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publié par gab le 20/11/15
Puisqu’il parait qu’il faut écrire...

Semaine éprouvante, traumatique. Il parait qu’il faut écrire, parler pour exorciser. Le truc c’est qu’au Cargo, on sait parler musique … et c’est à peu près tout. Le truc (2) c’est que l’instantanéité de facebook dans l’émotion (me) pose question. Alors on « like » les images marrantes du RAID faisant du porte à porte pour les calendriers, ça fait du bien, mais amener sa petite parole au concert de paroles. Pas trop envie. Pas trop envie non plus de ne rien dire. Alors un communiqué pour se joindre aux autres acteurs musicaux et préciser qu’on partage la peine des proches ? Ca va tellement de soi et parait tellement illusoire. En même temps, c’est le cas, on la partage, et ce serait peut-être bien de le dire. Visiblement aucun de nous ne l’a « senti » comme ça au cargo.

Ou alors on peut parler musique.

Et ça tombe bien, a priori on sait faire et instinctivement c’est vers elle qu’on se tourne dans ces cas-là. Mes camarades du cargo ont repris le chemin des salles de concert, c’est indispensable, mais pour les plus Melunais d’entre nous qui préfèrent passer leur temps libre dans les transports en commun, la question qui prévaut dans ces cas-là est « Que vais-je écouter ? ». Question loin d’être anodine et qui engage à long terme.

samedi

Au lendemain des attentats, attention danger, ne pas choisir un disque trop émotionnellement chargé, risque de brisage du peu de carapace qui vous reste. Risque surtout d’associer à jamais un de vos disques préférés à l’événement. Personnellement, ce sera 2.0 de Garbage, candidat idéal à la non-émotion, suffisamment péchu pour éviter de flancher et jusqu’ici associé à un voyage estival en 1998, il peut être recyclé (oui, je sais, on pense à ce qu’on peut un lendemain de tuerie, rien de tel que de se perdre dans les détails pour éviter les trop lourds sujets).

lundi

48 heures après, ça se complique côté musique avec la reprise des 3 heures de transport quotidien. Le choc initial passé il faut se soutenir/s’apaiser sans taper dans le trop sensible non plus (la carapace est scotchée de partout mais tient encore). Plutôt rester dans le dynamique mais se rapprocher de sa sensibilité. Le moment idéal pour ressortir un enregistrement de 1996 de The Frank & Walters à la route du rock (merci encore Benoit). Les Frank & Walters avaient vraiment un truc à part, parvenant à allier beaucoup d’émotion à une musique très enlevée, en trio, très pop (dans le sens noble et sautillant du terme). Ils m’ont fait énormément de bien cette semaine.

jeudi

Passé 5/6 jours, l’armure fuit de toutes parts, il est temps de lâcher du lest, de faire le fond du travail. De quitter la pop pour une musique plus recueillie, de laisser sortir les émotions. Love I obey de Rosemary Standley and Helstroffer’s Band a brillamment assuré la transition avec ce très bel album sorti cette année, profond, exhalant une forme très à-propos de pureté. Ce pourrait très bien être l’album à associer à l’année 2015, le seul capable d’apaiser l’horreur en profondeur.

vendredi

Au septième jour, on y est, Shannon Wright dans les écouteurs et l’écriture, au final, se fait. Shannon Wright forcément, depuis plus de 15 ans elle est là dans les moments difficiles pour contenir, se recueillir puis expulser. Rarement une artiste aura touché avec autant de justesse à la fois au désespoir et à la révolte. Je commence par les premiers albums qui correspondent bien à mon état du moment mais je sais que j’irai tâter de la violence des derniers disques à un moment donné et que ça me fera énormément de bien.

7

Oui, au septième jour, on peut faire un certain nombre de choses. On peut reparler musique. On peut se rendre sur les lieux pour se recueillir (il pleut en continu, c’est le moment ou jamais). On peut choisir de parler d’une personne plus particulièrement, d’une expérience qui nous a marqué.

Il y a un peu plus d’un an, après plusieurs années à repousser l’échéance, je me suis résolu à faire quelque chose pour aider ma vieille guitare folk. Une Seagull (en tant que fan de Ride, il fallait bien ça) achetée à la fin du siècle dernier qui ne sonnait plus tout à fait comme dans sa jeunesse, la faute à un manche qui avait visiblement trop travaillé. Le moment était grave, solennel, à qui confier -empli de doutes- mon instrument fétiche, primordial, irremplaçable ? Là, je commence à me renseigner, voir ce que valent les luthiers de Melun ou des environs (il n’y en a pas pléthore), questionner les potes autour de moi pour savoir s’ils me conseillent quelqu’un. C’est notre Micky, comme souvent quand il s’agit de musique, qui me sortira du chapeau et me conseillera Eponyme guitares, métro Gambetta. C’est donc avec une appréhension non dissimulée, pour ne pas dire la boule au ventre, que je confiais ma guitare à ce jeune luthier. La première rencontre fut courte mais rassurante, il était clairement passionné par son métier (le fait qu’on discute avec lui dans son atelier, avec tous ses outils, met aussi dans l’ambiance) et surtout, très important quand la peur vous assaille, il se montra à la hauteur émotionnellement, ne prenant pas le client peu rassuré de haut comme c’est si souvent le cas dans les boutiques musicales de France et de Navarre. Un mec bien en somme, à l’écoute, compréhensif. Pour preuve lorsque j’y suis retourné une ou deux semaines plus tard, il n’a pas manqué d’avoir un petit mot sympa pour ma guitare au passage, ce qui fait toujours du bien par où ça passe. Bref, ce luthier m’a fait forte impression, humainement et professionnellement. J’avais même régulièrement depuis une petite pensée de remerciement pour lui, ma guitare sonnant à nouveau superbement bien, et j’étais bien content d’avoir trouvé la personne idéale pour le suivi de mes guitares dans le futur.

Lundi soir, j’ai été, ou plutôt, on a été très choqué d’apprendre qu’il était porté disparu et plus tard dans la semaine qu’il était sur la liste des victimes (puis qu’il n’y était plus, à la demande de la famille). Alors en parler, ne pas en parler ? Que dire puisqu’on ne le connaissait pas vraiment ? Au septième jour, on peut simplement témoigner d’une perte musicale pas comme les autres et se joindre à la peine de ses proches d’une ou deux fleurs devant son atelier déjà bien garni, d’un ou deux cargotons sous leur parapluie (merci Micky).

Au septième jour, pour finir, on peut aussi se réjouir de l’arrivée du week-end, d’être au plus près de son épouse et de ses enfants, d’essayer de faire sens plutôt qu’automatismes. Et de remettre les questions musicales à lundi.

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