Pendant un certain temps en fin d’année dernière, on a eu quelques réserves concernant Alela Diane. Et pourtant à la base The Pirate’s Gospel avait tout pour nous plaire. épuré, une guitare acoustique, un chant profond, d’un autre âge. Tout ce qu’on aime. C’était écrit d’avance, on vous faisait un grand laïus enflammé avec du Cat Power à tous les coins de phrases ; on l’écoutait en boucle, transis ; on transmettait la bonne parole. Oui mais voilà, la machine s’est enrayée dès les premières écoutes et on s’est vite rendu compte qu’on calait, que la mise en boucle ne se faisait pas. Perplexité. Perplexité d’autant plus grande que dans le même temps ses concerts parisiens affichaient complet des mois à l’avance et que le disque se retrouvait en écoute dans les grandes enseignes musicales. Du très rarement vu pour une chanteuse folk inconnue au bataillon. Serait-on passé à côté de quelque chose ? Les discussions iront d’ailleurs bon train au sein de la « rédaction » sur le pourquoi de cet engouement inattendu (la thèse la plus plausible retenue étant le désormais célèbre effet télérama). On constate en outre à cette occasion qu’on a tous plus ou moins calé de la même façon. Mystère.
voix
Le plus étrange reste cependant à venir. Puisqu’à écouter l’album comme ça, on aime beaucoup en fait. Ce n’est donc ni un problème d’écriture, ni un problème d’orchestration. C’est quelque chose qui s’inscrit sur la longueur. Une question de solennité peut-être. à moins que ce ne soit le traitement sur la voix ou la voix en elle-même. Ou tout cela à la fois. Or c’est aussi cette même voix, superbe et surprenante pour une si jeune personne, qui fait l’originalité et l’identité du disque. Mais voilà, le chant lent et très posé donne aussi une solennité, presque une froideur, moins d’émotions en tout cas. On n’est peut-être tout simplement plus habitué à cette façon de chanter et d’interpréter un peu anachronique (plutôt fin ’60), mais qui semble revenir dans l’ère du temps. Certes, la mise en boucle pose des problèmes, on cale sur la longueur peut-être, mais cela ne nous empêche pas de déceler dès le départ les évidentes réussites de cet album ; que ce soit l’intrigant "The rifle", le single "the pirate’s gospel", le cat-powerien (de la grande époque) "Foreign language" ou encore le très touchant "Pieces of string".
cocoon
Et puis, alors qu’on lâche un peu l’affaire, vient l’effet session cargo (après l’effet télérama, l’effet session cargo est garanti sans OGM et plus connu sous le nom d’effet Cocoon qui le fit connaître du grand public). Un effet qui, quand bien maîtrisé, peut faire énormément de dégâts comme aider à retourner une chronique mal engagée, ou donner des clés de compréhension, et même lancer une rotation journalière intensive de disque (pour Cocoon plus particulièrement). Alela Diane en trois morceaux et une présence détendue donne une humanité à sa musique, un naturel, de la vie. Trois morceaux d’une douce mélancolie, un sourire, un rire même. Il est dit qu’on n’écoutera plus l’album de la même façon par la suite. Pas qu’on adore des chansons dans lesquelles on avait du mal à se frayer un chemin (même si le chemin en question s’est nettement ouvert pour certaines comme "Clickity clack", "Sister self" ou "Pigeon song", le fameux milieu d’album plutôt bien fichu au bout du compte) mais que nous sautent désormais aux oreilles des morceaux qu’on avait à peine repérés jusque là. Notamment cette superbe fin d’album avec "Oh ! my mama" et "Heavy walls", les titres les plus calmes et intimes, les plus émouvants et pénétrants. Et enfin l’incroyable dernier morceau "Gypsy eyes". Comment peut-on être passé à côté de ce morceau ? Le mystère reste entier.
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Et le mystère finalement, on aime ...
J’aime beaucoup le concept d’"effet Télérama" et d’"effet session Cargo". ;)
Sinon, pour préciser le point de vue de la "rédaction" : personnellement, j’aime beaucoup ce disque, c’est simplement que je suis un peu intriguée par la soudaineté et l’ampleur du buzz qui l’entoure. Mais contrairement à toi, j’ai été assez emballée dès les premières écoutes.