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publié par octane le 01/10/01
Simian - Propager la bonne parole

comme en attestent, parmi d’autres et de ce côté-ci de l’atlantique, les livraisons du beta band, des sfa ou des gorky’s zigotic mynci, le psychédélisme comme époque de référence aussi bien que comme mode opératoire aux prolongements expérimentaux continue à nourrir la créativité et l’imaginaire de nombreux artisans pop. ce ne sont pas les mystérieux simian qui diront le contraire. dernière signature de source uk à franchir l’étape de l’album, le groupe a pris ses quartiers à londres et se présente volontiers comme une somme d’individus de laquelle la notion de leader est pour l’instant absente. pour la bonne et simple raison qu’il s’agit de conserver ce va-et-vient d’idées qui finira par poser les fondations d’un titre. adepte de l’expérimentation dans le cadre néanmoins délimité d’une composition à l’ancienne, la joyeuse bande accouche au sein de chemistry is what we are de plusieurs joyaux forcément intemporels puisque d’un classicisme déjà éprouvé par leurs aïeux : syd barrett, les beatles en montée de trip, ou les beach boys pour ces harmonies vocales dont simian se repaît... il faut aussi ajouter les influences de nombreux styles qui affleurent çà et là (jazz, dub, folk...). comme sur le single "the wisp", le piment électronique achèvera de relever ce cocktail qu’on aurait donc tort de simplement considérer comme un élixir de jouvence. par ailleurs, une précision s’impose : les simian sont quatre et il en est de même en interview. et s’ils parlent souvent d’une même voix, le confort de lecture a tout de même requis que leurs réponses soient regroupées... (interview du webzine 99octane)

avant de venir, je regardais la vidéo de the wisp (disponible ici). vous êtes à l’origine du concept ?

on a beaucoup travaillé sur une imagerie à l’ancienne, assez mystérieuse, ça collait bien à notre musique. et la vidéo, avec ses dessins qui s’animent et composent un monde imaginaire, s’inscrit dans cette même démarche esthétique. a l’époque, on lisait pas mal de nouvelles fantastiques, où se mêlaient dérives de la science et surnaturel, ou des trucs comme tales of the unexpected [de roald dahl]. c’est sans doute de là que nous vient l’inspiration. l’idée était aussi de nous présenter comme ayant des pouvoirs magiques... et puis c’était l’occasion de se déguiser [rires]. on aime bien ça.

dans le clip, on retrouve ces animaux féeriques qui sont également à l’honneur sur vos pochettes. qu’est ce qui vous a plu dans le travail de thomas grunfield ?

ce sont des images "virtuelles" très particulières, certaines personnes voient un côté un peu vicieux à cet assemblage d’animaux, mais d’un autre côté, et c’est ce qu’on a beaucoup aimé, thomas grunfield a une façon très belle et naturelle de recomposer ces nouvelles créatures à partir de différents éléments. c’est un peu une métaphore pour ce que nous essayons de faire en musique : mettre ensemble des choses qui ne vont pas forcément ensemble et avoir une certaine dose d’irrévérence vis-à-vis des formes traditionnelles. avec comme résultat des chansons qui intriguent mais restent harmonieuses. ce qui est bien avec ces créatures, c’est qu’elles sont imaginaires, mais pourtant elles semblent pouvoir exister...

pour vous, ces animaux auraient plutôt leur place dans un conte de fées ou dans un cauchemar ?

un peu des deux. celui qui voit ces photos, comme celui qui écoute notre disque, devra dans le meilleur des cas engager sa propre imagination et se créer une vision personnelle des choses. c’est bien que le mystère demeure, et que chacun s’investisse...

a travers votre site, vos pochettes, l’image semble prendre une part très importante dans un concept global...

tout est parti du disque, une fois les titres composés et assemblés, on a été signé par un label [source] et on est donc passé à la phase "industrielle". après en avoir discuté ensemble, on a pris la décision d’étendre la créativité au-delà du seul domaine musical pour se porter aussi sur l’image ou l’aspect promotionnel. on a essayé de prendre du plaisir, de rendre le côté commercial intéressant aussi bien pour nous que pour le public. beaucoup de groupes ignorent cet aspect là des choses, leur truc c’est la musique, point. on ne voulait pas se passer de ça. un média comme l’image permet également de véhiculer pas mal d’idées sur la musique en elle-même. on aurait pu se reposer et laisser ça à d’autres, mais on est content d’avoir couvert tout le processus.

vous jouez de beaucoup d’instruments différents, vous improvisez constamment... même si votre musique se base sur des figures libres, à la fin c’est bien à des chansons auxquelles on a affaire. pour vous l’expérimentation doit toujours servir des ambitions mélodiques ?

l’expérimentation prend une bonne part dans notre musique, mais elle intervient surtout dans la manière de traiter les chansons, de les enregistrer ou de jouer avec les sons. ce n’est pas un but en soi. la base reste la mélodie. parfois, mais c’est beaucoup plus rare, les chansons viennent de nulle-part. c’est le cas pour "the wisp", qui est le résultat d’une jam session dans le studio. mais bon, on ne trifouille pas non plus des sons bizarres pendant des heures en attendant de trouver quelque chose. les fondations d’un titre doivent préexister et pouvoir être jouées à la guitare, très simplement. c’est un peu ce que l’on fait en live d’ailleurs, puisqu’on ne peut pas emporter tout le matériel. sur scène, le traitement est beaucoup plus minimal et ça permet de valider la qualité d’une chanson : si jouée différemment elle reste encore valable, c’est que la composition est bonne. pour en revenir à l’écriture, une fois que l’on a trouvé une idée forte (des notes ou des paroles), on va ensuite jouer sur la structure ou ajouter différentes couches. un peu comme le font ceux qui composent de l’electronica. et là, tout le processus se fait assez rapidement. les différentes phases jusqu’au mixage sont souvent assurées dans la journée même. on n’est pas des acharnés de la perfection. on préfère garder l’énergie initiale d’un morceau plutôt que de fignoler à l’infini. on conserve les erreurs et leur côté humain. souvent la basse ou la guitare que l’on entend sur le disque viennent de la première ou de la deuxième prise. ce qui ne nous empêche pas d’ajouter plusieurs strates de sons ou de soigner les arrangements, mais ça doit être fait rapidement, dans la foulée.

comme une réaction en chaîne ?

oui. pour nous être dans un studio n’est une étape vraiment créative que si tout se passe vite, dans l’urgence. si ce n’était pas le cas, on finirait par s’emmerder. cette vision des choses remonte à la manière dont on a fonctionné ensemble au début. souvent on n’avait que le week-end pour se retrouver tous ensemble, il fallait enchaîner.

c’est souvent ce qui se passe quand les gens vont en studio et que l’heure tourne, mais vous, vous avez vos propres studio...

si tu payes pour entrer en studio, il est clair que tu ne vas pas expérimenter. tu vas te rabattre sur ce que tu sais faire parfaitement, parce qu’il y a une heure butoir qui se rapproche dangereusement. et tu ne veux pas risquer, le temps venu, de te retrouver dans une impasse. on n’a pas ce problème. on tente plein de choses, certaines idées sont meilleures que d’autres, et ces dernières seront rapidement abandonnées. Ça n’a aucune importance. notre studio ne s’appelle pas trial and error [essai et erreur] pour rien [rires]... et le temps est de notre côté.

votre direction musicale est justement de ne pas avoir de direction précise : sous une première couche psychédélique, vous touchez à pas mal de styles. c’est la résultante de backgrounds personnels complètement différents ?

on était tous fans de choses assez diverses, mais en vivant ensemble on s’est constitué un réservoir musical commun qui permettait à chacun de faire partager sa passion pour tel ou tel disque. donc on a finit par se rejoindre sur certaines idées, ou sur des vibrations qui parlent à tout le monde. quand on commence une chanson, on ne se donne pas un genre de prédilection auquel le titre devrait faire référence, ça ne peut que nous limiter. d’un autre côté, je pense que l’on discerne facilement à l’écoute du disque la musique qui nous a inspiré. il y a une certaine direction définie, mais pour nous ça relève plus de l’inconscient et d’un mélange d’influences très diverses.

quel dieu est glorifié dans l’église de simian [voir le site pour avoir des renseignements sur "the church of simian"] ?

et bien... simian [rires].

et beaucoup d’adeptes vous suivent aveuglément ?

oui, on a déjà eu à faire face à des suicides collectifs [rires]. c’est une nouvelle religion qui à bien des égards remporte un succès au moins égal à celui du christianisme [rires]. sérieusement, l’idée de l’église vient du fait que nous avons voulu créer des soirées-happenings, où plein de gens viendraient se retrouver comme s’ils allaient à un office. un endroit où nous pourrions présenter nos idées, jouer notre musique et propager la bonne parole. le tout dans un environnement créatif plus intense et personnel que dans une simple salle de concert. ce n’est pas non plus aussi sérieux que ça en a l’air, ça permet juste de donner une autre dimension à la musique. d’un point de vue quasi-architectural, l’ambiance et l’acoustique d’une église sont très importantes et originales.

c’est vous qui invitez les artistes présents lors de ces soirées, vous qui les choisissez [outre simian, une première soirée, en juillet, a réuni andy votel (un des deux patrons de twisted nerve avec bdb), ladytron ou future sound of london] ?

oui, et il ne s’agit pas que de musique. il y aussi des peintures, des projections vidéo... c’est une célébration multimédia du "mieux" [rires].

si quelqu’un vient chez vous quel genre de disque trouvera-t-il au sommet de la pile ?

beaucoup de musique psychédélique des années 60, majoritairement américaine et west-coast. et des songwriters comme tim buckley ou tim hardin. du jazz... miles davis. plein de choses en fait, on s’est récemment mis au rock progressif anglais ou au reggae. même au r’n’b, pour les trouvailles de certains producteurs.

vous êtes bien chez source [uk], au milieu de vos camarades de label [kings of convenience, turin brakes, gemma hayes...] ?

c’est toujours grisant de prendre part à la naissance d’un label. les gens là-bas essayent vraiment de faire les choses bien, en accord avec les artistes. il y a beaucoup d’énergie. Ça se voit quand on va dans les bureaux, tout le monde est jeune et enthousiaste [rires]. et puis source a aussi un angle international qui est très intéressant, comparé à d’autres labels anglais un peu renfermés sur eux-mêmes.

vous avez aussi votre propre label, trial & error recordings (voir le site). quelles sont vos intentions pour cette structure ?

dans le contrat que nous avons signé avec source, on a voulu laissé une porte ouverte. comme on enregistre tout le temps, on a envie de pouvoir sortir d’autres titres, parfois plus expérimentaux, qui ne collent pas forcément avec l’image de simian. les artistes présents sur notre label sont souvent des membres de simian, qui font leur leurs trucs de leur côté ou en collaboration avec d’autres groupes.

a quoi ressemble un de vos concerts ?

a celui d’un groupe tout simple, à part que tout le monde chante. on veut que nos tournées soient gérables, donc on se concentre sur le "coeur" de notre musique. avant on jouait avec des boucles et des samples, maintenant on a recours à de vrais instruments. bien sûr, dans l’absolu, on aimerait bien faire appel à un orchestre ou à un choeur, mais mieux vaut être réaliste pour l’instant. on pense aussi incorporer une partie visuelle, avec des projections faites par des amis ou des fans. dans l’optique de sortir un peu du cadre d’un concert conventionnel.

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publié par le 01/10/01