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publié par benoît le 06/08/08
Lykke Li
- youth novels
youth novels

Sa biographie nous présente une jeune suédoise ayant grandi, au gré des pérégrinations d’un père musicien et d’une mère photographe, sur diverses montagnes du népal au portugal. On se prend alors à imaginer un petit elfe espiègle jetant tout un tas de choses dans le vide depuis le haut d’une falaise, "pour voir le son que ça fait quand ça s’écrase", telle la Björk de hyper ballad.

« ..and for you I would (...) jump off a cliff cause you know baby I love you love you a little bit », menace-t-elle d’une ironie froide dans un premier single hypnotique. Bienvenue dans le monde joyeux de Lykke Li...

inquiétant...

Car la demoiselle n’a rien d’un petit troll facétieux - même si elle aurait bien du mal à renier ses origines scandinaves, trahie par ses traits. Elle apparaît même carrément inquiétante dans le clip de “I’m good I’m gone”, le regard blasé et le sourcil froncé, entouré de créatures hétéroclites qui ne dépareraient pas dans une troupe de nouveau cirque (pourquoi pas, au hasard, les incroyables suédois de Cirkus Cirkör) : un batteur culturiste hermaphrodite en maillot de bain, des jumelles rattlebrains aux cervicales à toute épreuve, et de vieilles personnes nageant le crawl dans un couloir en lino, par le truchement des techniques d’animation. Au milieu de cette humanité mutante et spasmophile, Lykke Li apparaît comme le chef d’orchestre rassurant d’une pop enjouée et entêtante.

lugubre...

Ce clip marquant, véritable bijou visuel, est l’oeuvre de Mattias montero, son compatriote réalisateur et directeur de la photo pour pas mal de clip d’artistes (suédois pour la plupart) et qui semble affectionner dans ses créations ce mélange de kitsch malsain et de lugubre. Il avait déjà mis en scène sa nouvelle égérie dans “little bit” où, sur un beat froid réchauffé d’une petite guitare nonchalante, elle nous gratifiait de ses talents de danseuse (son premier métier) dans un faux plan-séquence monté par un épileptique, et baigné de la lumière blafarde d’une maison sacrément peuplée...

Le site internet de mattias montero donne une idée de l’étendue de son talent ; au passage, mention spéciale au génial et captivant “what’s a girl to do” réalisé pour bat for lashes. on pense justement à ce groupe de brighton (pour ceux qui ne connaissent pas : imaginez kate bush reprise par björk et vous ne serez pas loin) quand lykke li joue d’une autoharpe (“hanging high”), ou noie sa voix dans une réverb himalayesque (“this trumpet in my head”). On pense aussi à sa compatriote Stina Nordenstam pour le timbre de voix mutin et l’ambiance parfois sinistre - la comparaison s’arrête toutefois là, car la torturée stina a sans doute grandi enfermée dans un placard plutôt que sur une montagne asiatique.

...mais en sifflotant

Jamais réellement génial mais toujours d’une audace désarmante, l’album évoque aussi les expériences sonores de cocorosie, le minimalisme sexy de micky green, et l’espièglerie de kate nash avec qui elle partage ce goût pour les petites ritournelles moqueuses. Un album qui fait preuve d’une telle retenue et d’une telle pertinence dans les arrangements - pour ne pas parler de dépouillement orchestral sur certains morceaux - qu’on jurerait une production de VV (Gonzales et Renaud Létang), les compères responsables du son classe et épuré de feist ou de... micky green, justement. Mais en l’occurrence, lykke li s’est procuré le talent d’un certain Björn Yttling, le Björn de Peter, Björn & John, d’autres suédois auteurs du fameux "young folks", le génial "tube sifflé" exploité jusqu’à la lie par les publicitaires radio ou télé.

Il est épaulé de Lasse Mårtén, une fine lame de la production made in sweden (rappelons ici que la Suède est le troisième producteur mondial de musique, et que Stockholm est la ville au monde comptant le plus grand nombre de studios d’enregistrement - ramené au nombre d’habitants), et le tout est signé sur le propre label de la demoiselle, monté pour l’occasion : LL recordings - avec deux "l" comme lykke li. Ambitieuse la gamine, on vous dit. Et attachante. Elle réussit d’ailleurs à faire collaborer toute une clique de musiciens suédois aux univers a priori inconciliables (the concretes, shout out louds, el perro del mar, et même la vulgaire robyn).

Si la Suède de 2008 a une identité visuelle et sonore, elle est tout entière dans ce que nous livre Lykke Li : un objet d’art contemporain à la séduction insidieuse, redoutablement addictif.

myspace.com/lykkeli

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publié par le 06/08/08