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publié par Sfar le 24/02/08
Xiu Xiu
- Women As Lovers
Women As Lovers

The fabulous Chouchoux

Xiu Xiu (se prononce Chou Chou méfiez-vous) a toujours été pour moi un groupe associé à quelques morceaux que l’on pourrait qualifier de « tueries » sans pour autant pouvoir en conseiller l’Album à écouter absolument. Je me souviens parfaitement de cette soirée où un ami (un de ces très bons amis toujours soucieux d’entretenir votre culture musicale) complètement désespéré que quelqu’un ne puisse toujours pas connaître ce groupe expérimental californien me faisait écouter “Save Me” extrait de The Air Force, “20,000 deaths for...” sur A Promise ou encore “Over Over” de l’album Knife Play, sans oublier “Muppet face” ou “Bog People” issus de la Forêt mais aussi et surtout “brian The Vampire” et “I luv The Valley Oh !” deux incroyables morceaux de Fabulous Muscles.

Découvrir en quelques heures les morceaux les plus emblématiques des 5 premières réalisations de ce groupe partciluier reste l’un des meilleurs électrochocs pour entrer dans l’univers sombre et torturé de Jamie Stewart le membre central de Xiu Xiu. Différents sentiments se manifestent alors : un dégoût rédhibitoire pour une écoute plus intensive ou au contraire l’envie impatiente de se plonger corps et âmes dans un univers passionnant où planent le fantôme de Ian Curtis ou d’un The Cure des années 80.

Guerre, Suicide, Sida, Pédophilie, Tabous Sexuels...

Y a pas à dire tout cela donne de suite envie de se plonger dans l’œuvre particulière de Jamie Taylor. Il est évident qu’écouter Xiu Xiu ne va certainement pas être le premier réflexe de la ménagère préparant sa quiche dominicale... quoique certains pourraient prendre un certain plaisir à battre des œufs en entendant la voix plaintive de Jamie nous narrer ses expériences de bondage ou sado-masochistes.

Les thèmes abordés depuis 2002 par Jamie Stewart, suite au suicide de son père et correspondant à ses premières réalisations sous le nom de Xiu Xiu, sont l’expression des bleus à l’âme de cet artiste et des turpitudes qui l’obsèdent continuellement. à cela il ajoute une richesse musicale avant-gardiste, un son innovant et absolument fascinant. L’éventail des influences musicales de Xiu Xiu est large allant du rock noise, en passant par la musique d’ambiance, le punk, le folk et aussi quelques touches jazzy par ci par là. Le tout est construit un peu à la manière d’un patchwork dont chaque pièce instrumentale s’imbrique subtilement apportant une richesse et une complexité tout à fait indéfinissable et forcément passionnante.

Souffrir n’est ni bien ni mal : c’est juste la vie

Women As Lovers est un album référence à l’ouvrage du même nom écrit par le prix Nobel de Littérature autrichien Elfriede Jelinek. Jamie Stewart lisait cette nouvelle évoquant la violence latente dans toute relation amoureuse lorsqu’il a commencé à travailler ce sixième album de Xiu Xiu.

Women As Lovers a ceci de troublant par rapport aux précédents : il ne rebute pas du tout sur la longueur. C’est bien l’unique fois que lors de la première écoute nous vient l’envie de l’écouter, le réécouter une fois, deux fois, dix fois de suite dans son intégralité. Alors est-ce l’album le plus accessible que Xiu Xiu ne nous ait jamais proposé ? Est-ce moi qui me suis familiarisée aux œuvres de Jamie Stewart au point de les trouver accessibles dès un premier passage sur la platine virtuelle de mon disque dur ? Apparemment il semblerait que Women As Lovers sombre beaucoup moins dans les délires expérimentaux tortueux auxquels nous étions habitués depuis quelques années.

Si musicalement l’approche est plus facile, les thèmes abordés sont toujours aussi dérangeants. Le livret accompagnant le Cd est lui-même constitué de différents clichés de femmes soumises lors de séances de bondage (des photos toujours fortes qui gardent un certain esthétisme évitant le voyeurisme malsain qu’un tel thème pourrait susciter).

Les tourments abordés dans cet album vont comme toujours au-delà des préoccupations personnelles de jamie Stewart, il dénonce de manière pertinente la honte Guantanamo (“Guantanamo Canto”) où l’on entend des sirènes, des rythmiques répétées pouvant faire penser aux coups répétés par les prisonniers de ce camp sur les barreaux de leur cage. “Child At Arms” aborde le délicat problème des enfants enrôlés de force dans les combats qui sévissent aux quatre coins de la planètes le tout sur fond de bruits rappelant les mitraillettes, mêlés à des sons plus enfantins accentuant encore plus toute l’horreur dénoncée par ce morceau. Mais Jamie n’en a pas oublié tous les questionnements qui le travaillent sur sa propre identité, ses préoccupations sur la bisexualité et les désirs plus ou moins pernicieux qui le hantent. “The leash” évoque la transsexualité et l’envie de pouvoir assumer ces désirs tout en restant dans les normes bien pensantes de notre société. “I do what I want when I want” , premier single extrait de l’album, apporte une certaine candeur à l’ensemble du disque par sa petite rengaine sympathique, les solos saxos et les choeurs gentillet de Caralee McElroy (la cousine de jamie pour la petite histoire).

Ce qui fait aussi l’essence même de Xiu Xiu c’est le chant torturé à l’extrême de Jamie Stewart, que ce soit dans la douceur triste d’un chant plaintif ou dans les hurlements presque insupportables qu’on peut entendre sur “In Lust You Can Hear The Axe Fall”. Rien ne serait pareil sans cette voix, sans ce timbre pouvant en l’espace de quelques secondes exprimer toutes les formes de colère, de déception ou de tristesse. Chez Xiu Xiu, et encore plus sur cet album, chaque élément a son importance, c’est un peu comme ces recettes où il suffit qu’un ingrédient manque pour que ça ne prenne pas. Xiu Xiu sans sa musique expérimentale torturée patchwork, Xiu Xiu sans ses textes violents, Xiu Xiu sans les interprétations de Jamie Stewart c’est pour moi simplement inimaginable.

Seul bémol de l’album cette reprise dont Jamie aurait pu se passer, une version duo rock pop jazzy complètement détonante de “Under Pressure”. Détonante au sens péjoratif bien sûr tant on se demande ce que vient faire un tel morceau dans cet album, si bien qu’il est très difficile de résister à l’envie de le zapper systématiquement lors de l’écoute complète de Women As Lovers.

Xiu Xiu est définitivement un groupe à part, une œuvre qui ne fait pas que s’écouter, un univers auquel on doit se frotter avec précaution tant les chamboulements peuvent être insidieux. Women As Lovers marque une nouvelle évolution dans le travail de Jamie Stewart, en décomplexant son approche musicale il parvient à encore plus nous engloutir dans ce qui est pour le moi du « Lynch musical » à l’état pur.

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publié par le 24/02/08
Informations

Sortie : 2008
Label : Kill Rock Stars

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