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publié par Mélanie Fazi le 24/04/11
Jesse Sykes & The Sweet Hereafter
- Marble son
Marble son

On connaît le refrain : coup de foudre immédiat pour un album qu’on n’attendait pas, on passe des semaines à s’imprégner de l’univers, de la voix, des textes, tout un concentré d’émotions brutes, on sait qu’on vient de découvrir un nouvel album à emporter sur une île déserte. Quelques années passent, le groupe continue son chemin et annonce un nouveau titre. On se prépare mentalement à la déception inévitable. On avait tant aimé se perdre dans les méandres de Like, love, lust and the open halls of the soul qu’on abordait ce Marble son avec une grosse appréhension. Difficile de succéder à un album d’une telle intensité. On s’arme de courage pour la première écoute – et là, on se prend en pleine figure les huit minutes de “Hushed by devotion”, avec ses envolées de guitare rageuses, et on comprend qu’on s’est trompé.

Recueillement

« I wouldn’t be surprised if we never sing this song again », chantait Jesse Sykes tout à la fin de l’album précédent. C’était sur “The open halls of the soul”, qui semblait parler entre autres choses de la beauté inhérente au changement, même dans ce qu’il a d’irrévocable. Cette phrase était comme une promesse dont Marble son serait l’illustration. Ce n’est plus la même chanson, effectivement. La tonalité mélancolique qu’on associe à la musique du groupe est toujours présente sur quelques titres (comme les splendides “Marble son” ou “Birds of passerine”) mais elle se fait moins poignante, plus rêveuse. Peut-être parce que la voix, plus en retrait, semble moins nous chuchoter à l’oreille sur le ton de la confidence. Elle est plus distante, comme à moitié perdue dans un songe d’où elle entame un dialogue toujours aussi fascinant avec les riffs incisifs de Phil Wandscher. Ces quelques chansons-là, les plus lentes de l’album, dégagent une impression frappante de sérénité jusque dans la douleur. Comme certains des plus beaux morceaux de Like, love, lust, elles ont quelque chose de religieux, incitant à un recueillement quasi spirituel (impression renforcée par les titres : “Hushed by devotion”, “Pleasuring the divine”). Quelque chose de très beau et d’apaisant à la fois.

Braver les éléments

Les autres titres de l’album, en revanche, prolongent les expériences tentées sur Like, love, lust avec des morceaux comme “LLL” ou “I like the sound”. Ils sont habités par un souffle et une énergie réellement électrisants. Presque une forme de rage par moments. Le dialogue guitare/voix s’y fait encore plus urgent, soutenu par un jeu de batterie toute en tension contenue. Laquelle atteint son paroxysme sur un “Pleasuring the divine” à la structure en montagnes russes, l’un des sommets de l’album. Marble son semble osciller constamment entre ces deux polarités, et c’est ce qui lui insuffle cette impression de vie et de mouvement qui frappe dès les premières écoutes. Sur ce titre en particulier, la voix évoque un capitaine de navire au cœur de la tempête, qui brave les éléments sans jamais renoncer.

Prophétie

Marble son, en définitive, ne nous prend pas par les émotions de manière aussi directe que l’album précédent : il est plus onirique, plus subtil, plus hypnotique. Et sacrément envoûtant. Chaque album nous éloigne davantage de la country parfois maladroite des débuts. Le groupe a mûri, exploré d’autres voies qu’il arpente désormais d’un pas nettement plus confiant. Presque téméraire, même : d’un disque à l’autre, Jesse Sykes et ses musiciens apprennent la beauté du lâcher-prise. Et les paroles de “The open halls of the soul” résonnent désormais moins comme une promesse que comme une prophétie.

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publié par le 24/04/11
Derniers commentaires
Damien - le 24/04/11 à 21:02
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Très bel article. J’espère qu’il contribuera à faire découvrir ce groupe, qui mérite vraiment de rencontrer son public en France.