Mais je vous vois venir, vous vous dites « encore un breton qui nous enquiquine avec ses galettes … » et là je dis halte (« halte ! »), pas de sectarisme régional s’il vous plait, d’autant que je ne suis qu’assimilé breton, une fois par an en moyenne lors de vacances celtiques bien méritées. Breeef, les crêpes Kozelek sont nées et prolifèrent en région parisienne, c’est moins exotique mais c’est comme ça. Mais j’entends à nouveau la rumeur, que dis-je, la clameur, monter dans vos rangs, qu’est ce qui caractérise donc la crêpe Kozelek ? Si vous me laissiez terminer mes phrases, vous le sauriez déjà. La crêpe Kozelek est à la base une crêpe tout à fait « normale », avec une pâte constituée de 250g de farine, 500ml de lait+eau et 3 œufs. Petit conseil Cargo du jour, afin d’obtenir un mélange sans grumeaux, incorporez d’abord le lait+eau à la farine avant d’ajouter les œufs un par un, trop de recettes vous compliquent la vie en vous faisant mélanger œufs et farine à sec, c’est absurde et surtout très fatigant. Une fois la pâte obtenue, pour les plus patients (et les moins à la bourre) d’entre vous laissez reposer quelques heures, pour les autres munissez-vous des ingrédients de base des crêpes Kozelek, soit du beurre, du sel, du jambon, du gruyère râpé, du chèvre en bûche, des oignons, du miel et du nutella. Vous êtes prêts lancer les opérations.
Petite étape préliminaire tout de même, commencez par éplucher vos oignons et les faire revenir avec un peu de beurre dans une poêle (à feu fort au début afin de les saisir puis à feu très doux pendant un bon quart d’heure vingt minutes pour les caraméliser comme il faut). Vient ensuite l’étape la plus délicate, à ne rater sous aucun prétexte, choisir un album certifié Mark Kozelek et le mettre sur la platine. Opération délicate car on pourrait être tenté, nostalgie oblige, de mettre un Red House Painters genre Songs for a blue guitar, mais gare au deuxième effet Kozelek, vous risquez de perdre tous vos moyens et ne plus être capable de faire sauter la moindre crêpe tellement vous serez absorbé musicalement (voire recroquevillé mentalement). Non, le plus sur est d’opter pour du Sun Kil Moon, émotionnellement un peu plus neutre et parfaitement homologué pour la catégorie crêpe Kozelek. Pour pratiquer régulièrement April et surtout Ghosts of the great highway, je peux vous assurer que ce saupoudrage relève considérablement la moindre crêpe jambon-fromage.
Et cette fois c’est parti, vous pouvez vous lancer, versez votre louche de pâte à crêpe avec un petit mouvement rotatif de la poêle pour bien répartir celle-ci de façon homogène. Faites cuire la face A de la crêpe à feu relativement fort jusqu’à ce qu’elle nécessite un retournement stratégique. Pas de recommandations particulières pour cette opération, avec les doigts, avec la spatule ou mieux en la faisant sauter par enfant interposé, tout fonctionne. Ensuite, suivez-bien, ne pas remettre la poêle sur le feu !** Hors feu donc, mettre une noisette de beurre (à faire fondre sur toute la longueur de la crêpe), une bonne couche de fromage râpé saupoudrée d’oignons (ceux-là même qui se la dorent depuis vingt minutes dans leur propre poêle) et d’une pincée de sel. Recouvrir le tout d’une demi-tranche de jambon puis à nouveau d’une fine épaisseur de fromage râpé. Ensuite seulement, remettre la poêle sur le feu dont on aura au préalable baissé l’intensité. Le temps de cuire la face B de la crêpe, le fromage râpé du dessous aura fondu tandis que celui du dessus aura conservé toute sa texture râpée. Repliez les bords droits et gauche pour recouvrir le tout et servez directement. J’en salive rien que d’en reparler …
Voila, vous connaissez désormais tous les secrets ou presque des crêpes Kozelek … les esprits les plus affutés auront noté que je n’ai pas utilisé tous les ingrédients à ma disposition. Je tiens en effet à conserver un certain effet de surprise pour ceux d’entre vous qui souhaiteraient suivre le cours avancé de crêpe Kozelek-Mazzy-Starée, ne gâchons pas leur plaisir, merci pour eux. Maintenant si tout se passe bien, un album classiquement kozelekien vous fera à peu près le repas complet pour une famille de quatre puisqu’une des contreparties de la crêpe Kozelek est qu’elle doit être dégustée sortie de la poêle, ce qui implique, vu la délicatesse de la préparation, qu’il va falloir réaliser les crêpes une par une et du coup que les convives les mangent chacun leur tour … ce qui n’est pas un problème en soi puisque les autres pourront aisément se prélasser sur fond de musique kozelekienne, la boucle est bouclée, la tradition entérinée, CQFD.
C’était Goob en reportage culinaire pour le cargo !
* oui, enfin, c’est celui qui les fait qui le dit …
** en effet, si vous remettez de suite votre crêpe sur le feu, elle sera toute sèche, voire cramée, avant même que vous n’ayez complété la suite des opérations
*** je sais, il n’y a pas de note trois étoiles dans cette chronique mais je prends les devants pour couper court à toute réclamation indiquant que cette tradition ne peut m’avoir été transmise par mes aïeuls étant donné l’âge certes avancé mais pas tant que ça du sieur Kozelek. Et moi je dis qu’une voix et une musique comme celle-là ne peuvent qu’avoir vécu plusieurs vies, bande de rabat-joie, que je sois transformé en biniou si je mens !
D’ailleurs on peut noter que la pochette de l’album de Sun Kil Moon a une couleur crêpe ... décidément, rien n’est laissé au hasard.
(et je poste un message sur mon article si je veux d’abord)