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publié par Mickaël Adamadorassy le 23/02/12
Person Of Interest - Saison 1
Saison 1

Produite par magic JJ Abrams, cette série n’a pas autant buzzé que son autre poulain, Alcatraz. Pas de mystères défiant le réel ici, mais quelque chose de plus troublant, l’avènement du big brother fantasmé, en aboutissement logique de nos sociétés technologiques et de la paranoïa post-9/11. Welcome to the machine, my son.

Murder by numbers

9 chiffres. C’est le point de départ de tous les épisodes de Person Of Interest (qu’on va appeler PoI par la suite). 9 chiffres, un numéro de sécurité social (américain), l’identité d’une personne qui va mourir ou qui est en tout cas impliquée dans un crime violent.

Dans Minority Report, ils avaient des precogs pour voir les crimes dans l’avenir. Dans PoI, c’est la Machine, un ordinateur super-puissant qui écoute tous les téléphones, voit par toutes les caméras de surveillance et analyse toute la somme d’informations que projettent nos vies digitales.

Créée pour répondre aux carences du renseignement après le 11 Septembre, la Machine recoupe toutes ces données pour traquer les terroristes et déjouer des attentats. Et ça marche, tellement bien en fait qu’elle voit toutes sortes de crimes, même ceux qui n’ont rien à voir avec le terrorisme, mais ces données-là sont jugées comme étant "non pertinentes" (en anglais "irrelevant", le même genre d’hypocrisie bureaucratique que "collateral") et effacées tous les jours.

Robin tu boites

Et c’est totalement inacceptable pour Mr. Finch (joué par Michael Emerson, le Benjamin Linus de Lost) , le mystérieux personnage qui a conçu le programme informatique de la Machine. Alors il s’est aménagé une backdoor dans le système, une brèche la plus infime possible pour ne pas être repéré par les protocoles de sécurité, juste 9 chiffres auxquels il peut accéder pour identifier les personnes que la Machine a repérées.

Finch ne dispose donc que du résultat de l’analyse de la machine et pas de son raisonnement, et c’est comme en maths, le résultat sans la démonstration ça vaut pas grand chose : Finch ne sait pas si la personne dont il a le numéro est la victime ou le meurtrier, il doit donc reconstituer le fil des événements tout en protégeant ou arrêtant sa cible.

Il y a juste un problème : Finch est plutôt le genre intellectuel chétif et il boite.

La tête et les jambes

Il recrute donc John Reese, un ancien de la CIA qui a contrario est un spécialiste de la surveillance et aime bien utiliser ses poings et ses flingues, voir foncer dans le tas sans trop se poser de questions. Quand il se fait recruter, Reese est un clochard, complètement à la dérive et en train de se noyer lentement au fond de sa bouteille, Finch avec un beau discours larmoyant et un peu de bluff le persuade de s’associer à lui en devenant les muscles dans la petite opération qu’il mène avec les numéros, et puis surtout en lui fournissant un but dans la vie au travers du sauvetage des personnes qui sont derrière les chiffres.

Le bon, la brute et le truand ripoux

Très vite notre duo de choc amorce sa première enquête qui mène droit à un nid de flics corrompus. Dans la portée, il y a le détective Lionel Fusco que Reese ne va pas faire tomber mais plutôt faire chanter pour l’utiliser en tant que de taupe et surveiller Carter, une détective qui veut absolument l’arrêter. Et ce n’est pas la seule, car très vite la CIA se met aussi à rechercher activement Reese, et elle c’est plutôt mort que vif.

Simple mais efficace

PoI est un série qui fonctionne selon un format récurrent très simple : un épisode, c’est un numéro et un numéro c’est une affaire à élucider. Il faut enquêter sur une personne pour savoir qui lui en veut ou au contraire qui elle essaie de tuer et pourquoi, ce qui donne toute une phase savoureuse où notre duo de choc ne sait pas trop sur quel pied danser.

Les affaires n’ont pas toujours des thèmes très originaux mais les scénarios sont toujours solides et il est rare qu’on devine trop vite le fin mot de l’histoire, ce qui n’est pas si courant et on prend donc du plaisir à suivre l’intrigue de rebondissements en rebondissements.

Bien sûr au delà de l’intrigue de chaque épisode, en toile de fond, il y a des histoires qui se développent avec des personnages récurrents, on explore aussi le passé de Finch et de Reese mais cela est fait de manière très mesurée et subtile, c’est beaucoup moins artificiel et systématique que l’alternance flashback /présent de Lost par exemple, où à chaque fois c’est une manière pour le scénariste de vous signaler quelque chose en lettres multicolores de 3 mètres de haut. A côté le flashback version PoI c’est une petite tâche de couleur impressionniste qui vient éclairer un détail sur le canevas.

A beautiful world ?

La Machine et tout le côté Big Brother n’est pas aussi centrale dans l’histoire qu’on aurait pu le croire et finalement ce n’est pas plus mal d’éviter que les protagonistes se perdent en tirades philosophiques là dessus à longueur d’épisodes. Même si on peut se demander si cela signifie pour les scénaristes que la société de la surveillance est un bien qui ne se discuterait même pas. J’ai tendance à penser que sur le long terme la série y viendra mais pas trop vite, ce qui évite du coup les clichés déjà un peu trop ressassés, même si les interrogations sont elles plus que jamais légitimes.

Par contre, l’utilisation intensive d’images de caméras de surveillance au milieu des plans normaux, les bruits de conversation captées, tout l’arsenal de surveillance utilisée donne une ambiance de paranoïa légère mais permanente à la série et rappelle qu’on est bien dans un monde ultra-technologique où le secret n’existe plus (ce qui offre un joli paradoxe car une des forces et en même temps une des contraintes pour nos deux héros c’est qu’ils doivent rester eux anonymes)

Persons of interest

Si au final PoI ne joue pas l’esbroufe avec ses scénarios d’enquête et son concept de machine, c’est peut être bien parce que comme l’indique le titre, l’intérêt ce sont les personnes ou plutôt les personnages. Et effectivement si la série fonctionne aussi bien, c’est grâce au duo que forment Reese et Finch, ils travaillent ensemble, risquent leur vie mais ne se font pas confiance, tous les deux ont des squelettes plein le placard et aucune envie de se dévoiler. Mais malgré tout, un lien se crée, petit à petit.

La relation de Reese avec Fusco, le policier corrompu, est elle-aussi ambivalente, au début les deux se détestent et Fusco trahit Reese à la première occasion mais au fur et à mesure, Fusco comprend que Reese agit pour la bonne cause et se montre plutôt enclin à l’aider, c’est un flic corrompu qui a euh... un bon fond ? sauf que Reese continue à le prendre de haut et ne semble pas prêt à le voir comme un collaborateur et non un outil.

Faux-départs

On peut noter que Reese tout comme Finch commençait très mal la série : Finch à cause du côté larmoyant à l’extrême de son personnage et Reese avec les inserts d’une jolie scène tout guimauve de son amante décédée, procédé pénible au possible qui heureusement ne sera plus reproduit dès le deuxième épisode.De même que le côté très Chuck Norris de Reese à foncer dans le tas, comme s’il fallait prouver qu’il était un pro de la gâchette alors qu’au final c’est plutôt à contre-emploi, un vrai pro d’une agence de renseignement aura plutôt tendance à utiliser la dissimulation que la confrontation ouverte en infériorité numérique.

On est plutôt impressionné par la capacité du(des) showrunner(s) à avoir réussi à corriger le tir en un épisode et on a vraiment le sentiment que l’équipe de la série sait où elle va sur le long terme. De même, choisir, Jim Caviezel aka le Christ de Mel Gibson, pouvait paraître étrange comme choix mais l’acteur s’en sort plutôt bien et génère une empathie étonnante pour sa voix grave et ses attitudes de tueur à gages sans émotions.

La force des fondamentaux

Person Of Interest n’est pas une série qui vous couplera le souffle, qui vous impressionnera par son ton ou son image mais elle a pour elle des personnages et des histoires qui tiennent vraiment la route et un univers qui s’enrichit et se complexifie progressivement. Pour avoir vu JJ Abrams à l’œuvre sur ses autres séries, on lui fait plutôt confiance pour donner encore plus de profondeur à cet univers. Série à suivre donc !

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publié par le 23/02/12
Informations

Sortie : 2011
Label : CBS

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