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publié par Mickaël Adamadorassy le 15/09/22
Alexandra Savior - Petit Bain, Paris - 13/09/2022

Dans un monde sans Covid, la sortie en 2020 de The Archer, le deuxième album d’Alexandra Savior aurait du ne pas se limiter à un buzz dans le microcosme indé, fait d’articles ultra-élogieux sur des blogs et des webzines, sur sa voix, sur la production d’orfèvre de Sam Cohen, de petites salles où les places s’arrachent ; c’est un frémissement qui aurait du se transformer en lame de fond au fur et à mesure des concerts, des passages radio et TV et en 2022 c’est plutôt un Trianon ou une Cigale qui afficherait complet pour elle.

Pas de chance, dans le multivers nous sommes au n°42, une timeline où le Covid existe, et donc deux ans après l’album ce n’est que maintenant que l’on a enfin la chance de voir Alexandra Savior en concert, dans une salle qui affiche quand même complet, malgré les multiples reports. Notons que ce n’est pas la premier coup d’arrêt que rencontre cette américaine de 27 ans. Signée initialement chez Columbia, elle sort chez eux Bellodonna of Sadness, un premier album déjà réussi mais The Archer se voit recalé, son manager la lâche et Alexandra abandonne l’idée de faire carrière. C’est finalement Danger Mouse qui sortira l’album sur son label 30th century records et pour cela il aura notre reconnaissance éternelle ainsi que celle de tout l’univers (42).

Mais revenons à nos moutons ou plutôt à Petit Bain où c’est en mode quintet rock que se produit Alexandra : elle au chant et à la guitare rythmique, un guitariste lead, un bassiste, une batteuse et une claviériste qui a "juste" un seul clavier, le classique Nord Electro rouge. Ce qui présage déjà de l’intention : pour reproduire à l’identique la palette de sons du disque malgré la versatilité du Nord, il aurait fallu plus de matériel ou prendre le temps d’en sampler les sons , ou encore avoir deux claviéristes. Alexandra a fait le choix plutôt de jouer ses chansons avec un groupe et de les arranger pour ce groupe.

Le résultat est donc au premier abord assez différent du disque et certains sons nous manqueront un peu durant le concert, l’effet massif des cuivres de "But You", la guitare au début de "Crying All The Time" qui n’a pas ce son incroyable de la version studio. Le mix aussi est celui d’un groupe live, chaque son n’est pas aussi bien rangé, bien placé que sur les versions qu’on écoute depuis deux ans. Et en fait... tant mieux : on mettra quelques titres à s’y faire mais on trouve que cette prise de risque paye : la musique n’est pas figée dans le carcan du disque, on a pas l’impression d’avoir Alexandra et des accompagnateurs qui sont là pour reproduire l’album mais d’avoir quelque chose qui vit, qui se développe sous nos yeux, toujours au service des chansons et de la voix d’Alexandra, qui lui laisse la place pour exister avec une personnalité et par extension une interprétation qui ressemble à la personne sur scène, qui n’est d’ailleurs pas forcément la personne qu’on imaginait...

Sur disque, la voix douce, légèrement vaporeuse, l’univers tissé autour nous font penser à Portishead ou encore Elysian Fields. Deux groupes avec des chanteuses aux voix superbes mais aussi avec une présence scénique très forte. Alexandra Savior sait être tout aussi intense mais elle ne dégage pas la même chose, elle n’a pas le vécu d’une Beth Gibbons, ce qui n’est pas du tout une critique, en fait c’est plutôt le contraire, ça a aussi son charme : comme dirait les anglais à côté de nous "she’s really young and she’s sooo cute". Et effectivement elle fait plus jeune, plus "innocente" (en apparence) que ses vingt-sept ans, elle est souriante, tout en simplicité mais il y a aussi des parties torturées dans la musique et son jeu de scène sait aussi très bien exprimer ces émotions, captiver dans ses moments là.

Au final, le groupe nous offre environ 1h15 de concert de qualité, avec une marge de progression encore par rapport au potentiel des morceaux, mais on gage que quelqu’un qui n’aura pas écouté le disque jusqu’à en user chaque octet ne se ferait même pas la remarque. On aurait bien pris quelques morceaux en plus, surtout qu’entre les nouvelles et les titres du premier album, on aura droit finalement qu’à cinq ou six titres de The Archer (forcément la triplette Soft Currents/Saving Grace/ Crying All The Time qui ouvre le disque mais pas joués à la suite ici et "But You" en dernier titre avant un rappel de deux titres.

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