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publié par Mélanie Fazi le 10/10/11
Phoebe Killdeer & The Short Straws
- Innerquake
Innerquake

On gardait de Weather’s coming le souvenir d’un des albums les plus attachants de 2008. Littéralement, d’ailleurs : un album impossible à se décrocher des oreilles. Enthousiasme confirmé ensuite par une série d’impressionnants concerts à l’énergie hautement contagieuse. Autant vous dire que l’on guettait ce deuxième album de Phoebe Killdeer & The Short Straws avec impatience et curiosité.

Ligne directrice

Weather’s coming s’ouvrait sur le bruit des percussions, annonçant d’emblée la ligne directrice d’un album tout entier porté par la batterie. Ici, ce sont les guitares électriques qui nous accueillent dès les premières notes de “Pedigree”. Là encore, elles donnent le ton. C’est la guitare qui prédomine sur Innerquake, des accords rageurs de “Scholar” aux nappes hypnotiques de “Highway Birds”. Sur la plupart des morceaux, la tension naît d’un dialogue entre ces guitares aux accents presque gothiques par moments, et cette voix riche et versatile capable d’épouser les recoins de la musique et de s’y adapter sans jamais s’y perdre : parfois glaçante, parfois caressante, toujours aussi envoûtante.

Road-movie

Ce qui frappe également sur Innerquake, c’est la noirceur de l’ensemble. L’album est plus uniforme, moins foisonnant peut-être que Weather’s coming, mais semble davantage porté par une ligne directrice : un album dont le tranchant évoque une lame qui fendrait tout sur son passage. L’énergie insensée qu’on associait au groupe est toujours là : quand la machine est lancée, pas de temps mort. Quelques morceaux à la tonalité plus jazz (“The fade out line”, “Up and down”) font figure de respiration, mais la tension reste constante. Même ces accents jazzy n’ont rien à voir avec la musique inoffensive et grand public qu’on y associe souvent. Ici, tout est sombre, l’orage couve, les basses sont lourdes et l’atmosphère étouffante. Comme sur le splendide “Highway Birds” qui rappelle l’Elysian Fields de l’époque Bum raps & love taps, et notamment son étrange “Lame lady of the highway”. “Highway Birds” est une de ces chansons où les motifs de guitare sont à eux seuls porteurs d’histoires. Ça pourrait être la bande-son d’un film noir, très noir, désespéré. Sans aucun doute, l’un des sommets de cet album.

Déferlement

À l’opposé du spectre musical, l’autre sommet serait “Scholar” tout en déferlement d’énergie furieuse qui nous happe et nous emporte comme un courant. Des bouffées d’émotion insoupçonnées nous cueillent parfois au détour d’un refrain (“Angel’s breath”), surnageant à la surface du maelstrom sonore. Ici, pas de morceaux euphorisants comme pouvaient l’être “Jack” ou “Looking for a man” sur l’album précédent pour tempérer la noirceur et la dureté ambiantes ; pas d’exercices de style comme un “Big fight” empruntant des accents à la Tom Waits. Innerquake trace un tout autre chemin, mais avec la même maîtrise et la même assurance. L’album nous comble finalement là où le Blood pressures des Kills nous décevait il y a quelques mois : la rage contenue qu’on attendait en vain chez eux, c’est ici qu’elle se trouve. Reste maintenant à découvrir ces morceaux en live. Certains, comme “Scholar” ou “Pedigree”, paraissent taillés pour la scène, et on sait à quel point le groupe y excelle. Sur album, elles sont déjà une magnifique confirmation de tous les espoirs qu’on avait placés en eux depuis la découverte de Weather’s coming.

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publié par le 10/10/11