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publié par Guillaume Mazel le 25/09/15
Inga Liljestrom and Michael Lira
- We Have Tigers
We Have Tigers

Le vrai défi de l’art, c’est de créer le voyage, qu’il soit ailé dans les cieux, qu’il soit courant entre peau et chair, qu’il soit les yeux fermés. Le réel défi et l’âme d’un son réside dans l’image qu’il nous apporte, la dérive qu’il imprime a nos regards, qu’ils soient en arrière, qu’ils soient sous terre, ou feulant des onces de champs imaginés pour mieux se sentir. Le défi est relevé comme se relève des souvenirs, et à l’écoute, le disque devient un film où se mixent des émotions comme des lieux dits, où des Morricone épanchent des odeurs de terres sèches et des rites rythmiques et nordiques chargent la voix d’Inga de steppes gelées et blues. Derrière le projecteur Michael Lira dirige les lumières d’un endroit à l’autre de nos âmes, une autre manière de danser, une valse immobile, une plage sonore aux pieds de femmes de marins abandonnées par des dieux.

Sentez-vous l’atmosphère de ce disque, notez-vous l’envie de partance et de retour ? « We have tiger » est un disque impressionniste, fait de touches de couleurs d’où émanent les formes, un disque sensitifs, sans ancre, en constant mouvement d’un espace a l’autre, dans un calme presque sombre, jouant des folks quand le lieux le demande, rythme cajun d’habits lourds de pluies, des cuivres aux odeurs de rages de vieux concert 1950’s de Brel, de violons dont les plumes lourdes facilitent les envolées, et de cette voix si ébranlée de Jazz qu’elle bouleverse les essieux de nos vies. C’est une œuvre dense, d’orchestration plombée de poésie, pourvue de quelques lueurs dans les brumes, un disque obscur où se remarque mieux la lumière, de ces disques sensibles qui vous parlent de ces paysages internes, de ceux que distillent les grandes dames dream et folk d’aujourd’hui, les Feist, Bat for lashes, Poison and wine, les Marianne Faithfull, les divas des paysages, les déesses des rues, reines des sons.

Michael Lira, a compris comment transporter nos peaux a l’échine de la chanteuse, lui, bien connu en Australie pour sa maitrise des musiques de film et ses essais de groupes expérimentaux, tisse la parfaite road movie nocturne pour la voix a fleur de peau de Inga, opposant la lourdeur des ambiances a l’humanité de ce rossignol, et plongeant la poésie sincère et simple des lettres dans des huiles de garages et des chemins poussiéreux, et du contraste l’osmose. Il a même la sagesse de laisser Inga dans un a capela époustouflant, en l’enveloppant d’un léger manteau de pluie (When i was a Young girl). Le vrai défi, est de faire en sorte qu’on se sente ailleurs, le temps d’un son, le temps d’une mélodie dans un autre monde, qu’on se sente emportés, bien ou mal, mais emportés, que le hautbois soit un arbre de nos bois d’enfants, que cette guitare, revête l’image de ces dimanches de western aux télés, que cette voix frôle comme un premier baiser le nerf, que ces chevaux (Horses) ne s’arrêtent qu’a bout de souffle, au bout du monde, là où une australienne au nom de légende nordique chante avec la force d’une celte et la fragilité d’une japonaise de porcelaine, avec le cœur d’un Harlem fatigué et les nuits d’un Paris insomniaque.

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publié par le 25/09/15