Laura Cahen est non seulement notre découverte personnelle de l’année 2023 (au festival de la nuit des forêts de Fontainebleau) mais elle remporte aussi haut la main notre place d’album français de l’année avec Des filles, sa version étendue de l’album Une fille sorti en 2021. Entre les vœux de 2024 et les victoires de la musique (aucune nomination), revenons sur ce disque qui nous a accompagné en fil rouge pendant une grande partie de l’année.

concepts

On est souvent mitigé en ce qui concerne les éditions de-luxe. Elles sont habituellement longues et peu digestes avec pour commencer l’album en question puis des fonds de tiroirs et lives. Là où Laura Cahen fait fort c’est qu’elle multiplie les concepts. Ce sera un album avec un nouveau titre en référence au précédent, les morceaux additionnels seront placés en ouverture du disque et seront nouveaux… et en duo avec, je vous le donne en mille, des filles. Et les concepts, on aime. Surtout quand la qualité des morceaux s’accorde avec l’idée de départ. Par contre, c’est plus long à chroniquer, forcément. Une fois n’est pas coutume procédons par morceaux choisis.

apaisement

Le premier choix est le choix du cœur. "Pardonne-moi" n’est pas un duo mais une reprise inspirée d’un morceau d’une autre Laura ("What he wrote" de Laura Marling). Et il n’est pas moins beau en français qu’en anglais, loin de là. Des arpèges sur une guitare classique, un chant tout en douceur, c’est un moment d’apaisement total, bienvenu en ces périodes quelque peu tendues.

lumière

Le second choix est celui de l’efficacité. Le morceau d’ouverture "Là où je vais", en duo avec Jeanne Added, met en lumière tout ce qui fait la force de Laura Cahen. Un voix fluette qui caracole, en équilibre instable mais tellement touchant, sur une musique légèrement datée eighties-remise-au-gout-du-jour. C’est plutôt improbable mais ça marche magnifiquement bien. Et Jeanne Added complète bien le morceau de sa technique irréprochable, contenant la fragilité de Laura de sa présence rassurante.

abandon

Le choix suivant est "Désarmée", le morceau qui nous a tant plu en live au cœur de la forêt de Fontainebleau. Le jeu de guitare, rapide, enlevé, donne une dynamique exceptionnelle au morceau. Il s’accorde avec ce vent qui balaye tout jusqu’à faire tomber les armures. Un chant de laisser-aller, d’abandon qui nous touche particulièrement.

regard

Le quatrième choix pour parler un peu plus de la production musicale. "Cavale" est assez représentatif de ce regard en arrière vers les années 80 (tout comme cette pochette à la photo très resserrée). Tout, du son de batterie aux petits zigouigouis électroniques en fond sonore, nous y ramène mais c’est suffisamment digéré pour ne pas sonner trop daté et nous exclure d’emblée. Et sorti de nulle-part un pont de guitare saturée vient relever le morceau. C’est un patchwork qui fonctionne très bien et prend même son envol sur les refrains aux accents quasi-Kate-Bushiens.

feutré

Le dernier choix est celui de la beauté. Ce "Coquelicot" avec Yael Naim était déjà sur l’album Une fille et a du mettre la puce à l’oreille de tout le monde pour une version de l’album étendue de duos féminins. Ce morceau est magique, un jeu de guitare à la fois dynamique et feutré, le chant suave de Yael Naim, les orchestrations délicates. 2021 était décidément l’année du coquelicot (Juliette Armanet s’étant fait griller la priorité cette fois-ci, sera bien présente en 2023 parmi ces duos pour "Danse", un morceau de séduction électro très réussi).

temps

Nous aurions tout autant pu nous attarder sur d’autres morceaux, sur le duo avec Emel, "Toutes les filles", et ses superbes interludes en arabe (une réponse au "Courage des oiseaux" de Dominique A ?), sur la sautillante et entêtante "La jetée" ou bien sûr sur le manifeste "Dans mon lit". Mais cela suffit pour aujourd’hui, il est largement temps de se remettre en mouvement, de rejoindre Laura Cahen et à nouveau marcher sous la pluie.

live session de LiveMeIfYouCan venant de la chaine youtube de Laura Cahen