Credo
Amanda Palmer goes down under, ou la suite des aventures de l’ex-Dresden Dolls après son divorce d’avec sa maison de disques. À travers son blog ou ses interviews, on l’a vue ici ou là réfléchir sur les diverses manières de continuer à promouvoir sa musique sans passer par un intermédiaire dont elle estimait, de toute évidence, qu’il la bridait. « We are the media » : tel est son nouveau credo. Une profession de foi particulièrement intéressante de la part d’une artiste qui a tissé un lien si fort avec son public et semble avoir tous les outils en main pour exploiter au mieux les possibilités du Net. S’il y a une personne qu’on a envie de voir tenter cette expérience, et qu’on a envie de soutenir dans l’effort, c’est bien elle.
Collection
La démarche étant clairement posée, reste à voir quel sera le contenu partagé avec ses fans par ce biais. Parce qu’on admire l’artiste et sa démarche, parce qu’on aime profondément sa musique, on s’empresse bien volontiers d’investir dans ce nouvel album uniquement disponible en ligne pour un montant laissé au choix de l’auditeur. On avouera toutefois, dans un premier temps, une légère déception à son écoute. On a d’abord l’impression d’entendre une collection de titres live un peu brouillonne. Peut-être parce qu’on espérait secrètement un deuxième Who killed Amanda Palmer. Cet album-là n’en a ni l’ampleur ni la richesse. Même son précédent projet Evelyn Evelyn, semi-canular grandiose où elle incarnait avec Jason Webley un duo de sœurs siamoises narrant leur histoire tragique et grotesque, paraissait beaucoup moins artisanal et plus travaillé.
Culinaire
On revient toutefois assez vite sur cette première impression. Car l’album réussit finalement autre chose, de tout aussi intéressant : c’est Amanda Palmer tout entière qu’on retrouve dans ces douze titres. Ce que l’enregistrement capture au mieux, c’est sa présence, son lien très fort avec son public, son énergie et sa créativité débordante. Ses trois cents idées à la minute, ses petites anecdotes entre deux titres, sa capacité à rattraper brillamment ses propres plantages. De ce point de vue, l’album est assez savoureux. D’autant qu’on retrouve sur plusieurs titres ce sens de l’humour pince-sans-rire qu’on savoure depuis l’époque des Dresden Dolls. En particulier sur “Vegemite”, histoire d’un amour contrarié par les goûts culinaires de l’un des conjoints, et sur “New Zealand” improvisé en vingt minutes dans la loge d’une salle de concert, et qui réserve quelques moments de grand n’importe quoi jubilatoire (« I wish I could be like Holly Hunter in The Piano/And not have to talk to anyone/Even though there’s technically nothing wrong with my voice/And just play piano and make love to hot local boys »).
Cirque
Ailleurs, on trouve une splendide reprise de “The ship song” de Nick Cave, des collaborations rappelant le côté « troupe de cirque » de la plupart de ses concerts où elle sait toujours très bien s’entourer, et des mélodies simples et belles (“In my mind”). On regrette par moments de ne pas entendre ces chansons-là ornées d’arrangements plus travaillés qui leur donneraient une tout autre dimension. Mais le projet n’est pas là. On savoure plutôt l’énergie et la spontanéité qui se dégagent de ces douze titres. Amanda Palmer s’amuse, elle profite de la vie, de la scène, de sa liberté toute nouvelle, et cherche à nous le faire partager. C’est là ce que l’album a de plus touchant.