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publié par gab le 28/01/19
Alain Bashung
- En amont
En amont

« Seul le chien se souvient, seul le chien vous attend », c’est possible, je suis plus chat personnellement, mais ce qui est sûr c’est que seul Bashung savait mettre une telle intensité dans le chant. Le Bashung deuxième partie de carrière s’entend. Et cet album posthume le montre une fois encore. C’en est d’ailleurs presque trop facile, on se dit qu’il pourrait reprendre La Compagnie Créole que ça le ferait quand même. Or pour rien gâcher, cet album de chutes de son dernier disque officiel, Bleu pétrole, réunit tout le beau monde de la musique française de qualité : les Dominique A, Raphaël, Mickaël Furnon (Mickey 3D), Arman Méliès, Xavier Plumas (Tue-Loup). C’est assez incroyable de se dire que ces morceaux-là et ces artistes-là se sont retrouvés mis de côté au bout du compte. Toute la singularité de Bashung. Et en effet, ce deuxième disque, En amont, raconte une toute autre histoire, avec plus de noirceur musicale, plus d’intimité, et ne correspondait sans doute pas à l’ambiance générale qu’il souhaitait pour Bleu pétrole. Ça nous donne l’occasion 10 ans plus tard de retrouver Bashung pour un vrai dernier disque à l’univers cohérent, captivant.

thé

Il est des morceaux sur lesquels il suffit qu’Alain Bashung attaque les premiers mots de cette voix grave inimitable pour que la magie opère. C’était le cas avec "Comme un légo" sur Bleu Pétrole, c’est à nouveau le cas sur le magistral "Immortels" de Dominique A en entame de disque. On le sait, Dominique A n’a besoin de personne pour interpréter ses propres morceaux et les rendre intemporels, pour ne pas dire immortels, mais là l’interprétation de Bashung fait l’effet d’une claque et le morceau change de catégorie une fois pour toutes. Le genre de morceau qui justifie à lui seul l’achat d’un disque. Et ce truc en plus, Bashung l’amène sur l’ensemble des morceaux du disque. Même les trois morceaux suivants qui a priori sont moins notre tasse de thé (plus linéaires, moins mélodiques), ont eux-aussi ce supplément d’âme qui retient l’attention et l’envie, qui fait la différence.

bouclettes

Le vrai tournant du disque (dans sa cohérence de disque s’entend) s’opère avec "Les salines" et "Montevideo" écrits respectivement par Raphaël et Mickaël Furnon (Mickey 3D). "Les salines" convainc d’abord par ses bouclettes de guitare arabo-andalouses avant même que le chant ou le texte ne pénètrent complètement. Mais lorsqu’ils le font, c’est un monde entier qui s’ouvre à nous, une expérience de vie poignante et, portée par le chant de Bashung, presque mystique. "Montevideo" s’impose quant-à-lui très rapidement, malgré une mise en musique relativement minimaliste, par la grâce d’un refrain impeccable. Mickaël Furnon montre à nouveau un savoir-faire sans failles. On n’en doutait pas mais c’est frappant à quel point ses morceaux se frayent un chemin et s’intègrent naturellement chez d’autres que Mickey 3D.

herbe

Une fois le tournant pris, plus de retour en arrière possible, la suite du disque s’engage dans des chemins tortueux de montagne. La route a beau être passablement défoncée, le paysage est magnifique et à 30 à l’heure, secoués dans tous les sens, le plaisir est intense. "Arcanes" d’Arman Mélies, un western désespéré, "Seul le chien" à nouveau Dominique A, seul à la guitare. Plus on s’enfonce dans le paysage désolé, plus on laisse la civilisation derrière nous, plus on se découvre. En voiture, à pied, on ne sait plus trop, une vallée secrète encaissée s’ouvre devant nous, le crépuscule s’installe progressivement. "Les rêves de vétéran", "Un beau déluge", la solitude et l’obscurité ont des vertus cicatrisantes, étonnement apaisantes. Assis dans l’herbe et le noir, il semblerait qu’on ait malgré nous mis "nos âmes à l’abri".

porte

Et pour finir, on s’en doute, on le sait, cet album à la troublante cohérence doit énormément à Edith Fambuena, aux commandes comme à l’époque de Fantaisie Militaire. On le sait, on s’en doute, certains des morceaux ont été revus en profondeur et d’autres en surface seulement. Indéniablement, elle a su trouver la juste distance et amener cet album posthume au niveau des plus grands disques d’Alain Bashung. Un cadeau de fin d’année inespéré et une superbe porte de sortie pour cet artiste hors-norme que chiens, chats et a fortiori humains mettront bien longtemps à oublier.

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publié par le 28/01/19
Informations

Sortie : 2018
Label : Barclay

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