Ne nous méprenons pas, j’ai été fan, archi-fan, de U2. De ma découverte des albums Boy et War en 1988 (je pense) à la sortie d’Achtung baby (1991). Je ne renie rien, les premiers albums de U2 restent pour moi d’une saveur incomparable (j’ai toujours eu un gros gros faible pour October et je ne parle même pas du film Rattle and hum). Avec U2 je quittais le JJG de ma préadolescence pour rentrer pleinement dans l’adolescence et ses émotions complexes. Seulement voilà, la transformation grand spectacle de Bono au début des années ’90 aura eu raison de mon asservissement émotionnel. C’est sans véritable regret que je me rends compte aujourd’hui que je n’ai plus écouté (vraiment écouté je veux dire, hormis le single qui va bien à la radio) de disque de U2 depuis 1992. Et ça ne me manque pas vraiment. Surtout quand je vois passer quelques images de la nouvelle coupe de cheveux de Bono cette année (et je ne parle pas des lunettes).
Et puis voilà, aujourd’hui je me retrouve à court de lecture dans les transports et je tombe sur un hors-série de Rolling Stone magasine sur les 35 ans du groupe (d’ailleurs chez Rolling Stone on ne dit pas hors-série, je suis trop habitué à télérama, mais « numéro collector » !). Un recueil d’articles allant de 1985 à nos jours, c’est suffisamment intriguant pour se laisser tenter. Je me dirige donc avec la revue à la caisse d’un des nombreux Relays de Gare de Lyon et là, l’incroyable se produit. Le monsieur à la caisse me sourit. Je crois bien que c’est la première fois en 10 ans que ça m’arrive. Bon, à leur décharge, je ne crois pas me rappeler leur avoir spécialement souri non plus. Mais bon, on peut sans trop se tromper résumer que le vendeur de journaux dans une grosse gare parisienne ne fait pas habituellement risette au client. Mais attendez, il y a plus incroyable encore. Le monsieur me parle !!! D’un air complice il me demande si j’ai des places pour le concert. Je suis très gêné, mettez-vous à ma place de renégat, voire de prétentieux snob-anti-u2 (mais je me soigne). Non, parce que lui il en avait trouvé mais dans la fosse. Moi qui suis plutôt spécialisé dans les petites salles (le plus gros que j’ai jamais fait est un zénith de Tori Amos et je me suis juré que plus jamais), j’ai dû avoir l’air perplexe à la réception de cette information puisqu’il s’est empressé de préciser que dans la fosse, on n’y voit rien. Et là je dois dire que j’ai perdu mes moyens …
Que faire quand on vous prend en 2015 pour un fan de U2 ? J’aimerais vous y voir moi. La situation ne manque pas de piquant. A 6 euros 50 le hors-série je veux bien comprendre qu’on m’assimile à la communauté. Encore que, je n’ai pas osé lui demander le prix de la place dans la fosse. D’ailleurs, je n’ai pas réussi à émettre le moindre son. Tout juste ai-je pu former un genre de sourire qui j’espère conviait un peu de connivence (vraisemblablement il devait être plutôt gêné). Et je suis parti sur la pointe des pieds. C’est donc avec une certaine appréhension que j’ai ouvert la revue dans le métro. D’une, j’assumais moyennement d’être vu avec (même si j’ai éprouvé un plaisir certain à lire les vieilles interviews) et de deux, je craignais franchement d’être assailli par l’armée de l’ombre des fans de U2 … je ne crois pas me tromper en pensant qu’ils sont partout, qu’ils ont des signes de ralliement et qu’ils n’attendent qu’un faux-pas de ma part pour découvrir mon imposture et me clouer au pilori.
Au secours.