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publié par Mickaël Adamadorassy le 20/05/20
Pearl Jam
- Gigaton
Gigaton

On l’aura dit plein de fois, nous vivons vraiment une époque bizarre. En plus de 20 ans de pérégrinations musicales sur Le Cargo ! pas un seul matelot n’a écrit quoi que ce soit sur Pearl Jam.Cette formation phare de la "scène grunge" des années 90 a pourtant continué à sortir régulièrement des albums mais ils ne nous ont guère passionnés. Et nous voilà à faire cette chronique de leur petit dernier, Gigaton, sorti en mars 2020 alors que l’attention d’à peu-près tout le monde était focalisé sur le Covid. Une injustice qu’il est d’autant plus nécessaire de corriger qu’avec cet album, le groupe prend des risques, ose aller dans des registres où on ne le voyait pas du tout. C’est un pari réussi, qui mériterait d’attirer l’attention d’un public bien plus large que les fans historiques.

Sur les chapeaux de roue

Dès les premières secondes de "Who ever said" qui ouvre l’album, on réalise que ce n’est pas du tout le Pearl Jam qu’on imaginait qui joue. Ça se sent d’abord dans le son de guitare crunch très bien gaulé où la définition des notes, la brillance remplace la lourdeur des guitares heavy-metal typique du grunge, puis arrive par dessus un Eddie Vedder qui a la pêche. Dont la voix n’a rien perdu, c’est toujours une des plus belles du circuit. C’est nerveux, pas trop prévisible surtout quand arrive le pont qui calme le jeu et donne toute la place à Vedder pour une superbe interprétation. On est quasiment dans la pop mais qu’est-ce que c’est bien foutu, la beauté des parties de guitare , la justesse de ce que joue la basse, les arrangements discrets pour "densifier" le son. "Superblood Wolfmoon" continue dans un registre tout aussi pêchu, Vedder est chauffé maintenant alors il monte encore d’un cran et tout le groupe avec lui, les gratteux s’autorisent des solos un peu crâneur mais c’est totalement dans l’ambiance ; là encore dans les chœurs, dans le pont il y a des petits choses un peu "poppy" très agréables

Scandale

D’ailleurs cela fait déjà deux fois qu’on vous parle de "pop" pour décrire ce Pearl Jam nouveau ce qui pourrait déjà être choquant... Mais pour évoquer "Dance of the Clairvoyant", notre piste préférée du disque, on va carrément faire dans le scandaleux : avec ces claviers, la manière très solennelle dont sonne le refrain, Vedder sur le couplet qui se la joue prédicateur qui galvanise les foules par la seule force du verbe, on penser carrément à ... Depeche Mode.

Mais ce n’est qu’une dimension d’une morceau, les riffs de guitare géniaux, la lente montée du morceau avec les voix qui se démultiplient c’est un travail qui n’appartient qu’à Pearl Jam et c’est une sacrée réussite qui se confirme tout au long de l’album. On y trouve des approches diversifiées, renouvelées mais les musiciens n’en oublient pas non plus leurs influences heavy-metal : "Quick Escape" donne dans un rock au son bien gras avec un riff très accrocheur et un refrain qui l’est tout au autant mais il a toujours des choses nouvelles : la voix qui ose des notes aiguës inattendues, les claviers , la progression même du morceau, tout cela tient en haleine au delà du simple plaisir sonore, de l’efficacité du riff.

"Alright" et "Seven O’ Clock" calment sensiblement le jeu et nous ramènent à des atmosphères, des "tournures" plus "typiques" du Pearl Jam qu’on connait, la machine repart ensuite sur des choses beaucoup plus rock, capitalisant sur la même formule : tempo rapide, guitares nerveuses, c’est un peu moins inventif mais tout aussi efficace, le son saturé des guitares sur les solo est sublime, Vedder offre des performances plus "classiques" mais dans l’ensemble c’est rondement mené.

Anti-climax

Mais sur la fin du disque s’enchaînent quatre titres avec une énergie ou absence d’énergie qui casse un peu cette belle dynamique : "Buckle Up" est assez molle, l’accompagnement ne varie pas énormément et Vedder ne nous passionne pas même s’il est très appliqué sur cette "balade bizarre". "Come Then Goes", c’est le titre acoustique tout simple comme il y en a sur d’autres albums de Pearl Jam, pas vilain mais pas renversant. "Retrograde" aux sonorités folk/rock70’s, une chanson sympathique aussi. "River cross" qui clôture le disque est un morceau atmosphérique avec un peu de guitares, une intensité qui ne varie pas énormément. L’effort est intéressant, la preuve : le titre n’a pas l’air de durer les six minutes qu’il compte, mais en même temps on se quitte sur quelque chose qui ressemble à un anti-climax, on se dit chapeau de l’avoir réussi l’exercice les gars mais pour se quitter on aurait pas craché sur un morceau de bravoure. En fait ces quatre titres laissent la part du lion à Vedder et paraissent moins foisonnants que les autres. Les autres musiciens font aussi un travail intéressant mais pour nous Pearl Jam est à son meilleur sur ce disque quand tout le monde a l’occasion d’être la star.

Retrouver la foi

Nous qui voyions le quintet de Seattle comme un groupe sur le déclin, qui n’avait plus grand chose à dire, là en trois chansons à peine, ils nous font avaler notre chapeau (de roues ?). Certes on n’est pas dans l’avant-garde mais clairement le groupe sans perdre son identité fait preuve d’inventivité et ose sortir de son registre habituel pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Même si la fin est un poil en dessous, on ne peut que recommander chaudement ce Gigaton, peut-être même plus aux non-fans qu’aux fans historiques de Pearl Jam.

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publié par le 20/05/20
Informations

Sortie : 2020
Label : Monkeywrench Records