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publié par gab le 07/03/11
The Sundays - The Sundays -
The Sundays

2010*, un compte-rond, l’occasion ou jamais de regarder en arrière et de faire des bilans en tous genres. Année cependant où tout le monde semble se focaliser sur les 10 ans de l’an 2000 (si, si, vous savez l’époque où on aurait tous des voitures volantes à la retour-vers-le-futur). Or, grand âge oblige, permettez-nous plutôt de revenir avec émotion sur les 20 ans de l’an 1990, année ô combien vénérée de notre prise d’indépendance musicale qui voyait communier au creux et au cœur de nos oreilles (voire l’inverse) Ride, Pixies et consorts (et une année où les consorts se nomment House of love ou Stone Roses est forcément un grand cru). La tentation serait d’ailleurs forte de ne se focaliser pour l’occasion que sur ces têtes de file passablement médiatiques, certes emblématiques de notre éveil adolescent, mais avec le recul l’époque fût aussi très marquante pour les groupes à la sensibilité aussi exacerbée que discrète, révélateurs de notre émotivité adolescente cette fois, le label Sarah records et sa ligne claire, le règne éphémère et savoureux des Field Mice en tête. Etant déjà revenu par le passé sur l’une et l’autre de ces composantes majeures, c’est l’occasion rêvée de se poser quelques temps auprès d’un groupe un peu à part, à la croisée des chemins entre ces deux mouvements, classieux et délicats, The Sundays.

enfantine

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Et en effet si les sonorités musicales penchent plutôt du côté de la ligne claire susmentionnée, les arrondis pop des arpèges égrenés (voire le dynamisme des guitares folk) ainsi que le chant posé et puissant se rapprocheraient plus du côté extraverti de la première catégorie. Mais ici s’arrêtent les comparaisons car un élément vient mettre tout le monde d’accord et place les Sundays sur leur planète propre : le chant d’Harriet Wheeler. C’est bien simple on n’avait jamais entendu de chant aussi cristallin et pur dans la pop anglaise jusque là et on n’en a guère entendu depuis. Cristallin au point d’en faire une voix presque enfantine, c’est étonnant et confère au groupe une dimension hors du commun, reconnaissable entre mille. Et c’est ainsi qu’ils débarquent sans prévenir dans nos soirées lenoirdisées avec un premier album fort réussi : Reading, writing and arithmetic.

classiques

Il n’y avait que de futurs profs pour se permettre un tel titre d’album et c’est d’ailleurs ce qu’ils étaient à la ville, un couple d’étudiants en littérature anglaise qui s’en va un beau matin enregistrer un album de pop anglaise. D’où ce côté plutôt classieux et délicat dont on parlait plus haut ; la langue est riche, l’attitude discrète, la douceur assumée, les envolées aussi et, pour ne rien gâcher, les sujets variés (de la production d’armes de leur pays au souvenir d’avoir frappé un garçon jusqu’aux larmes). Comment résister ? 20 ans après le son a certes un peu vieilli (encore que) mais le reste est encore intact sur les "Here’s where the story ends" et autres "Can’t be sure". D’ailleurs force est de constater que presque tous les morceaux de cet album sont devenus au fil des ans des classiques personnels. De combien de disques peut-on réellement dire ça ?

époque

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1992, on retrouve les Sundays où on les avait laissés pour leur deuxième album Blind. Toujours des guitares folks au son ultra-clair, toujours ces arpèges aériens, toujours surtout ce chant incomparable. Quelques évolutions tout de même, l’arrivée fracassante de guitares noisy-poppeuses saturées sur "I feel" et "What do you think ?", c’est l’époque qui veut ça, on ne va pas s’en plaindre d’autant que c’est fait en toute sobriété comme on pouvait s’y attendre. Autre nouveauté, le décrochage sur quelques titres de leur pop dynamique et enjouée pour des ambiances plus introspectives et éthérées ("Life and soul", "On earth"). Si on ajoute à cela la présence de deuxièmes voix (par Harriet elle-même), l’ensemble prend une dimension aérienne assez marquée, presque trop d’ailleurs puisque c’est leur album qui a sans doute le moins bien vieilli. Pas que ce soit inaudible, loin de là, mais certains sons de guitare, la réverbe un peu poussée sur le chant, tout concourt à ancrer l’album fortement dans son époque et en rendre aujourd’hui l’écoute moins aisée.

roche

Cela n’empêche bien sur pas quelques classiques d’émerger aussi sur cet album, que ce soit le fougueux "I feel" ou les ultra-sundaysiens-première-époque "Love" et "More" avec leurs refrains qui s’envolent et leurs guitares folks sautillantes. Mais plus qu’une histoire de classiques, c’est surtout l’avènement d’une certaine mélancolie qui fait son chemin et s’installe en profondeur. C’est prégnant sur l’ensemble de l’album et plus particulièrement en fin de disque sur "Blood on my hands" et "Medecine" avec un chant tout en sensibilité et les guitares de David Gavurin (on n’avait pas encore parlé de monsieur) toutes en retenue. Un album moins direct que son prédécesseur donc, à l’image de leurs pochettes respectives, le solide et concret de la roche cédant la place aux souvenirs d’enfance esthétisés. Deux albums à l’écriture proche mais aux écoutes à réserver à des moments et ambiances assez éloignés, en parfaite complémentarité.

teinte

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On a longtemps pensé qu’ils s’arrêteraient là, les groupes du début des années ’90 cédant progressivement la main à une brit-pop quelque peu envahissante. Il se trouve qu’ils laissaient juste passer l’orage et attendaient patiemment de jours meilleurs. Bien leur en prit, puisqu’on les retrouve cinq ans plus tard (en 1997 donc) avec Static & silence, un album magnifique en rupture profonde avec leurs deux premiers disques. Ils ont pris leur temps et ça se sent, l’album est soigné aux petits oignons avec cordes, cuivres et tout le toutim. Mais plus que l’emballage c’est surtout le fond qui a été transformé. David Gavurin a changé du tout au tout sa façon d’aborder la guitare, finies les grandes embardées folk et musiques ultra-rythmées, il prend désormais le temps et le droit d’installer des rythmiques en demi-teintes, plus classiques peut-être dans leur exécution mais redoutables quand mises au service de la voix hors normes de sa compagne. Compagne qui elle non plus n’est pas restée cloisonnée dans ses habitudes et a accompagné l’évolution générale de la musique avec plus de douceur, plus de lenteur, plus de feeling. Vous l’aurez compris, quand un déjà très bon groupe à la base prend le temps de sentir un changement d’époque avant de livrer ses impressions musicales, ça fait mouche … et ça fait mal.

référence

C’est donc sans conteste leur meilleur disque, bien que sans doute le moins connu des trois (en France en tout cas) et pour nous faire mentir d’emblée, ils attaquent avec l’ultra-popeux et séduisant "Summertime", tube estival en puissance qui n’est pas sans rappeler leur grandeur passée, les quelques trompettes qui l’agrémentent apportant une petite touche jazzy qui leur va plutôt bien. Ils poursuivent sur de classieuses balades à l’image du somptueux "Folk song", de la beauté mélancolique de "When I’m thinking about you", de l’entrainant et délicat "Your eyes" … et au milieu de tout ça, ils se paient même le luxe de lâcher leur plus beau titre à ce jour, le fabuleux "She". Tout y est : la rythmique folk limpide, ni trop lente, ni trop rapide, soutenue à souhait ; le gimmick électrique pour souligner au mieux les refrains ; les violons en contre-point dans les moments clés ; et ces fameux refrains justement, a-t-on jamais réussi un pareil mariage du contenu et du contenant ? A-t-on jamais aussi bien décrit les tourments mélancoliques de l’adolescence ? Il existe comme ça des morceaux référence, rares, vers lesquels on est rappelés régulièrement, malgré nous, pour notre plus grand plaisir.

fragments

Il existe aussi des morceaux presque insurpassables dans l’histoire d’un groupe. Est-ce le cas ici ? On n’en sait rien mais toujours est-il que nous n’avons plus reçu de nouvelles des Sundays depuis cet album. C’est à la fois dommage et merveilleux pour les nostalgiques en puissance que l’on est. On continuera donc à revenir puiser régulièrement dans ces trois albums en essayant de se rappeler comment ça faisait de vivre sans cheveux blancs ou encore d’être en forme le soir après 22 heures … fragments (re)dorés d’une vie désormais révolue.

 

* On me dit qu’on serait aujourd’hui en 2011 … moi je dis qu’on chipote un peu, 20 ans plus tard on n’est plus à quelques mois près ... ou comment mettre en ligne une chronique avec un an de retard.

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publié par le 07/03/11