois dépassé les premiers épisodes a priori pas très engageants. Jusqu’à ce que l’on comprenne, au bout du quatrième, que la série racontait en fait une tout autre histoire que ce qu’elle prétendait au départ, et que les clichés qu’elle alignait à tour de bras étaient là pour une raison précise. Ce que retraçait la saison 1, ce n’était pas l’histoire ultra rebattue de ce couple qui s’installait dans une maison hantée pour oublier un drame – c’était celle de la maison et de tous ceux qui y avaient vécu. La saison progressait selon une logique qui se dévoilait peu à peu, jusqu’à un dernier épisode qui bouclait la boucle et semblait interdire toute suite directe.

La saison deux, Asylum, marquait encore davantage la singularité de la série en faisant table rase de l’intrigue et du contexte de la première. Changement radical de décor et d’époque avec cet asile des années 60 qu’une journaliste tentait d’infiltrer pour dénoncer les mauvais traitements infligés aux patients. L’astuce tenait à la réutilisation de plusieurs acteurs dans des rôles totalement différents. Jessica Lange la première, vedette de la série, qui campait une mère indigne dans Murder House et une religieuse illuminée dans Asylum.

Sorcières et immortelles

Coven, la saison 3, se déroule à La Nouvelle-Orléans et traite de sorcellerie comme son titre l’indique (le mot « coven » désignant en anglais une assemblée de sorcières). La jeune Zoe se découvre un pouvoir effrayant le jour de sa première expérience sexuelle. Ses parents peu désireux de s’encombrer des conséquences l’envoient à La Nouvelle-Orléans où elle intègre l’académie Robichaux consacrée à l’éducation de jeunes filles aux dons particuliers – comprenez, de jeunes sorcières. Zoe y rencontre tout un tas de personnages plus improbables les uns que les autres. Les trois autres élèves avec lesquelles elle noue des liens d’amitié et de rivalité ; Cordelia Foxx, la directrice effacée et compatissante, et sa mère Fiona Goode, sorcière puissante doublée d’une garce sans scrupules, obsédée par l’immortalité. D’authentiques personnages historiques de La Nouvelle-Orléans viennent s’y ajouter : Delphine Lalaurie, bourgeoise du XIXème siècle qui torturait et tuait ses esclaves noirs. Et la prêtresse vaudou Marie Laveau, devenue immortelle et gérante d’un salon de coiffure.

Au-delà des premiers épisodes qui mettent en place les enjeux principaux de l’intrigue, tout s’emballe peu à peu avec une jubilation manifeste. La série n’est pas connue pour faire dans la dentelle, et son côté feuilletonnesque poussé à l’extrême devient vite addictif. Comme les saisons précédentes, Coven se présente comme un catalogue d’atrocités qui reprend tous les clichés du genre horrifique, avec une nette attirance pour le gore et les situations malsaines – quoique un cran en-dessous d’Asylum, que j’avoue n’avoir pas pu terminer tant l’ambiance était glauque. Tout y est : luttes de pouvoir, trahisons, jalousie, meurtres et résurrections en série, exécutions, bûchers, zombies et sortilèges vaudous, pactes scellés avec le sournois Papa Legba, et même une vision amusante de l’Enfer personnalisé selon les pires cauchemars de chacun. Des retournements de situation qui devraient être lourds de conséquences n’en ont quasiment aucune, puisque même la mort ou les mutilations peuvent être annulées d’un claquement de doigts. On verra même une sorcière se faire brûler deux fois au bûcher, après s’être relevée sans mal de la première. L’outrance devient un jeu : il s’agit d’en faire le plus possible pour le plaisir d’aligner les images marquantes et de monter les personnages les uns contre les autres – tout en sachant que rien, au fond, n’a vraiment d’importance. En poussant un peu, on pourrait comparer les sorcières de Coven au Patrick Bateman d’American Psycho qui trompe son ennui en alignant les meurtres avec une distanciation extrême. Chacune d’entre elles ou presque connaît ces moments-là. Plus leur pouvoir est grand, plus les autres paraissent minuscules à leurs yeux.

Histoire et folklore

Le côté too much de la série est renforcé par divers clins d’œil à des personnages historiques (Marie Laveau, Delphine Lalaurie, le tueur en série mélomane surnommé « The Axeman ») ou à des vedettes contemporaines, telle Stevie Nicks, idole de la jeune sorcière cajun Misty Day, qui l’identifie comme sa semblable à l’écoute de sa chanson « Rhiannon ». Stevie Nicks qui fait elle-même une apparition totalement improbable face à une Misty Day médusée à laquelle elle offre son châle de scène.

Outre ce goût pour l’excès et les retournements de situation, tout le charme de la série repose sur son casting impeccable. La présence d’acteurs récurrents crée sur le long terme une impression de troupe de théâtre. Jessica Lange incarne une garce d’exception qui s’accroche désespérément à la vie comme à ses pouvoirs face à la perspective de sa fin imminente. Kathy Bates est odieuse et drôle à la fois dans le rôle de Delphine Lalaurie, tortionnaire d’esclaves cruelle et raciste qui se retrouve échouée à notre époque et pleure de dégoût en découvrant l’image du président Obama. Taissa Farmiga et Evan Peters recréent le jeune couple sérieusement dysfonctionnel qu’ils incarnaient dans la première saison. Mais c’est Angela Bassett qui éclipse le reste du casting dans le rôle de Marie Laveau, qu’elle incarne avec une classe absolue. Un personnage inquiétant et touchant à la fois, engagée dans une guerre sans pitié où elle ne fait au départ que rendre les coups subis – le racisme, le spectre de l’esclavage et du Ku Klux Klan, les relations difficiles entre Blancs et Noirs, ici symbolisés par deux types de magie différents, sont une des thématiques centrales de la saison. Pour Marie Laveau et les siens, la sorcellerie devient un réflexe de protection autant qu’une revendication identitaire. Tout l’inverse d’une Delphine Lalaurie qu’on voit torturer ses domestiques par plaisir, voire par désœuvrement.

Petit théâtre macabre

L’intrigue est sans doute plus lâche dans cette saison que dans la première, qui reste la mieux maîtrisée, et l’ensemble est parfois brouillon. On n’en prend pas moins plaisir à suivre cette invraisemblable histoire souvent plus subtile qu’il n’y paraît. D’autant que Coven joue de manière agréable et inventive sur le folklore de La Nouvelle-Orléans. On n’est pas toujours très sûrs de comprendre où Ryan Murphy et Brad Falchuk veulent en venir sur le long terme, mais l’expérience est plaisante et souvent surprenante. Attendons maintenant de découvrir ce que seront le thème et le décor des prochaines saisons de ce drôle de petit théâtre macabre.

 

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publié par le 17/02/14
Derniers commentaires
aliasniko - le 02/03/14 à 17:14
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Je viens de (re)découvrir cette série que j’avais laissé au bout d’un épisode de la 1ère saison à l’époque. Effectivement très addictive, grâce aux scénarios des différents épisodes qui nous emmènent très loin ( mention particulière pour la 2ème saison, complètement "cinglée") mais aussi au choix des différents acteurs, visiblement habités par leurs personnages. La réalisation n’est pas en reste, mobile, aérienne, travellings en grand angle tournant sur son axe, c’est même devenu la patte reconnaissable du réalisateur récurrent de la série, Alfonso Gomez-Rejon, un nom à retenir s’il était logiquement amené à transformer l’essai au cinéma. Série atypique, due aux différents scénaristes et producteurs réunis sur ce projets (on y retrouve des noms associés à X-Files, Twin Peaks, Glee, etc...) et réussissant par exemple à concentrer au sein d’une même saison, fantastique, horreur, tueurs en série, possession diabolique et... extra-terrestres. Rien que ça. Je commence la 3ème saison, qui encore une fois renouvelle le concept et nous fait perdre nos repères pour mieux nous accrocher. Addictif je vous dis.

isa - le 27/03/15 à 23:21
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J’ai vu les 3 saisons la 3 eme reste ma préférée. Merci à quand une saison 4 ?

Mélanie Fazi - le 31/03/15 à 20:28

La 4ème a déjà été diffusée, elle s’intitule "Freak Show".

Informations

Sortie : 2014
Label : FX