accueil > articles > albums > Kill The Thrill

publié par arnaud le 20/01/06
Kill The Thrill
- Tellurique
Tellurique

Frontières des genres

Tâche ardue que celle d’appréhender un groupe en commençant par son quatrième disque, de surcroît quand la formation a déjà près de 17 années d’existence derrière elle. C’est pourtant le cas avec les Marseillais de Kill The Thrill ,évoluant aux frontières des genres, entre indus et noise, même si ces deux étiquettes paraissent trop réductrices pour le large éventail sonore que propose ce nouvel album, Tellurique, et la richesse de ses compositions.

Tripes et noise

Voilà un disque qui prend aux tripes, qui étouffe l’auditeur, le plonge dès l’ouverture dans son univers parcouru par la froideur des rythmiques synthétiques (à peine réchauffées par cette basse ronde qui sait se faire oublier pour revenir quand on ne l’attend pas), et présentant surtout un canevas de guitares torturées que, sur le papier, on aurait volontiers imaginées plus lourdes. Au contraire, sur Tellurique, les six cordes sonnent noise plutôt que metal, lorgnant même vers les brûmes distordues des shoegazers (le final impressionnant de Permanent Imbalance). On retiendra aussi l’utilisation des claviers qui prennent parfois des tournures presque pop (l’intro de Non Existence avec ses motifs tournoyants), voire new wave (sur Body par exemple, apportant un contraste saisissant avec les guitares qui pour l’occasion se font plus grasses).

Claustrophobie et noirceur contagieuse

Les ambiances de l’album sont pesantes, créant un sentiment de claustrophobie aiguëe, frisant parfois la folie (Diaphragme, chanté par Frédéric Di Benedetti, l’autre guitariste du trio, avec ses parties de saxo déglinguées) transformant chaque ébauche d’accalmie en grand bol d’air (les chœurs féminins de An Indefinite Direction, l’introduction de Body, ou le fabuleux final instrumental, The Finish, faisant la part belle aux ambiances de nappes de claviers et de guitares saturées). Kill The Thrill se fend même d’une ballade glaciale avec Like Cement, à la noirceur contagieuse et aux lignes de guitares sinueuses, s’infiltrant entre les parties de claviers et cette basse, qui fait véritablement office de colonne vertébrale, prenant le pas sur la rythmique artificielle.

Timbre rocailleux et quintes de toux

De ces profondeurs abyssales qu’impose Tellurique, et alors que la structure elle même des morceaux n’a rien de particulièrement accessible (pas vraiment ici de format couplets/refrains), c’est avant tout une impression mélodique qui prévaut. Pourtant musicalement, s’il fallait citer un nom en guise d’influence pour Kill The Thrill, ce serait vraisemblablement celui de Justin K. Broadrick qui ressortirait, tant les programmations rythmiques évoquent la froideur du Streetcleaner de Godflesh, et d’ailleurs le groupe lui rend un hommage réussi en reprenant son Us Them. Néanmoins, le chant joue chez les Marseillais un rôle bien plus prépondérant, et dans sa forme, il se différencie carrément de celui de l’Anglais, puisque Nicolas Dick assure une performance bien plus harmonieuse que les parties vocales de Streetcleaner, mettant à profit son timbre rocailleux, quelque part entre Jaz Coleman de Killing Joke, pour la puissance, et le chanteur belge Arno. Sa voix survole l’album, en habite chaque seconde, en sublime l’émotion dans son allure d’écorché vif. Et pourtant c’est un des rares titres sur lesquels on ne l’entend pas qui marque le plus les esprits. Sur Soave, la violence insidieuse que l’on percevait au long des autres morceaux, éclate en plein jour, décuplée par le phrasé de Maryline Tognolli, qui livre là une interprétation des plus efficaces. Voix filtrée et quintes de toux renforcent l’atmosphère malsaine de la composition, dont les textures des guitares épaississent encore plus le trait comme une ligne grossière de khol qui aurait coulé sous les larmes...

Plongée en apnée

Tellurique est une impressionante plongée en apnée, un univers de tension qui peut à tout moment exploser, ou simplement tutoyer les astres, à l’image de The Finish qui clôt les débats. Il impose en plus une (des) voix puissante et singulière sur un fond sonore complexe et loin des clichés du genre. 17 années, quatre albums, et presque ignorés par le public, souhaitons leur de conquérir avec cet album, quelques nouvelles âmes perturbées, et gageons que tôt ou tard Kill The Thrill saura reconnu à la hauteur de son talent. D’ailleurs en début d’année 2005, Aaron Turner, leader d’Isis, fondateur d’Hydrahead Records et au flair réputé, les conviait pour une tournée outre-Manche... Et si pour palier la frilosité et le manque de curiosité du public et de l’industrie, le salut de la scène rock française passait par l’étranger ?

Partager :

publié par le 20/01/06
Informations

Sortie : 2005
Label : Season Of Mist

Pour le même artiste