Un peu de géographie
Inutile de revenir sur l’opulence de la scène musicale suédoise (le pays est troisième producteur mondial de musique, pour moins de dix millions d’habitants) ni sur la qualité du songwriting nordique. Seulement voilà, comme son nom ne l’indique pas, Fredrika Stahl est moins suédoise que française : née à Stockholm, elle a grandi dans les Yvelines, et c’est la France qui a été le berceau de sa carrière artistique.
Gènes suédois, culture française : le résultat donne en 2006 un premier album produit en France et arrangé selon les canons pop-jazz, A fraction of you, vendu à 30 000 exemplaires, sur les traces de Norah Jones et de Diana Krall - impossible de ne pas penser également à sa compatriote Lisa Ekdahl. Si Fredrika Stahl ne fait en rien avancer le schmilblick d’un genre bien établi, c’est la fraîcheur de son interprétation qui la rend attachante, doublé du fait qu’elle soit auteur-compositeur, aussi à l’aise en anglais que dans sa langue natale ou sa langue d’adoption.
Un peu de sérieux
Ce nouvel opus plonge plus profondément dans les racines du jazz, d’où son titre, Tributaries (“affluents”). Il s’ouvre sur le très Gershwinesque “Monumental Mismatch”, où la voix de Fredrika trouve un terrain de jeu à la mesure de son agilité ; terrain de jeu que l’on doit en fait au mythique Mike Stoller, co-auteur de plusieurs monuments du siècle passé, comme le Jailhouse Rock d’Elvis ou Fever pour Peggy Lee.
Un bon petit ragtime fait office de récré en milieu de disque, et quelques haltes pop viennent ponctuer tout ce swing, au premier rang desquelles “So high”, premier single irrésistible, à la métrique soignée et aux arrangements veloutés - un véritable tube en puissance. Libérée des structures jazz qui rigidifient parfois un peu trop les compositions, la voix de Fredrika s’attache à souligner l’essentiel : des mélodies efficaces, légères sans être naïves, à l’image de textes parfois touchants, particulièrement quand ils sont écrits en français (“Pourquoi pas moi”).
Même constat sur scène : là où la précédente formation, constituée de pointures du jazz (dont l’éxubérant Tom McClung, pianiste d’Archie Shepp) tirait parfois toute la couverture à elle, le nouveau groupe multicolore (pianiste japonais, guitariste norvégien, bassiste brésilien, batteur italien) sait mettre sa virtuosité au service des compositions et respecte d’autant mieux la personnalité de la chanteuse.
On trouvera aussi sur l’album un traditionnel morceau en suédois, “Dina ögon blå” (“Tes yeux bleus”), comme pour garder à l’esprit que son interprète vient d’un pays où le jazz et la pop sont des langues naturelles.
- sortie le 16 juin 2008 -
l’article résume très bien l’album. C’est une vrai source de bonheur. Un album tout simplement ravissant et envoutant.