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publié par Mélanie Fazi le 29/01/15
The Color Book - Lycée Claude Monet, Paris - 28/01/2015
Lycée Claude Monet, Paris

L’un des plaisirs de suivre un groupe dans ses divers projets et ramifications, c’est aussi d’assister à de petits spectacles ou showcases dans des lieux inattendus entre deux concerts plus gros dans de « vraies » salles. Une semaine avant d’aller retrouver toute la puissance scénique de Demi Mondaine au Pan Piper, c’est ce soir dans un lycée qu’on s’apprête à découvrir The Color Book, projet développé par Béatrice en compagnie de son acolyte Dimi Dero et inspiré par le travail de l’illustrateur Bernie Wrightson.

En découvrant le projet et son incarnation scénique, on retrouve la même impression que lorsqu’on avait, l’an dernier, assisté à une représentation de Hair à laquelle participaient Béatrice, Mystic et Zoé, soit trois quarts de Demi Mondaine : celle d’un groupe qui ne se contentera jamais de creuser le même sillon et la même formule, mais qui possède une réelle curiosité, une envie d’explorer différents univers, de créer des passerelles entre les disciplines. On est ce soir à mi-chemin entre concert et mise en scène théâtrale, ne serait-ce que par le décor : le fond de la scène est tendu de tissu violet, des bougies sont disposées en arc de cercle, le tout est agrémenté de crânes et d’illustrations encadrées des monstres de Bernie Wrightson.

Goules, sorcières et scies musicales

Le spectacle commence, Dimi Dero prend place à droite derrière la batterie, Béatrice à gauche derrière le clavier, vêtue d’une splendide robe blanche de mariée, celle-là même qu’elle arborait dans la session que Demi Mondaine nous accordait l’été dernier. On redécouvre dans un premier temps les chansons du CD 5 titres sorti tout récemment, qui nous avait rendus d’autant plus curieux de découvrir le spectacle. Chaque chanson donne une voix (et quelle voix !) à un monstre : goule, momie, sorcière ou zombie, sans oublier la créature de Frankenstein à qui est consacré l’un des morceaux les plus touchants, ce monstre malgré lui à qui son créateur a oublié de donner une âme.

On pourrait décrire The Color Book comme un petit cabaret gothique qui joue avec jubilation des ambiances macabres du fantastique. Musicalement, le projet est à des lieues du rock viscéral de Demi Mondaine, mais tout aussi inspiré et habité. Le jeu de batterie à la fois subtil et fougueux de Dimi Dero répond à la belle voix grave de Béatrice, une de ces voix qui naissent des tripes pour s’adresser aux vôtres et qui savent, en quelques notes seulement, vous donner la chair de poule. L’osmose entre ces deux-là est parfaite. S’en mêle parfois une scie musicale qu’on torture pour en tirer d’étonnantes sonorités, puis une perceuse dégainée par Béatrice dans la deuxième moitié du concert, lorsqu’elle quitte le clavier pour la guitare et qu’on retrouve devant nous le « fauve de scène » des concerts de Demi Mondaine, pour reprendre l’expression judicieuse d’un ami fan du groupe.

Poésie macabre

Le concert s’emballe dans sa deuxième moitié, devient plus rock, plus varié, moins intimiste, mais toujours aussi prenant. Le livret distribué à l’entrée parle d’un « univers musical et visuel gothique entre Nick Cave et Tim Burton », et ces comparaisons souvent galvaudées prennent ici tout leur sens. On a effectivement pensé à Tim Burton à plusieurs reprises, à cette façon de souligner les aspects ludiques et poétiques d’une imagerie macabre sans sombrer dans le cliché. On quitte la salle convaincu, et même converti, par ce qui s’annonce comme bien plus qu’un simple projet parallèle. Les chansons résonnent encore à nos oreilles sur le chemin du retour, et l’image savoureuse de Béatrice en « dame blanche à la perceuse », presque une créature fantastique elle-même, nous accompagnera encore longtemps.

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publié par le 29/01/15