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publié par Nausica Zaballos le 25/08/08
Les Francofolies de Montréal -- Montréal; Canada - 24/07/2008
Les Francofolies de Montréal — Montréal ; Canada

20 ans

Les Francofolies de Montréal, festival qui fêtait ses 20 ans cette année, c’est chaque été plus de 150 spectacles d’artistes plus ou moins engagés dans la préservation de la langue et de l’exception culturelle françaises couvrant un large spectre de courants musicaux, du rap amérindien de Samian en passant par les croisements rap-punk de Gatineau, la variété de Grégory Charles, sorte de Johnny Hallyday québécois recyclant rythmes caribéens et standards soul, aux têtes d’affiche et révélations de la scène française comme Cali, Camille, Deportivo ou Thomas Dutronc.

175 concerts

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Pour célébrer en grandes pompes ce vingtième anniversaire, la programmation promettait 175 concerts extérieurs gratuits et 50 spectacles payants en salle.

Pour les festivaliers fauchés ou qui ne désiraient pas débourser un kopek pour Pauline Croze ou Véronique Samson, les Francofolies se sont déclinées cette année en 6 mondes gratuits, répartis en différentes zones concentrées en un même endroit, en plein centre de Montréal, à proximité de la place des arts et du complexe Desjardins, permettant ainsi aux festivaliers de voyager rapidement d’atmosphères en atmosphères : musiques urbaines, nouvelle chanson et même, sonorités multiculturelles par des artistes qui, s’ils ne chantent pas toujours en français, ont adopté le Québec comme nouvelle patrie ...

Les concerts rangés sous le large qualificatif « musique alternative, rock et metal » se déroulaient à l’espace la zone qui a comblé les amateurs de gros son avec Dales Hawerchuk, ceux qui préfèrent les textes sarcastiques de punkettes enragées avec MeLL et son « chaos social » et les effets parfois trop appuyés des Malajube (assisterait-on à une hybridation ratée entre du Radiohead première mouture et les Pink Floyd mâtinée de rock FM ? le concert qui m’a le plus déçue du festival).

Si réunir des artistes dont le seul point commun est de se ranger sous l’étendard de la francophonie permet de brasser une foule de festivaliers aux sensibilités et goûts musicaux pour le moins dissemblables (programmer Malajube et Diane Dufresne alternativement pour la soirée de clôture sur deux scènes voisines pourrait en faire hurler certains), c’est pourtant le grand charme de ce rendez-vous désormais incontournable pour les québécois et les vacanciers séjournant à Montréal fin juillet-début août.

communion

Les Francofolies, c’est une véritable communion entre les différents publics, les artistes et les habitants de la région descendus sur Montréal. C’est aussi le lieu où l’on peut danser avec de grands gaillards aux allures de bûcheron sur les rythmes rock-country des Frères à Ch’val (Polo Bellemare, Thibaud de Corta, Mara Tremblay, Gilles Brisebois et François Lalonde) reformés à l’occasion des 20 ans des Francofo, reprendre en coeur “Mon voisin”, tube aux paroles idiotes « J’ai un voisin, il est jamaïcain, tout le monde se joint à mon voisin » sur le tempo reggae sinsemillesque des mêmes Frères à Ch’val et se laisser emporter dans les délires visuels et auditifs des Amis au Pakistan, un musicien et quatre chanteuses electro-pop qui mettent en scène des textes absurdes en s’inspirant des jeux-video et des films de SF.

Et si le rêve de cohabitation enrichissante et pacifique entre les différentes communautés immigrées semble mis à mal par la récente bavure policière qui a coûté la vie à Freddy Villanueva, jeune nicaraguayen de 22 ans, et donné lieu aux émeutes qui ont mis le feu à Montréal Nord du 9 au 11 août dernier, les Francofolies ont vraiment été l’occasion de vérifier que la musique transcende les peurs et les différences.

samian

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Le concert de Samian en a été la parfaite illustration. Présenté comme le premier rappeur amérindien du Quebec, Samian est algonquin. Ses textes parlent bien entendu des conditions de vie difficiles des amérindiens, avec les thèmes récurrents que l’on sait, abandon des traditions, perte identitaire, méfaits des blancs envers les jeunes indiens obligés de renoncer à parler la langue des ancêtres ou violés dans les pensionnats du gouvernement...Entouré de Loco Locass, son mentor qui a accepté de le produire, et de son fidèle compagnon de route et d’armes, Shauit Aster, reggaeman et joueur de tamtam innu, Samian a réussi à faire danser une foule on ne plus bigarrée : jeunes hypes croisés au concert des Dorothés (punk cradingue), clochards de la rue Sainte Catherine se déhanchant façon hip-hop ou improvisant des figures de danse classique très réussies (!), algonquins ou iroquois sculpturaux entourés de leurs épouses et enfants obèses, membres des communautés du Nunavut plus timides, jeunes blacks en baggys... Et les paroles en algonquin ou en innu étaient reprises en coeur par une foule apparemment conquise depuis longtemps par le premier album Face à soi-même du jeune révolté lucide.

inventivité

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S’il n’est pas nécessaire de comprendre les paroles d’un texte pour être touché par le message du chanteur, les Francofolies ont également le mérite de poser la question de l’intérêt de textes en anglais, notamment pour les groupes de rock francophones. De Cocoon à Syd Matters (pour ne citer que deux exemples), de nombreux artistes rock français ont opté pour un nom de scène aux sonorités anglo-saxonnes et des textes dans la même langue. Presque tous arguent que composer une mélodie accrocheuse dans la langue de Shakespeare leur vient tout naturellement. Si la musique est de toute façon universelle, et cela quelque soit son vecteur langagier, on peut se réjouir de l’inventivité des compositions des groupes francophones canadiens qui n’hésitent pas à nommer leur formation les Moquette Coquettes, Trois gars su’l sofa ou Madame Moustache et régalent leur auditoire de textes effrontés et dansants.

Les chanteurs made in Québec comme le canadien-argentin Thomas Jensen lorgnent parfois du côté des textes de la chanson sociale française à la Louise Attaque ou Manu Chao mais ils ne se contentent pas d’imiter leurs cousins : les artistes québécois possèdent tous les qualités essentielles des habitants de la région - la vitalité, le sens de l’accueil, l’optimisme et l’envie de faire la fête - certainement importés par les premiers colons français et dont les groupes bien de chez nous pourraient parfois en ces temps difficiles davantage s’inspirer.

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publié par le 25/08/08