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publié par gab le 28/05/09
sophie hunger
- monday's ghost
monday's ghost

Décidément il ne faudrait pas vieillir ... c’est qu’avec le grand âge le sapiens moyen a de plus en plus de mal à se départir de ses petites habitudes, ses huit heures de sommeil minimum, ses trois cafés judicieusement espacés, ses albums écoutés de A à Z dans l’ordre précis auquel il s’est lentement mais surement habitué. Et si pour ce qui est du sommeil et des cafés, on ne se fait pas trop de soucis, un semblant d’ordre journalier lui permettra toujours de faire face aux imprévus, pour ce qui est des aspects musicaux, ça devient malheureusement de plus en plus difficile de s’y retrouver à l’heure d’internet et consorts.

fragile

Déjà pour commencer, le vieux schnock qui se respecte ne se contente pas d’un album téléchargé on ne sait où, non, il lui faut du concret, du CD, de la matière à déménager pour le petit dernier. Et bien qu’il se soit habitué à un album en version dégradée sur son lecteur mp3 (notez qu’il fait des efforts pour être à la page tout de même), l’ancêtre finit toujours par acheter la galette dans un vrai magasin avec des vrais gens dans une vraie rue. C’est désuet au possible, on vous l’accorde, mais ça lui fait plaisir, on ne va pas lui enlever ça non plus. Sauf que voilà, plus souvent qu’à son tour il est déçu notre ami ; car une fois sur deux figurez-vous que l’album payé (cher) ne correspond pas vraiment à celui découvert petit à petit, celui dont il s’est imprégné au plus profond de sont être fragile.

arrangements

Oh il s’agit en général de changements mineurs, de petits trucs qui feront le plus, décidés entre deux croissants en réunion marketing ... mais se rendent-ils seulement compte des conséquences désastreuses de ces petits arrangements entre amis pour le quidam bedonnant ? C’est comme ça qu’on se retrouve avec un morceau sans intérêt en français en plein milieu du dernier Nada Surf par exemple (si encore ils l’avaient mis à la fin), ça rompt tout le charme et la connivence patiemment établis. Remarquez, ce n’est pas nouveau, c’était déjà le lot commun de toute réédition tire-fric qui se respectait et vous vous retrouviez avec des versions inexploitables de James (Gold mother sans "Crescendo" et "Hang on") ou de Tori Amos (Boys for pelé avec un remix de "Professional widow" en milieu d’album) ... vous n’aviez plus qu’à retourner à vos K7 chéries.

Et Sophie Hunger dans tout ça ?

Plus rarement les marketeux de l’industrie musicale jouent à chamboule-tout, ils prennent un album sorti chez un de nos voisins (la suisse par exemple) et comme dans ces pays là ils n’y connaissent rien en force de vente et autres études commerciales, nos marketons font leur malin en réagençant l’album comme il doit selon eux être pour en vendre un maximum. Eh oui, c’est bien connu, le single accrocheur en septième position : une hérésie ! Une chanson en allemand, si magnifique soit-elle, en début de disque : ça ne marchera jamais en France ! (entendre ça à l’ère post-Tokyo Hotel, on croit rêver) Et hop, en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « universal », on vous ramène le single en deuxième position histoire d’en mettre plein la vue, on vous décale la chanson en allemand en fin d’album (en sucrant au passage l’autre chanson en allemand, duo pourtant plutôt réussi avec Stefan Eicher), etc ... etc ... On fait sa petite popote tranquillou et au final on se retrouve avec un album à l’ambiance complètement déstabilisée, manichéenne, avec une première moitié de chansons très rythmées et une deuxième moitié toute calme (et pas loin d’être chiante du coup). Bref on perd toute la subtilité, ce début d’album incroyable qui nous déposait comme une fleur en milieu de disque sur l’excellent single "Round and round". Et ça, les p’tits gars, le vieux, ça l’énerve quelque chose de bien !

grain

Bon en même temps tout n’a pas été loupé dans ce lifting forcé, on soupçonne Sophie Hunger d’avoir résisté un minimum et été mettre son grain de sel dans l’affaire puisqu’on perd certes trois titres mais on en gagne d’autres, et des plutôt réussis ; on gagne aussi des arrangements sympathiques comme ces chœurs à la fin du single. Ainsi, une fois n’est pas coutume, nous vous proposons dans notre infinie bonté une cargo playlist officieuse, basée sur l’ordre de la version suisse de l’album tout en y intégrant les nouveaux morceaux de la version française, pour cet excellent - au final - album de Sophie Hunger, Monday’s ghost :

1. Shape
2. The boat is full
3. A protest song
4. Walzer für Niemand
5. Birth-day
6. Monday’s ghost
7. Round and round
8. The tourist
9. Teenage spirit
10. Rise and fall
11. Drainpipes
12. House of gods
13. Beauty above all

Et maintenant qu’on a remis les choses dans le bon ordre, on va pouvoir commencer cette chronique, nom d’un matelot.

filet

En fait c’est un peu idiot mais la principale faute de redéploiement, la grande perte de subtilité, on la doit sans doute essentiellement à l’éclatement de la charnière "A protest song" / "Waltzer für Niemand", deux fantastiques morceaux qui en début d’album instillent une magie, un caractère extrêmement fort au disque. Sur deux titres calmes, tout en feeling, la partie est gagnée, on entre d’un coup et pour longtemps dans l’univers de Sophie Hunger. "A protest song", la pureté du chant, déposé sur un filet d’arpèges, frappe au cœur et se mange sans fin. "Waltzer für Niemand", joyaux de l’album, nous réconcilie quant à lui avec l’allemand chanté pour trois générations au moins. C’est bien simple, on n’avait pas frémi comme ça depuis "99 luftballons" en 1983 ... pas mal pour une délicate ode au pistou (parlant de manger sans fin), ça vous réconcilie forcément avec l’existence.

paolo

Alors évidemment les morceaux s’articulant autour de cette charnière méritent eux aussi tout notre intérêt, mettant en lumière la voix et la sensibilité de Sophie Hunger ("Shape", "Rise and fall", "Drainpipes"), donnant du percutant, de l’allant à l’ensemble ("The boat is full", "The tourist"), ou tout simplement nous embarquant sans complexes pour un voyage mémorable ("Birth-day", "Teenage spirit", "House of gods"). N’oublions pas non plus les fortes têtes : l’inclassable "Monday’s ghost" à l’intermède Paolo-Burtonien, ajout bienvenu de la version française du disque tout comme le superbe et déchirant "Beauty above all" ; et bien sur l’excellent single "Round and round" qui aura fait le tour des radios en ce printemps 2009. Succès amplement mérité pour un titre passant sans hésitations d’un refrain hocheur-de-tête à une fin limite atonale.

cerise

En résumé, maintenant qu’on a bien fait notre (vieux) malin, il ne manquerait plus pour couronner cette intrépide chronique que Sophie Hunger ait elle-même orchestrée de bout en bout, et après moult réflexion, la transformation française de l’album. Afterthought qui nous vient comme ça en cerise sur le gâteau et qui ne manque pas, assez inexplicablement, de nous mettre en joie ... à moins que ce ne soit tout simplement le retour inespéré du beau temps ces jours-ci, balançoire à l’appui. Cuit.

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publié par le 28/05/09